Le premier contact avec le champagne se fait rarement avec le palais, plutôt avec les yeux. On regarde la bouteille et puis, très vite, son étiquette. Ces dernières années, des producteurs ont pris le chemin de la modernisation de leur image. Une démarche nécessaire pour séduire une nouvelle clientèle, mais pas toujours évidente dans un milieu où se côtoient esprit de luxe et traditions.

En 2020, la crise sanitaire liée au Covid-19 a mis le pays au ralenti voire à l’arrêt dans le cas de certaines professions. Mais pour la famille Préaut, pas question, à ce moment-là, de buller. Producteurs de champagne dans l’Aube, Alexandra et Thierry Préaut en ont profité pour revoir l’image d’une marque qui fêtera ses 50 ans en 2026. Ils se sont donc penchés sur les étiquettes de leurs bouteilles et intéressés à ce qu’ils voulaient voir apparaitre dessus. Et le changement a été pour le moins radical. « On est passé du tout noir au tout lumineux », explique Alexandra, « On a pris un papier coton qui donne un aspect hyper naturel, on a gardé le P de notre marque en or à chaud et puis comme une petite pépite d'or pour le côté prestigieux du champagne et de la bouteille ». Mais la vraie nouveauté sur leurs bouteilles, c’est l’arrivée de la couleur.

Le château ou le paysage correspondent à des anciennes images.

Arnaud Daverdon, directeur de la Fédération des Vignerons Indépendants de Champagne

Alexandra et Thierry Préaut ont confié l’image de leur marque à la société de communication « Le Bonheur des Gens ». Sophie Khatcheriguian leur a alors suggéré d’apporter une touche colorée aux étiquettes, et les tons pastel ont fait une délicate apparition sur les bouteilles. La famille Préaut valide et ne regrette pas ce choix, même s’il vient quelque peu bousculer un monde où la tradition est très ancrée. Mais les traditions ont la vie dure avec une nouvelle génération qui prend peu à peu le pouvoir parmi les vignerons champenois. « Il y a une bascule sur la compréhension de l’image », explique Arnaud Daverdon, le directeur des Vignerons Indépendants de Champagne. « Comment communiquer sur des réseaux sociaux, sur différents supports, sans être en adéquation complète avec l'image qu'on veut projeter d'entreprises modernes », s’interroge-t-il.

La fédération accompagne ses membres qui souhaitent faire évoluer le graphisme ou le logo représentés sur leurs bouteilles. « Le château ou le paysage correspondent à des anciennes images qu'on aurait pu voir dans les années 90, 2000, peut-être même 2010 », poursuit Arnaud Daverdon, « aujourd’hui, on est sur des choses beaucoup plus épurées, des fonds blancs ». Sophie Khatcheriguian confirme : « Avant, on était plus sur la brillance, des choses qui en jette. Aujourd’hui, on va épurer énormément les lignes et l’étiquette ». On évoque toujours le domaine mais en attachant davantage d’importance à la parcelle pour mettre en avant le côté naturel du vignoble. 

J’ai des gens qui, chez moi, n’achètent pas certaines bouteilles parce que l’étiquette ne les inspire pas du tout.

Alban Pernet, caviste à Sainte-Savine

Le dessin trouve aussi peu à peu sa place sur les étiquettes car « qui dit illustration, dit travail des mains », souligne Sophie Khatcheriguian qui est actuellement sur un projet sans couleur mais pas sans crayon. « On est sur quelque chose au trait, une illustration à l'ancienne pour qu'on retrouve les origines et le côté authentique. Le dessin aide à retranscrire cela, ça rassure le client et même le potentiel acheteur qui a envie de découvrir le produit parce que tu lui racontes une histoire ». Sur les rayonnages comme sur les réseaux sociaux, il faut donc savoir capter l’attention. Le monde change et il faut changer avec lui, s’adapter à une clientèle qui s’intéresse parfois autant au contenant qu’au contenu.

A Sainte-Savine, Alban Pernet est très attentif au regard que ses clients posent sur les étiquettes de champagne. « J’ai des gens qui, chez moi, n’achètent pas certaines bouteilles parce que l’étiquette ne les inspire pas du tout », explique le jeune caviste. Il met en garde les producteurs contre l’utilisation de couleurs trop « flashy ». « L'orange, le vert trop marqué, le violet, ça ne marche pas ». Il faut donc se démarquer sans être outrancier, savoir séduire de nouveaux consommateurs sans prendre le risque de perdre une clientèle acquise qui a besoin de repères. 

L’étiquetage, c’est comme l’assemblage : une question d’équilibre. Mais toutes les maisons de champagne ne peuvent pas se permettre de révolutionner leur image. « Quand vous êtes sur des très grandes maisons avec des bouteilles qui sont iconiques, changer l'étiquette ou le packaging, c'est beaucoup plus compliqué, surtout quand c’est l'emblème de la maison », souligne Alban Pernet. Ça l’était sans doute un peu moins pour Thierry et Alexandra Préaut qui, avec leurs 50000 bouteilles produites annuellement, sont bien loin des millions affichés par les grandes maisons champenoises. En 2020, ils ont décidé de ne plus faire apparaitre de bulles sur leurs étiquettes, pourtant un symbole du champagne. « Les bulles, elles sont à l’intérieur », rappelle la productrice, tout sourire et sans regret.

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