Comment un mail mal rédigé provoque la suspension du procès d'un maire jugé pour recel

Le maire de Pont-Sainte-Marie (Aube) et sa femme étaient jugés ce lundi 17 juin 2024 pour, entre autres, prise illégale d'intérêts et recel de bien. Mais après la découverte d'un vice de procédure, l'audience a été suspendue au bout de trois heures de débats. Elle ne reprendra que le 9 juillet 2024.

C'est une audience qui ne s'est pas vraiment déroulée comme prévu au tribunal judiciaire de Troyes. Le maire de Pont-Sainte-Marie (Aube), Pascal Landréat, et sa femme Sandrine Tournois, étaient sur le banc des prévenus ce lundi 17 juin 2024.

Les faits reprochés à l'édile remontent à octobre 2022. Sept élus du conseil municipal avaient démissionné, reprochant au maire centriste un manque de transparence et de dialogue, notamment à la suite des révélations de nos confrères de L’Est Éclair qui mettaient en cause la gestion de plusieurs dossiers. Sa compagne, elle, aurait bénéficié de primes et indemnités qu'elle n'aurait pas dû percevoir.

Accord conclu entre le maire et son épouse

L’achat de capteurs CO² et le cumul d’indemnités de la femme du maire étaient au cœur de l'audience. Tout avait bien commencé. Sandrine Tournois s'est avancée à la barre. La présidente cherche à comprendre les fonctions exactes qu'elle exerçait auprès de son mari à la mairie. Directrice générale adjointe des services, un poste interdit pour les communes de moins de 10 000 habitants, ou encore membre du cabinet du maire, fonction illégale pour l’épouse d’un édile depuis l'entrée en vigueur de la loi pour la confiance de la vie politique en 2017. Sandrine Tournois se défend. "Le terme était impropre", déclare-t-elle.

Concernant les astreintes et heures supplémentaires qu'elle réalisait, elle se justifie : "Être l’épouse de Monsieur le Maire m’a toujours poussée à en faire plus". Elle évoque même un accord conclu entre le couple. "Étant l’épouse de Monsieur le Maire, je suis constamment d’astreinte", justifie-t-elle à la barre.

Mais où sont les réquisitions du procureur ?

Alors que l'audience se déroulait calmement, coup d’éclat dans la salle du tribunal. L’avocat du couple, Maître Mourad Benkoussa, découvre qu’il n’a pas eu accès aux réquisitions que la procureure Julie Bernier a sous les yeux. "Elle faisait référence à des conclusions écrites que je n'avais jamais lues", souligne-t-il. L'avocat pénaliste au barreau de Reims nie les avoir reçues alors qu'elles auraient été envoyées quelques jours avant le procès. La séance est suspendue le temps de vérifier les déclarations de l'avocat.

Après de longues minutes de délibération, les jurés reviennent à leurs places. L’avocat a bien reçu un mail, mais les pièces jointes qui le constituaient n'étaient pas clairement nommées. "Pendant les débats, on s’est rendu compte que le procureur avait mal transmis les 30 pages d’argumentation. Il est nécessaire de prendre, comme il se doit et en temps voulu, connaissance des argumentaires", précise-t-il.

Je ne suis pas là pour faire des histoires, mais pour défendre mes clients dans les règles du droit

Me Benkoussa, avocat de la défense

Maître Benkoussa demande le renvoi de l'audience, ce que la présidente ne souhaite pas. Elle propose que l’avocat ait plusieurs heures pour étudier les réquisitions et que le dossier soit tout de même jugé ce lundi 17 juin. Mais l’avocat des deux prévenus tient tête. "Compte tenu de la situation politique actuelle et des enjeux importants du dossier, je demande le renvoi", insiste-t-il auprès de la présidente. Ce dernier dénonce un souci de communication.

Après délibération, la présidente décide de renvoyer l’audience au 2 juillet prochain. Une date qui ne convient pas à l’avocat. "Je ne suis pas disponible, murmure-t-il, le lendemain, je serai en cours d’Assises pour un de mes clients qui risque la perpétuité".

"Alors ce sera maintenant !", avance la présidente. "Vous débattrez toute seule", lui répond l'avocat. Pour tenter de trouver une solution et de calmer les ardeurs, la procureure appelle le bâtonnier. "Je ne suis pas là pour faire des histoires, mais pour défendre mes clients dans les règles du droit. Quand je considère que les éléments n’ont pas été transmis dans les conditions normales, je ne peux pas faire mon métier correctement", conclut-il.

Le tribunal, après une troisième délibération, a suspendu l’audience. Elle reprendra le 9 juillet à 13h30.

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