Le bilan comptable du diocèse de Troyes affichait un déficit de 500.000 euros en fin d'année 2019. Après le confinement, la situation s’est aggravée, mais Monseigneur Stenger, évêque de Troyes, précise "je n’ai pas l’intention de fermer la porte demain matin".
En grande difficulté financière, le diocèse de Troyes s’est retrouvé à devoir cesser ses activités pendant le confinement.
"Les choses ont été vécues comme dans une entreprise. Notre activité a été réduite à zéro, puisque les établissements recevant du public ont fermé, que les activités cultuelles ont été interdites pour des raisons de santé pendant plus de deux mois", explique Thierry Colin, économe du diocèse de Troyes.
La vie du diocèse : offices, célébrations mais aussi camps de jeunes, sessions de préparation au mariage ou au baptême, a été réduite à néant. "N’est restée que l’activité de donation. Et là, beaucoup de personnes se sont manifestées pour faire des dons en mettant des petits mots de soutien, plus fréquents que d’habitude" précise-t-il encore.
700.000 euros de déficit annoncé
Entre janvier et avril, la collecte de dons réalisée à distance s'est maintenue au niveau de 2019 avec 350.000 euros récoltés, alors que les autres recettes (quêtes, baptêmes, mariages) baissaient de 54%.
"Beaucoup de choses se sont arrêtées, se souvient Monseigneur Stenger. Mais un des évènements les plus douloureux fut de ne pas pouvoir accompagner les familles dans leurs deuils. Et en même temps, il y a eu des quantités d’initiatives pour que l’église continue à jouer son rôle. Je suis émerveillé de ce que les prêtres et les chrétiens ont réussi à mettre en place. Il y a eu de la vie et c‘est une bonne base pour construire l’après."
Le diocèse de Troyes a des coûts majoritairement fixes liés à l’immobilier et aux rémunérations de personnes. Des coûts qui ont très peu bougé durant la période de confinement.
"Nous avons bénéficié du chômage partiel, précise encore Thierry Colin, mais les salariés sont peu nombreux dans le diocèse. Pour 100 personnes inscrites au tableau des effectifs, 24 sont salariées, (les autres sont des bénévoles). Et tous n’ont pas pu être au chômage partiel. La masse salariale a baissé d’à peu près 10%, l’ensemble des dépenses ayant peu diminué au global".
L’impact de ces deux mois d’inactivité est donc très important.
Il est trop tôt pour le mesurer à l’euro près. Si tout repart bien maintenant, on va avoir aggravé notre déficit de 200.000 euros.
- Thierry Colin, économe du diocèse de Troyes
Presbytères et bâtiments d’activité en vente d’ici l’automne
Le déficit était déjà de 500.000 euros en décembre 2019. L’hiver dernier, le diocèse avait ainsi entamé une réflexion pour trouver des solutions à cette situation financière grave. "L’église diocésaine dépense en gros 4 euros quand elle en encaisse 3. Cela fait un certain temps que cela dure et ce n’est pas soutenable. Il faut à un moment réajuster son niveau dépense à la réalité", précise Thierry Colin.
Un diocèse propriétaire de bâtiments plus ou moins grands dont certains ne sont pas utilisés ou sous-utilisés. "Nous nous sommes dit que certains pouvaient être cédés. Mais, dans une structure comme la nôtre il faut qu’il y ait l’accord de chaque paroisse. Cette réflexion n’est pas aboutie et a été figée pendant le confinement. Pour l’instant la réflexion est en cours et aboutira très certainement à l’automne. Nous n’allons pas vendre un seul bâtiment mais plusieurs, et l’idée est de se recentrer sur des locaux que l’on va occuper tous les jours plutôt que 3 ou 4 locaux que l’on va utiliser une à deux journées par semaine".
Des difficultés qui "nous oblige à entrer dans un moment de vérité, reprend Monseigneur Marc Stenger. Tant qu’on a les moyens, on consomme, mais maintenant, il nous faut regarder de près ces bâtiments dont les charges sont lourdes. Le moment est venu d’avoir une vision plus juste et réaliste, de les regarder autrement en fonction de leur utilité et de leur rentabilité".
Pas question de vendre les églises…"Elles ne nous appartiennent pas !", souligne encore Thierry Colin. Mais les presbytères et les locaux indépendants avec des salles d’activités sont les cibles.
"Le nombre de prêtres baisse et nous pouvons les regrouper dans des bâtiments adaptés. Nous pourrons être amenés, à céder des presbytères qui sont des maisons d’habitation. Et puis, sur un territoire donné, lorsqu’il y a deux ou trois salles d’activités, nous pourrons en garder une, ce qui fera disparaître les frais d’assurance, les frais de chauffage et les frais d’entretien".
Mais le choix du local à céder appartient d’abord aux utilisateurs sur le terrain, aux paroissiens. "Tout cela sera acté probablement à l’automne et ensuite les procédures de mise en vente seront publiques avec des annonces. Si ce sont de très gros bâtiments, il y aura des démarches d’appel d’offre ou au moins d’appel à candidature pour avoir une démarche de cession appropriée" explique encore Thierry Colin.
Une reprise en douceur
Le déconfinement a débuté le 11 mai et les offices ont pu reprendre quelques jours plus tard le 23. "La reprise d’activités s’est faite avec motivation, dit encore Thierry Colin. Mais bon nombre de chrétiens sont des personnes âgées. La préservation de leur sécurité est un souci important, donc nous n’avons pas tout repris notamment les collectes de vêtements, de livres".
D’autres prestations seront adaptées car les mesures sanitaires et de distanciation l’exigent. Impossible donc de maintenir les camps d’été pour les enfants, des camps sous tente.
Les camps d'été seront réorganisés en externat à la journée avec un public plus de proximité. Ce ne sera pas rien, mais ce sera différent.
- Thierry Colin, économe du diocèse de Troyes
"Nous avons aussi commencé à programmer des ordinations, des célébrations de baptêmes, de mariages pour la rentrée. La machine se remet en route petit à petit, reprend encore l’économe du diocèse. Mais, ce qui a été décommandé au printemps ne peut pas reprendre dès maintenant. Les gens les plus pressés vont reprogrammer ces célébrations en septembre, le gros du report sera sur le printemps prochain".
Ces recettes ne sont pas totalement perdues… mais elles ne rentreront pas sur l’année 2020.
Déconfinement et la vie d’après
Cette période inédite, douloureuse et difficile économiquement, ne laissera pas seulement des traces négatives. Le confinement a apporté au diocèse de Troyes de quoi évoluer vers un mode d’organisation plus moderne. "Le confinement a montré à l’église que des outils modernes n’étaient pas incompatibles avec notre fonctionnement. Comme tout le monde, nous avons utilisé zoom, whatts’app, tous ces outils qui permettent de maintenir le contact quand on ne peut plus se déplacer, explique Thierry Colin.
Cela aura un impact, notamment sur la pastorale des personnes âgées. Ces personnes ont pu, pendant le confinement, assister aux célébrations de leurs paroisses qui étaient retransmises en vidéo. Elles seront, nous en sommes certains, demandeuses que cela continue. Le service de la formation travaille aussi dans ce sens. Les formations continueront d’être organisées en présentielles et elles le seront aussi simultanément en vidéo, pour que ceux qui sont trop loin puissent aussi en profiter".
Et si jamais il y a un reconfinement l’hiver prochain au moins nous serons prêts pour ne plus être en cessation total d’activités. Mais nous sommes bien d’accord, on ne pourra jamais se marier par zoom… il y a des limites !
- Thierry Colin, économe du diocèse de Troyes
"Nous devons réajuster les moyens pour vivre la vie chrétienne, ajoute Monseigneur Marc Stenger. Nous concentrer sur pourquoi la vie d’église existe. Il faut faire des efforts. Mais je ne suis pas dans la perspective de fermer la porte demain matin."
Plus globalement, la Conférence des évêques de France estime que les ressources de l'Eglise catholique ont baissé de "40 à 50 millions d'euros" pendant le confinement. Une campagne nationale d'appel aux dons va être lancée auprès des "catholiques pratiquants" du 13 au 28 juin