Baisse des rendements viticoles en Alsace : Où en est-on ? Que va devenir le raisin ?

Après la crise, la nécessité de baisser les rendements pour les vendanges apparaît comme inéluctable. Hier l’Association des viticulteurs d’Alsace a voté une diminutrion des quotas de vin de 80 à 70 hectolitres par hectare pour 2020. Mais cette baisse jugée insuffisante a été rejetée.

 

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Après la crise économique liée à la pandémie de coronavirus, la nécessité de diminuer les rendements pour les vendanges semble inévitable. Hier, l’Association des viticulteurs d’Alsace a voté une baisse des quotas de vin de 80 à 70 hectolitres par hectare pour 2020. Mais le comité régional de l’INAO, l’Institut national de l’origine et de la qualité, a rejeté massivement cette baisse jugée insuffisante.

Dans un contexte de crise, l’Association des viticulteurs d’Alsace (AVA) a demandé aux producteurs de vin de baisser leurs rendements pour l’année 2020. Hier, à l’issue d’une longue assemblée générale, une baisse des rendements de 80 à 70 hectolitres par hectare a été votée que ce soit pour le crémant ou pour l’AOC Alsace ; alors que l’AVA préconisait elle une diminution à 60 hectolitres par hectare. Mais sous la pression de nombreux viticulteurs particulièrement inquiets (une manifestation avait encore lieu hier devant le parc expo de Colmar) il n’y a pas eu de consensus sur cette préconisation de 60 hectolitres à l'hectare.

Avis défavorable pour la baisse à 70 hectolitres par hectare

Mais cette décision ne passe pas. Ce vendredi 17 juillet en milieu de journée, le comité régional de l’INAO, l’Institut national de l’origine et de la qualité dépendant du Ministère de l’agriculture, a émis un avis défavorable très tranché : 5 voix pour et 18 voix contre. La baisse des 70 % a été jugée insuffisante et irresponsable.

Un nouveau consensus à trouver d’urgence

Les viticulteurs doivent donc d’urgence retravailler leur copie et trouver un consensus avant le 18 août, date de la prochaine Assemblée générale.
Sinon, l’arbitrage se ferait au niveau national et Jérôme Bauer, président de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA) de mettre en garde : «  ce scénario serait pire que tout, de connaître les rendements autorisés, une fois les raisins coupés. »
 

Un tableau assez sombre

Selon lui, une diminution plus importante des rendements est nécessaire pour éviter de voir les cours du vin s’effondrer.
La crise du coronavirus et le confinement ont entraîné une baisse de la consommation et de la demande en vin, il faut trouver une solution. 
Le tableau de la situation de l'AOC Alsace est assez sombre.« Excédents de vins, effondrement du prix du vrac : on est dans une crise structurelle, aggravée par une crise conjoncturelle avec la Covid 19 ». « Pourtant, les ventes tirées par le crémant et par la campagne de pub du CIVA, reprenaient quelques couleurs avant l'épidémie. Mais elles se sont effondrées avec avec la perte de 10 millions de bouteilles pendant la crise, soit moins 21 % sur les 5 premiers mois de 2020 par rapport à 2019. »

Les ventes se sont effondrées avec la perte de 10 millions de bouteilles pendant la crise.

Alors que fera-t-on du surplus de raisin?


Pour faire face au surplus de raisin, la première des solutions serait d’intervenir encore avant les vendanges, en coupant l’excédent vert, c’est-à-dire en éliminant des grappes vertes ce qui permettrait aux autres grappes de mieux mûrir. Une démarche qualitative pour laquelle certains viticulteurs ont déjà opté.
C’est le cas d’un professionnel de Scherwiller qui produit son propre vin mais qui préfère rester anonyme. Lui a fait ce choix depuis janvier déjà, en coupant de nombreuses grappes dans ses vignes.

 Le vigneron, ayant du stock pour deux ans dans sa cave, avait déjà anticipé cette inévitable baisse des rendements. Le bon côté des choses c’est que « moins la vigne produit, plus on gagne en qualité ».

« Le bon côté des choses c’est que moins la vigne produit, plus on gagne en qualité»


Mais avec une possible baisse des rendements imposée à 60 hectolitres par hectare, cela entrainerait aussi  une diminution d’un quart de son revenu, ce qui serait vraiment rude pour lui et pour beaucoup.  
Le viticulteur a néanmoins conscience de la nécessité de faire quelque chose pour assurer l’avenir : « baisser les rendements,  c’est le seul levier pour éviter la chute des prix mais aujourd’hui chacun veut défendre son pré-carré».

« Baisser les rendements, c’est le seul levier de l'AVA pour éviter la chute des prix mais aujourd’hui chacun veut défendre son pré-carré».

 

Quels autres débouchés?


Evidemment, il y aura aussi du raisin qui risque d’être laissé au sol, c’est inévitable. Même si en théorie, les viticulteurs sont obligés de vendanger toutes les parcelles pour ne pas perdre l’appellation AOC Alsace et que toutes les grappes doivent être coupées, certaines resteront à terre, et par la force des choses, une partie du raisin sera jetée. Une situation forcément désolante pour les viticulteurs qui ont travaillé toute l’année pour en arriver là.
Selon Didier Pettermann président du CIVA, le Comité interprofessionnel des vins d'Alsace et viticulteur à Dambach-la-ville: « on devrait être sur une récolte moyenne cette année et le raisin non utilisé pour le vin pourra partir essentiellement en distillation, ou avec l’excédent, il y a la possibilité d'élaborer du jus de raisin».

« On devrait être sur une récolte moyenne cette année et le raisin non utilisé pour le vin pourra partir essentiellement en distillation, ou avec l’excédent, il y a la possibilité d'élaborer du jus de raisin».

Enfin, certains viticulteurs comme Etienne Dreyer, vigneron indépendant et membre du syndicat viticole d'Ammerschwihr (Haut-Rhin), opteront sûrement  pour un autre débouché.  Car il y a aussi la possibilité d'utiliser l'appellation "Vin de France", c'est-à-dire produire des bouteilles ou des cubis en sortant de l’appellation Alsace. Lui réfléchit à un assemblage avec du riesling, du gewurtzraminer  et du pinot gris. « Produire des vins de France, un autre débouché pour tenter de sauver ce que l’on peut dans une situation inédite et très fragilisante pour de nombreux viticulteurs. »

Et la méthanisation?

Enfin, une autre solution non autorisée pour l’heure serait de livrer une partie des vendanges à la méthanisation mais ce n’est pour l’heure pas réglementaire en France.

En tous cas, pour les années à venir, selon Jérôme Bauer, président de l’AVA: « pour ne plus subir une telle situation, il faudra sûrement fixer dès l’hiver des rendements plus bas et sortir de la meilleure qualité car là, on est vraiment dans l’urgence et on subit la situation. »

 
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