Une série de séismes relancent les débats sur l'implantation de nouvelles centrales géothermiques en Alsace

Dans la nuit du 7 au 8 mai, le réseau national de surveillance sismique a relevé plusieurs séismes dont la magnitude s'élevait de 1 à 2,2 vers Betschdorf, au nord de Haguenau. Des événements qui relancent le débat concernant l'implantation de nouvelles centrales géothermiques profondes.

Un peu avant 23h, ce mardi 7 mai, une série de séismes a été détectée par le réseau national de surveillance sismique (Renass), au nord de Haguenau (Bas-Rhin) et plus précisément autour de la commune de Betschdorf. 

En tout, six événements d'une magnitude de 1,4 à 2,2 ont été relevés, jusqu'à 23h39. Le plus important a eu lieu à 23h10. Les séismes se sont ensuite poursuivis jusqu'à 2h35. Il y en a eu une douzaine à une faible profondeur, maximum 2 kilomètres.

Ils ont été ressentis par des habitants de la commune qui ont témoigné auprès de France 3 Alsace. "J'ai entendu une déflagration", "j'ai ressenti des tremblements et j'ai entendu un drôle de bruit".

Une crise sismique en lien avec l'activité géothermique

Ces événements sismiques sont tous "induits" selon le Renass, c’est-à-dire qu'ils ont été déclenchés directement ou indirectement par des activités humaines. "On les qualifie d'induit au sens où ils sont en lien avec l’activité industrielle, une activité de géothermie profonde du site de Rittershoffen", explique Jean Schmittbuhl, directeur de recherche CNRS à l’université de Strasbourg, interrogé par France 3 Alsace.

Plusieurs critères d'observation leur permettent de faire le lien entre l'occurrence des séismes et l'activité industrielle. "Il y a la distance au site, ici, les séismes sont très proches du site et à une profondeur compatible avec l’exploitation. Ils [ont lieu] à un moment où il y a une activité d’injection sur le site, énumère le directeur de recherche du CNRS à l'université de Strasbourg. Il y a aussi des précédents de séismes qui sont liés à cette activité-là, donc on a un faisceau d’observations qui nous permet de penser que c’est lié à cette activité géothermique."

Cette centrale de géothermie profonde implantée à Rittershoffen depuis 2016, alimente en chaleur l'usine Roquette de Beinheim. Non loin, à quelques kilomètres, se trouve aussi la centrale géothermique de Soultz-sous-Forêt.

"Une réponse du système naturel"

Cette crise sismique, c'est "la réponse du système naturel. Les séismes ont toujours lieu sur des failles géologiques et ces failles peuvent être plus importantes et donc potentiellement donner lieu à des séismes plus importants et c'est le savoir-faire des opérateurs [de la centrale] que de maîtriser cette sismicité ", ajoute le scientifique.

Au surlendemain des événements, l'opérateur de la centrale, Electricité de Strasbourg, précise que les séismes "sont intervenus alors que la centrale géothermique de Rittershoffen était en condition normale d’exploitation, avec un débit d'injection de l'eau géothermale constant autour de 280 m3/h".

Vers 23h, ES a décidé de baisser progressivement le débit jusqu’à 180 m3/h vers 23h20. Cette mesure de précaution est maintenue jusqu'à "l’arrêt programmé pour maintenance de la centrale qui aura lieu vendredi 10 mai". 

Il y a quelques années, des séismes avaient déjà eu lieu et le site de la centrale avait réussi à les réguler, même si ces épisodes récents sont plus importants.

Ce n'est pas la première fois que le Bas-Rhin est touché par des séismes induits par l'activité géothermique. En 2019 des séismes beaucoup plus forts, s'élevant parfois à 3,9 de magnitude avaient été ressentis aux alentours de Strasbourg.

En 2022, un rapport du comité d'experts mandaté par la préfecture du Bas-Rhin pointait la responsabilité de l'activité géothermique de GeoRhin (anciennement Fonroche) à Vendenheim dans la série de séismes survenus dans l'agglomération strasbourgeoise depuis 2020. Cela avait alors provoqué de nombreux dégâts, 3 900 demandes d'indemnisation avaient été comptabilisées. L'arrêt définitif des travaux de géothermie avait alors été décidé par la préfecture sur ce secteur, en décembre 2020. Un caractère définitif retoqué en mars 2022 par le tribunal administratif. À ce jour, les travaux n'ont pas repris.

L'activité des sites d'exploitation de la géothermie profonde n'est pas censée induire des séismes de plus de 2 de magnitude.

Inquiétudes et nouveaux projets

Autour d'Haguenau les projets en lien avec la géothermie se développent de plus en plus. Lithium France a par exemple fait une demande de forage, des discussions sont en cours. À Betschdorf, le maire aimerait pouvoir relier le réseau existant de la commune à un futur réseau de géothermie.

L'édile, Adrien Weiss se veut rassurant par rapport aux récents séismes. "Au sein de la communauté de communes, nous sommes des élus responsables et nous ne sommes pas là pour faire prendre des risques inconsidérés à la population. Des erreurs ont été commises lors de forages à Strasbourg. Il faut aussi apprendre de ces erreurs pour ne pas les reproduire ici."

Pourtant, des questions subsistent chez les habitants des communes alentour qui ne voient pas d'un bon œil ces projets. L'association de défense de l'environnement et de la qualité de vie à Rittershoffen et environ (ADEQ), créée à la suite d'un projet d'implantation d'une usine de méthanisation sur la commune, ne cache pas sa colère. " On a l'impression que les élus et industriels minimisent ces séismes, notre parole d'association n'est pas entendue. Ce n'est pourtant pas la première fois et ils sont de plus en plus forts !"

En mars dernier, plus d'une trentaine de microséismes ont eu lieu sur la zone de Haguenau, la majorité a été reconnue comme "induit" par le Renass.

S'il se passe quelque chose, on a aucune protection pour nos maisons, on ne sera pas remboursé par les assurances.

Marie Walter porte parole de l'association ADEQ

L'association redoute que la situation constatée avec Fonroche autour de Strasbourg ne se reproduise. "On a vu ce que cela a occasionné avec Fonroche... On demande l’arrêt des opérations, on demande qu’un audit soit fait durant lequel les associations pourront être sollicitées. Et aussi que les opérateurs puissent se justifier."

Des stations sismologiques ont été installées chez plusieurs habitants par l'université de Strasbourg pour suivre ces phénomènes. 

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