Charles Spindler était un homme aux talents multiples : marqueteur, peintre, photographe, écrivain. Francophile convaincu dans une Alsace allemande, c'est un fin observateur de la vie quotidienne. Il tient son journal pendant toutes les années de guerre. Un récit toujours précieux 100 ans après.
Charles Spindler est né le 11 mars 1865 à Boersch, est mort le 3 mars 1938 à Saint-Léonard. Il est le créateur de la revue alsacienne illustrée.
Charles Spindler est une personnalité hors du commun. En ce début de XXème siècle, il incarne la création en Alsace sous de multiples facettes : peintre, photographe, éditeur, écrivain et plus particulièrement marqueteur. Cette dernière discipline lui valut d'ailleurs une renommée encore vivace aujourd'hui, grâce notamment à ses créations de meubles et ses marqueteries. Son atelier de marqueterie est toujours en activité sous l'égide de son petit-fils, Jean-Charles Spindler, à proximité d'Obernai, dans le hameau de Saint-Léonard.
Charles Spindler a vécu la Première Guerre mondiale depuis son hameau de Saint-Léonard, à une vingtaine de kilomètres à l'arrière du front situé sur les sommets vosgiens. Trop âgé pour être mobilisable, et victime d’insomnies dues à des crises de goutte, il passa les quatre années du conflit à écrire son Journal qui comprend 2600 feuillets manuscrits.
Un document inégalé qui constitue l'un des témoignages les plus exceptionnels sur un conflit déclenché officiellement pour récupérer l'Alsace et la Lorraine (Moselle), annexées par l'Allemagne à l'issue de la guerre de 1870. Ce témoignage est riche de détails sur la guerre vécue au front et sur la guerre subie à l'arrière, en Alsace, au jour le jour. Ce journal exprime aussi toute la complexité de la situation de l'Alsace : Français de cœur ("J'ai toujours ressenti Sedan comme une défaite"), Allemand de fait ("J'ai fait mon service militaire en Allemagne") rappelle Charles Spindler, qui a des neveux dans les deux camps.
La partie allant du 25 juillet 1914 au 28 avril 1919 a été publiée en 1925. C’est un document incomparable qui restitue l’état d’esprit de la population pendant la Première Guerre mondiale car, malgré son patriotisme français évident, il essaie de garder la tête froide et de rester objectif, ne cessant de rapporter ce qu’il entend dire autour de lui.
La partie du journal postérieure au 28 avril 1919 est inédite. Le 24 mars 2006 Jean-Marie Gyss a prononcé à la salle des fêtes de Bœrsch une conférence où il a parlé de la suite du journal, qui s'arrête pratiquement en 1928. De cette conférence, il apparaît que l'enthousiasme patriotique de Spindler est bien vite retombé devant les maladresses des autorités françaises et que ce patriote français a été outré par les exactions commises contre les Allemands ; étant encore bien vu il a réussi à intervenir utilement en faveur de quelques-uns mais cette attitude modérée, dans le climat exalté de l'époque, a commencé à lui valoir des inimitiés ; nombre de ses proches ont rompu avec lui quand, à l'occasion de l'absurde procès de Colmar, il est venu témoigner en faveur d'un autonomiste, innocent des faits dont on l'accusait. On comprend qu’à pareille époque une telle publication aurait paru un soutien à la cause autonomiste qu’il n’a jamais soutenue.
Dans ses Mémoires inédits publiés soixante-dix ans après sa mort il mâche encore moins ses mots. Sur Hansi, dont la légende fait son ami, il écrit:
« Hansi, un singe mal bâti, le dos voûté, une figure de gavroche aux traits flétris sur un corps trop grand, le regard méfiant et fuyant, un débit nasillard, ressemble à un Boche qui aurait voulu se donner des allures de rapin français. »
Cet ouvrage rassemble ses souvenirs allant de 1889 à 1914 et a été rédigé après 1928, quand il a cessé de tenir son journal. C'est un ouvrage essentiel pour qui s'intéresse à la vie artistique et intellectuelle de l'Alsace avant 1914. Par ailleurs, bien que profondément déçu par la politique française en Alsace après 1918, il cherche toujours à rester objectif dans ce domaine et constate que :
« La guerre a été provoquée surtout par la bêtise et la maladresse des hommes d'État allemands, et elle se serait déclenchée aussi bien avec ou sans le redressement de l'Alsace ; de même qu'une Alsace absolument germanisée n'eût pas été un empêchement à la désannexion par la France. »
Une partie de son travail est protégée par l'inscription à l'inventaire complémentaire des monuments historiques, catégorie mobilier: ils sont conservés à la mairie d'Étampes, ou à Soultz-sous-Forêts.