Rund Um. Gilbert Boch fait partie du club restreint des diagonalistes, ces cyclistes qui traversent la France d'une extrémité à l'autre. Le sexagénaire a désormais bouclé toutes les diagonales répertoriées. Un périple beaucoup plus sérieux qu'il n'y paraît.
Il est loin d'avoir la carrure des coureurs du Tour de France mais ne vous y trompez pas, Gilbert Boch est un cycliste chevronné. Capable d'accomplir de sacrées performances, dopé par le seul plaisir du défi à relever. Le dernier en date : rouler de Strasbourg à Perpignan. 940 kilomètres, avalés en à peine 70 heures s'il vous plaît.
Autant vous dire qu'il n'a pris le temps de faire du tourisme en chemin. Bien au contraire. Etre "diagonaliste" se mérite. "Il faut arriver en un temps imparti, imposé par la Fédération Française de cyclotourisme. Pour Strasbourg-Perpignan, vous avez 78 heures de commissariat à commissariat", détaille cet habitant de Wasselonne, dans le Bas-Rhin.
Tout un cérémonial auquel Gilbert Boch, 66 ans, est familier. Il a maintenant à son actif les neuf diagonales officiellement établies par la Fédération. Chacune relie deux sommets non consécutifs de l’Hexagone (Brest, Hendaye, Perpignan, Menton, Strasbourg et Dunkerque). Jusqu'à 1.400 kilomètres pour la plus longue, Brest-Menton, qui doit être bouclée en 116 heures maximum repos compris.
15 heures par jour sur le vélo
À chaque fois, 300 kilomètres à parcourir par jour en moyenne. 15 heures passées sur le vélo quand tout va bien, quelques heures de plus en cas de météo défavorable. Il faut le vouloir... Et ça tombe bien, de la motivation, le cycliste amateur en a à revendre. Avant chaque diagonale, il accumule les grosses sorties d'entraînement pendant plusieurs mois, depuis sa première en 2013.
Il venait alors de prendre une licence dans un club de vélo pour se remettre au sport quand un copain lui a parlé de son projet, rejoindre Hendaye depuis Strasbourg en pédalant. Gilbert s'est laissé prendre au jeu au point de devenir mordu, malgré les galères, inévitables...
"Lors de ma première diagonale, on avait roulé toute la journée et quand on est arrivés à l’hôtel le premier soir, il était fermé. Il était presque 23 heures et on était mouillés trempés. L'un de mes compagnons de route voulait appeler le maire pour qu’il nous ouvre l’église. Je lui ai dit « ça ne va pas, on va dormir dehors. Mais on serait tombés malades... ». Heureusement, on est tombés sur des voisins qui ont bien voulu nous héberger quelques heures et nous préparer à manger, confie-t-il, avant de poursuivre. Je n'ai pas tout raconté à ma femme. Il y a des fois où j'ai dormi dans des abris de bus en plein milieu de nulle part. Il ne faut pas perdre de temps, c'est vrai que c'est dur."
Les eurodiagonales, nouvel objectif
Le sexagénaire a gardé des souvenirs de toutes ses aventures. Quelques photos et surtout ses carnets de route, garnis de tampons. Car pour faire homologuer chacune de ses escapades, il a dû faire tamponner ses carnets tous les 100 kilomètres environ dans des commerces. Ou à défaut, la nuit, se prendre en photo devant des panneaux d'entrée d'agglomération. Une manière de prouver sa bonne foi.
Maintenant que les diagonales françaises n'ont plus de secret pour lui, Gilbert Boch envisage de s'attaquer aux eurodiagonales, à commencer par Strasbourg-Budapest. En plus des nombreux autres challenges auquel il participe tout au long de l'année, tantôt seul, tantôt avec des amis, tantôt avec sa femme Josiane. En avril 2022, il a ainsi pris part à son premier Paris-Roubaix. "L'enfer", soupire-t-il encore en souriant.
Au-delà du vélo, un homme engagé
Plus il en fait, mieux il se sent. Infatigable... Le vélo n'est qu'une partie de ses activités. Le Wasselonnais conduit aussi régulièrement la navette de sa ville pour emmener des personnes âgées au marché, faire leurs courses ou chez un médecin. À tour de rôle avec quatre autres bénévoles, ils se relaient tous les lundis et jeudis.
Histoire de rendre service à Sarah, Jean-Pierre et les autres, de se voir pour papoter également : "Ça compte beaucoup pour moi, et j’espère qu’un jour, d’autres feront pareil pour nous, espère-t-il alors que ses passagers, heureux de pouvoir garder une certaine autonomie, lui répètent tout le bien qu'ils pensent de lui. J'aurais d'autres choses à faire, c'est vrai, mais je tiens à continuer, comme je tiens à être auprès des enfants tous les mercredis."
Voilà une autre de ses occupations. Le mercredi après-midi, l'ancien charpentier partage son amour pour le bois à des enfants avec l'association L'outil en main. "Il m'apprend à scier, à coller", détaille Manon, 10 ans. Gilbert Boch l'observe faire, heureux comme un gamin, justement. "Si nous, nous ne transmettons pas notre savoir-faire, bientôt plus personne ne maîtrisera les techniques essentielles aux métiers manuels", insiste-t-il. Donner pour recevoir, recevoir pour donner, le moteur de ce cycliste tout-terrain.