INFOGRAPHIES. 29,9 degrés dès le premier week-end d'avril, cette température est-elle exceptionnelle pour la saison ?

Les stations de Météo France ont enregistré une température de 29,9 degrés en Alsace, un record pour un 6 avril. Les données montrent que le seuil des 25 °C est franchi de plus en plus tôt dans la région, comme partout en France.

Beaucoup se sont réjouis de retrouver le soleil en cette fin de semaine, après des semaines de météo plutôt désagréable. Une température même largement supérieure aux moyennes de saison, entre 21,9 degrés dans la commune de moyenne montagne du Markstein (Haut-Rhin) et 29,9 degrés à Villé (Bas-Rhin), samedi 6 avril. Mais doit-on seulement se réjouir ?

Contrairement aux canicules d'été, les températures douces de printemps, d'automne ou d'hiver ne suscitent pas particulièrement de souffrance pour les humains. Elles n'en sont pas moins le témoin du réchauffement climatique, comme nous l'assurent une nouvelle fois les météorologues de Météo France. Nous avons récupéré l'ensemble des données de température enregistrées à la station Strasbourg-Entzheim depuis 1924, soit exactement cent ans.

Avec l'aide (indispensable) d'une météorologue professionnelle, nous sommes parvenus à un constat : si une telle chaleur au début du mois d'avril est loin d'être inédite, la tendance générale montre une arrivée de plus en plus précoce des températures élevées.

Des 6 avril déjà chauds dans les années 1930

Si on compare les températures maximales sous abri relevées à la station Strasbourg-Entzheim tous les 6 avril depuis 1924, aucune tendance claire ne se dessine. On a par exemple un premier pic de 23 °C en 1926, un autre de 26,6 °C en 1961 ou encore un jour à 24,7 °C en 2020. Tout juste les températures maximales les moins élevées sont-elles de moins en moins basses (de 3 degrés en 1929 à environ 7 degrés dans les années 1980 et 2000). Mais les variations sont très importantes d'une année à l'autre, ce qui rend l'ensemble assez illisible.

Selon Catherine Picard, météorologue à Météo France Strasbourg, cette méthode n'est pas pertinente d'un point de vue climatologique. "Les conditions sont trop variables d'une année sur l'autre, explique-t-elle. Les conditions du 6 avril 2024 sont peut-être seulement comparables à celles du 4 avril ou du 28 mars 2023, et ainsi de suite d'année en année."

Pour obtenir un semblant de tendance pertinente, il faut donc élargir la période de référence. "On gomme ainsi le plus possible la variabilité entre les années. Mais il faut aussi faire attention à ne pas prendre une période trop large : on ne peut par exemple pas comparer les températures du début du mois d'avril au début du mois de mai ou de juin." Un bon moyen serait donc de prendre une période de deux semaines ou de dix jours.

Cette méthode des moyennes des températures maximales sur dix jours n'est cependant pas idéale non plus. La courbe n'est une nouvelle fois pas très claire, même si plus révélatrice que la première. On remarque surtout que le seuil des 15 degrés de température moyenne maximale est plus régulièrement dépassé depuis la deuxième moitié des années 2010.

Une évolution indéniable : il fait plus chaud, plus tôt

Mais selon Catherine Picard, si on veut adopter une démarche scientifique rigoureuse, il vaut mieux se baser sur l'ensemble de l'année. À quel moment entre-t-on dans la période des températures estivales ? Entre 1954 et 1973, le franchissement du seuil de 25 °C arrive en moyenne le 2 mai. Entre 2004 et 2023, cela arrive en moyenne le 20 avril. Soit quasiment quinze jours de différence en l'espace d'à peine 70 ans.

Autre chiffre très révélateur : le nombre de fois où la température maximale a dépassé les 25 degrés avant le 15 avril depuis 1924. C'est arrivé 24 fois à Strasbourg, dont 18 fois depuis 2003. On assiste donc à une accélération indéniable des températures estivales précoces. "C'est un signe du réchauffement climatique, car ce n'est pas quelque chose d'isolé. Il y a une répétition du même phénomène d'une année à l'autre au cours de la période récente."

Selon la météorologue, cela confirme une autre conséquence du réchauffement climatique : le raccourcissement des intersaisons. "Avant, il y avait quatre saisons très marquées. Désormais, on va passer très vite des températures hivernales aux températures estivales. C'est d'ailleurs ce qu'une étude a démontré à Paris, Perpignan et Lille : on est vraiment sur une tendance qui concerne toute la France."

Les 29 degrés de ce week-end annoncent-ils le début d'un été précoce ? Non, car les prévisions montrent que les températures redescendent autour de la norme la semaine suivante. Un épisode isolé de chaleur à l'échelle de la saison, donc, mais totalement cohérent avec la dynamique climatique depuis un siècle.

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