Ceci n'est pas l'histoire d'une énième épicerie qui tente de survivre dans un petit village. Mais bien le projet en grand d'un jeune homme de 28 ans : ouvrir un magasin de 450 m2 en zone rurale, qui propose 5.000 produits bio, locaux et à 80% sous emballages consignés.
Niedermodern, 900 habitants. Un petit village du Val de Moder, dans l'ouest de Haguenau, qui affiche un certain dynamisme avec sa boulangerie, son salon de coiffure, sa micro-crèche, ses deux restaurants et à l'entrée de la ville, sa zone artisanale comptant une trentaine d'entreprises. Et désormais, un supermarché bio, qui mise sur le zéro déchet et les produits locaux.
Le Colibri a ouvert ses portes le 1er mars 2022, et près de 9 mois après son ouverture, son heureux propriétaire, Pierre Andres, avance une clientèle régulière d'une cinquantaine de personnes et occasionnelle d'une centaine de personnes, pour un chiffre d'affaires mensuel avoisinant les 40 000 euros.
Son pari : voir grand - 450 m2 et 5 000 produits référencés -, miser sur les circuits courts - il travaille avec une cinquantaine de producteurs locaux - et aller vers le zéro déchet - 80% des produits vendus le sont en vrac ou dans des emballages consignés.
Dans la menuiserie familiale
Un choix qui, lorsqu'il l'explique, paraît limpide. "Mon père était menuisier ici, il a pris sa retraite il y a 5 ans, en laissant cet immense local de 450 m2. Lorsque j'ai commencé à réfléchir à ce projet, il était naturel pour moi de m'installer ici.
Et puis ouvrir une structure de taille permet d'acheter des produits en grande quantité, et donc pouvoir tirer sur les prix. La farine, par exemple, je peux me fournir par sacs de 25 kg. Ensuite, je reconditionne, ce qui est dans ma philosophie, puisque cela limite les déchets. Et cela me permet aussi de proposer des prix raisonnables pour des produits de qualité, en bio."
Dans son supermarché, il peut se vanter de ne remplir qu'une poubelle jaune et une poubelle pour les déchets non-recyclables par semaine. Et pour les clients, il met à disposition des contenants, bocaux en verre consignés, pour 50 centimes d'euros.
De la Nouvelle-Zélande à Niedermodern
Des idées, une envie d'aller vers une consommation raisonnable et raisonnée que le jeune homme, formé au lycée agricole d'Obernai, a ramené de ses nombreux voyages. Professeur d'anglais en Asie du sud-est, impliqué dans des éco-projets au Népal et au Laos, Pierre Andres a surtout passé beaucoup de temps en Nouvelle-Zélande. Cet amoureux de la nature et des grands espaces y a vu comment la production locale et les circuits courts y étaient valorisés, dans des zones quasi-désertiques.
Ma génération, les soixante-huitards, on est la pire en termes d'écologie. On a tout loupé! Alors il est temps de se reprendre...
Une cliente du Colibri
Et le voilà donc déterminé à tenter d'amener ce modèle dans le Val de Moder. Pour le plaisir de ses clients. "C'est vrai que l'on trouve surtout ce type de magasins dans les villes, souligne cette habitante d'Ingwiller, commune voisine. Il faut souvent prendre la voiture et faire des kilomètres."
50 producteurs locaux comme fournisseurs
"Ma génération, les soixante-huitards, on est la pire en terme d'écologie. On a tout loupé ! Alors il est temps de se reprendre", soupire cette nouvelle adepte des achats en vrac.
"Moi, je viens une à deux fois par semaine, et je trouve beaucoup de produits qui me conviennent, explique ce père de famille. Il y a le moins de plastique possible, peu d'emballages, des bocaux, c'est important. Je trouve quasiment tout ce dont j'ai besoin, et pour un petit village comme Niedermodern, c'est vraiment bien!"
Même satisfaction du côté des fournisseurs, pour la plupart des producteurs dans la proximité immédiate du supermarché, à l'image de Florence Hugues, productrice de glaces à Kindwiller, à 4 kilomètres de Niedermodern.
"On est vraiment sur une démarche durable, éco-responsable. Mes fruits sont frais, de saison, mon lait vient d'une ferme voisine, et maintenant, je peux vendre via ce supermarché, qui est juste à côté. On dynamise ainsi tout notre territoire."
La formule magique du circuit court, dans un supermarché de taille, le pari de Pierre Andres est pour le moment plutôt payant : le jeune entrepreneur parvient à se dégager un petit salaire et à embaucher deux personnes à temps partiel, pour l'aider les samedis notamment.