Construit dès 1893, le Fort de Mutzig (Bas-Rhin) est toujours l'un des plus grands forts au monde. Ses dimensions sont impressionnantes : 254 hectares, 50 bâtiments, 22 canons lourds. 44.000m² du fort sont enterrés. Il faudrait quatre jours et demi pour le visiter entièrement.
C'est l'Alsace insolite ! Malgré son âge, c'est sans doute toujours, l'un des plus grands forts du monde. Il est en France mais ce sont les Allemands qui l’ont construit.
Nous sommes en 1871. L’Empire allemand vient d’annexer l’Alsace et la Moselle. Pour la France, la perte de ses territoires est vécue comme une blessure profonde. Les politiciens et les autorités militaires de l’époque appellent à "la revanche" et veulent "reprendre Strasbourg". Les tensions sont vives entre les deux pays.
Afin de barrer la plaine d’Alsace à une offensive française, l’Empereur Guillaume II décide alors de faire construire un immense fort souterrain. Ses proportions doivent être si imposantes qu’il doit être imprenable. En 1893, les travaux débutent : le Fort de Mutzig, Feste Kaiser Wilhelm II (Fort de l’Empereur Guillaume II) est né. Il faudra près d’un quart de siècle pour l’achever. En 1914, alors que la Grande Guerre débute, jamais aucun ouvrage militaire n'avait été aussi imposant ni puissant dans l'histoire.
44.000m² sous terre
"Nous allons descendre entre 15 et 17 mètres sous terre. La température est constante toute l’année entre 11 et 12 degrés", prévient Bernard Bour, le président de l’association du Fort de Mutzig. C’est lui qui est à l’initiative du projet de sauvegarde du site. Il arpente les coursives et les souterrains du fort depuis ses 14 ans.
Le Fort de Mutzig (Bas-Rhin) par sa conception est unique au monde. "Toutes les nouvelles technologies de l’époque ont été appliquées par le génie allemand pour défendre le fort". C’est le premier fort au monde bétonné, cuirassé mais surtout électrifié. "Il ne faut pas oublier que les travaux débutent à la fin du XIXème siècle, c'était très innovant".
Au total, 7000 soldats pouvaient vivre enterrés sur 44.000 m² pendant plusieurs mois grâce à quatre centrales électriques autonomes. Elles leur fournissaient notamment de l’oxygène, grâce à un ingénieux système de ventilation, et de la lumière. Ces centrales, en plus des 18 groupes électrogènes, permettaient également de faire fonctionner 16 cuisines, six boulangeries, le téléphone, et même la radio. "La radio a été testée ici pour la première fois en 1898 : une première mondiale" s’enorgueillit notre guide qui nous signale également la présence de "quatre puits". En fait, il s’agit d’une "véritable ville garnison souterraine" avec toutes les commodités, certes spartiates, mais qui pouvait souffrir un long siège : sanitaires, dortoirs, hôpital…
Le Fort de Mutzig est un outil pédagogique pour se réapproprier notre histoire européenne. Comprendre que la guerre, finalement, cela ne mène à rien
Bernard Bour, Président de l'association Fort de Mutzig / Feste Kaiser Wilhelm II
C’est évidemment sans compter sur toutes les installations militaires qui protègent le site : 22 canons lourds, des tourelles à obusiers qui sortent de terre, des tourelles à ellipse, des affûts pour mitrailleuses. Le gigantisme du site est très impressionnant.
Il y a 110 ans, la Première Guerre mondiale débutait.
L’armée française durant la Première Guerre mondiale, n’a jamais cherché à affronter le Feste Kaiser Wilhelm II. Alors lorsqu’on dit à Bernard Bour que le fort n’a finalement servi à rien, il s’agace : "Ce fort a été extrêmement dissuasif ! On n’envisageait pas de l’attaquer car il était impossible de le prendre. Et donc il a protégé l’Alsace de la guerre".
En 1918, après la guerre, ce sont les Français qui vont occuper le fort et qui vont encore l’améliorer. "Le génie militaire français va s’inspirer de l’avance technologique des Allemands pour construire ensuite la ligne Maginot le long de la frontière avec l’Allemagne. Elle aussi était censée rendre impossible une attaque allemande. On sait ce qui s’est passé lors de la Deuxième Guerre mondiale : pour envahir la France, l’Allemagne nazie a contourné la Ligne Maginot en passant par la Belgique…"
Les progrès de l’aviation vont rendre peu à peu le fort, désuet. S’il était impossible à des soldats de l’attaquer, les avions pouvaient désormais le bombarder par les airs. Des bombes qui au fur et à mesure des années devenaient plus performantes et pouvaient traverser ses blindages. En 1946, l'armée française décide d'abandonner une partie du fort.
Le Fort de Mutzig aujourd’hui.
Aujourd’hui, le fort est divisé en deux parties bien distinctes. La première est accessible au public et visitable. La seconde reste un terrain militaire strictement interdite et sous haute protection. La base militaire de Mutzig (Bas-Rhin) toujours en service a pour mission d’intercepter des communications satellitaires et électroniques au profit de la Défense nationale.
La partie accessible l’est grâce à des bénévoles qui ont sauvé une partie du site et qui assurent les visites guidées. "C’est près de 50 ans de recherches historiques et plus de 40 ans de restauration qui ont été nécessaires pour rendre le fort au public", affirme Bernard Bour.
Après plus d’une dizaine d’année de négociations avec les autorités militaires, la communauté de communes de la région de Molsheim-Mutzig (Bas-Rhin) a pu acquérir en 2024 la partie accessible du fort afin de le rendre plus attractif et "plus connu". De gros travaux d’accessibilité et d'accueil vont débuter prochainement.
"Le Fort de Mutzig est un outil pédagogique pour se réapproprier notre histoire européenne. Comprendre que la guerre, finalement, cela ne mène à rien", conclue Bernard Bour.
Il faut prévoir au moins deux heures et demie pour parcourir les 2 km du circuit dont la moitié chemine dans des souterrains impressionnants, des coursives étroites et plus de 200 marches à descendre et à monter. Le site n’est pour l’instant toujours pas accessible aux personnes à mobilité réduite.
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