"J'y vois une certaine inhumanité" : des élèves en situation de handicap sans enseignant spécialisé depuis la rentrée dans le Bas-Rhin

Douze élèves en situation de handicap se retrouvent sans enseignant référent depuis la rentrée de septembre au collège de Soultz-Sous-Forêts dans le Bas-Rhin. Le rectorat assure rester "pleinement mobilisé" pour trouver une solution.

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Laureline a 12 ans. Depuis toute petite, elle est atteinte de crises régulières qui la bloquent et l'empêchent de suivre le rythme à l'école. Elle fait partie du dispositif Ulis du collège de Soultz-sous-Forêts (Bas-Rhin), une unité localisée pour l'inclusion scolaire qui permet la scolarisation d'élèves en situation de handicap au sein d'écoles ordinaires.

Depuis la rentrée de septembre, l'enseignante coordonnatrice de Laureline et de ses onze camarades est en congé maternité et n'est pas remplacée. Les enfants vont donc en cours sans avoir le niveau nécessaire et sans encadrement spécifique. "Ma fille est un peu perdue, il y a plein de trous dans son emploi du temps et quand elle est en classe, elle a l'impression d'y être seulement parce qu'elle doit y être", déplore le père de Laureline, Anthony Printz.

La situation suscite l'inquiétude des enseignants et des parents d'élèves. "L'enseignante coordonnatrice est en congé maternité mais c'est annoncé et prévu depuis le mois de juin, renseigne un professeur du collège de Soultz-sous-forêts, qui a demandé à témoigner anonymement "par peur des conséquences" pour lui. Or elle n'était pas remplacée à la rentrée du 4 septembre, ce qui témoigne selon moi de l'impréparation de l'administration. Il y a eu un petit remplacement de 15 jours un peu plus tard, mais depuis, les élèves sont en immersion avec les classes "ordinaires" quand leur handicap n'est pas trop lourd à gérer.

Contacté, le rectorat de Strasbourg confirme ce poste non-remplacé et la situation des douze élèves d'Ulis. "La suppléance n'a pu être maintenue, précise le rectorat dans une réponse écrite à nos questions. Elle a été proposée à trois contractuels. Tous ont décliné, au profit d'un poste plus proche de leur domicile. La recherche d'un professeur ressource est poursuivie. Nous avons priviligié la sollicitation de candidatures locales, sans succès jusqu'à présent."

Des élèves "ballotés d'une heure à l'autre"

En attendant, ce sont donc les enseignants du collège qui sont chargés de l'accueil de ces élèves Ulis, et ce, sans la médiation d'un personnel qualifié. "Avec les collègues, on se sent démunis, on n'a pas la formation nécessaire pour la prise en charge de ces élèves, confie l'enseignant anonyme. On est en train de faire de l'accueil, de la garderie." En temps normal, c'est à l'enseignante coordonnatrice d'assurer le lien entre les élèves en Ulis et les professeurs des cours classiques, comme l'explique le site du Ministère de l'éducation nationale.

Les enseignants du collège de Soultz-Sous-Forêt le savent bien puisque l'établissement accueille le dispositif Ulis depuis plusieurs années. "D'habitude, ça se passe bien car le professeur référent se charge de dessiner un vrai projet pédagogique pour chacun des élèves Ulis en fonction de leurs capacités, raconte notre enseignant anonyme. C'est bénéfique pour eux mais aussi pour les élèves en classe normale, qui échangent avec eux et se sentent valorisés et responsabilisés. Là, il n'y a rien de tout ça, les élèves Ulis sont comme ballotés d'une heure à l'autre, en fonction des enseignants qui veulent bien. Ça confère à la situation une certaine inhumanité."

Notre fille aussi a le droit à une éducation !

Anthony Printz, père de Laureline, scolarisée en Ulis

Le cas de Laureline, le seul dont France 3 Alsace a précisément eu connaissance, est d'autant plus problématique qu'elle fait partie des élèves qui ne sont pas censés être en immersion en raison de son profil. "Avant cette année, notre fille n'avait jamais été en inclusion dans une classe ordinaire. J'ai appelé l'école le 1er septembre avant la rentrée pour me renseigner, ils m'ont dit que pour l'instant il n'y avait pas de professeur donc qu'elle ne pouvait pas venir à l'école. Enfin, elle a quand même le droit à une éducation !"

La situation est provisoirement rentrée dans l'ordre pendant le remplacement de 15 jours évoqué plus haut, avant de basculer de nouveau. "Après ça, la direction m'a proposé de tester l'inclusion et que Laureline intègre elle aussi les classes ordinaires, car il n'y avait pas d'autre solution à court terme. Ça aurait pu ne pas marcher, mais heureusement pour l'instant elle prend sur elle. Cela ne veut pas dire qu'elle apprend quelque chose. Elle y va pour y aller et pour ne pas rester à la maison."

Interrogé sur d'éventuelles solutions urgentes pour ces profils particuliers, le rectorat confirme qu'il n'y a pour le moment aucune autre perspective. "Transitoirement, la scolarisation de chacun des élèves dans sa classe de référence demeure la principale alternative et ce, dans l'attente d'une solution pérenne". Les parents d'élèves en situation de handicap se mobilisent régulièrement pour dénoncer le "manque de moyens" alloués au dispositif Ulis en France, comme à Lyon ou à Toulouse en octobre. 

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