Stéphane Fischer est gérant d'une boutique à Strasbourg (67) qui commercialise du CBD (cannabis light) sous diverses formes. Pour cela, Stéphane a fait 48h de garde à vue en 2019. Aujourd'hui, avec l'arrêt de la Cour de cassation qui autorise cette commercialisation, il peut arrêter d'avoir peur.
Stéphane Fischer va pouvoir enfin se détendre. Sans avoir recours au CBD qu'il commercialise. Ce mercredi 23 juin la Cour de cassation a rendu un arrêt historique ou du moins décisif : elle autorise la commercialisation du CBD (Cannabidiol) en France. Et met fin à un flou juridique.
Le flou de la fleur
En préambule, gare aux raccourcis. Le CBD, le cannabidiol, est une molécule non psychotrope "dont les vertus relaxantes, apaisantes et thérapeutiques dans le traitement de la douleur sont connues depuis longtemps" explique Stéphane. C'est cela d'ailleurs qui en 2018 l'a décidé à ouvrir une des premières boutiques à Strasbourg. "Une amie qui souffrait de fortes douleurs m'en a parlé. Elle prenait du CBD et sur elle c'était très efficace. Je me suis dit tiens pourquoi pas ?"
Stéphane s'installe au centre-ville de Strasbourg. A l'époque ils sont deux. Aujourd'hui une dizaine. "J'ai toujours eu pignon sur rue, je ne me suis jamais caché de vendre du CBD. Je me souviens que j'avais profité d'une visite de Roland Ries, le maire de Strasbourg, dans le quartier pour lui demander son avis. Il n'y avais eu aucun problème."
J'ai toujours eu pignon sur rue, je ne me suis jamais caché de vendre du CBD.
Stéphane commercialise donc des produits à base de chanvre et de CBD : gamme alimentaire, crèmes, huiles au CBD à mettre sur le bout de la langue, du e-liquide et même des fleurs. "Pour faire des infusions" précise-t-il. Personne n'est dupe, c'est pour la forme. "Ces fleurs viennent de Suisse où elles sont transformées par un procédé d'oxygénation pour faire diminuer le taux de THC [ndlr : le tetrahydrocannabinol est la molécule responsable des principaux effets psychoactifs du cannabis] et le faire tomber à 0,2%, le taux légal en Europe."
En effet, en France, les boutiques de cannabidiol qui se comptent par centaines, s'appuient, comme Stéphane, sur une décision de la Cour de justice de l'Union européenne qui avait jugé illégal en 2020 que l'État français interdise la commercialisation du CBD car ces produits contiennent moins de 0,2% de THC et "ne peuvent être considérés comme des stupéfiants". Le flou était né et avec lui le désordre.
48h de garde à vue
Stéphane se pensait donc dans son bon droit. Son bon droit européen. Erreur. "En novembre 2019, mes colis UPS ont été fouillés par les douanes. J'ai eu droit à une perquisition chez moi et de ma boutique accompagnée de 48 heures de garde à vue et d'une comparution immédiate. J'ai pas compris ce qu'il m'arrivait. Mon affaire a été jugée en février dernier, les douaniers voulaient me mettre 218.000 euros d'amende, 100.000 pour ma boutique et huit mois de prison ferme. Plus une interdiction de gérance de dix ans. J'ai été relaxé."
J'ai eu droit à une perquisition de mon domicile et de ma boutique accompagnée de 48 heures de garde à vue et d'une comparution immédiate
Les douanes ont fait appel. "Je n'ai pas la date mais je ne suis pas inquiet. Tous les collègues à qui c'est arrivé ont été relaxés en appel." Stéphane a d'autant moins de souci à se faire qu'aujourd'hui est un grand jour. Après avoir donné raison à une boutique de Dijon la semaine dernière, la Cour de cassation estime ce mercredi que la France ne peut pas interdire la vente de CBD s'il est produit légalement dans un autre Etat membre de l'Union Européenne.
A peine la nouvelle apprise, Stéphane songe à récupérer son matériel saisi en 2019 : "J'ai 7000 euros en espèces qui prennent la poussière quelque part dans une caisse et 53 kgs de matériel pour une valeur marchande de 300.000 euros dans les sous-sols des douanes. Je vais voir avec mon avocate ce qu'il est possible de faire." En attendant, Stéphane respire de nouveau à pleins poumons.