Du crépuscule au point du jour, le ciel étoilé de cette fin d'avril regorge de merveilles : planètes, constellations, pluies de météorites… Quelques conseils de deux membres de clubs d'astronomie alsaciens, pour en profiter malgré le confinement.
Même confinés, la grande évasion est possible, et en toute légalité. Seule condition : ne pas se coucher avec les poules - ou, au contraire, mettre le réveil dès potron-minet. Ensuite, il suffit de s'emmitoufler bien chaudement et d'ouvrir grand les fenêtres. Ou, pour les chanceux qui disposent d'une terrasse ou d'un jardin, de s'installer confortablement sur une chaise longue. Puis… patience, endurance et observation.
Car dès que les yeux se sont habitués à l'obscurité, la voûte étoilée révèle ses prodiges : planètes, étoiles filantes, satellites, constellations… Deux membres de clubs d'astronomie : Pierre Walchshofer, président de Nemesis, et Nicolas Freis, astrophotographe de Hanau astronomie, nous donnent des pistes pour ne rien rater du spectacle. Et permettre de nous évader, à des années-lumière de nos soucis actuels, en reprenant conscience de notre échelle face à l'immensité de l'univers.
Vénus ouvre le bal
Pour commencer en beauté, inutile d'attendre la nuit noire. Car dès le crépuscule, à l'Ouest, la splendide Vénus entre en scène. Lumineuse, solitaire, inratable même à l'œil nu tant elle irradie et attire les regards. Pourtant, malgré les apparences, cette déesse n'est pas une étoile qui émettrait sa propre lumière, mais l'une des huit planètes de notre système solaire. "Les planètes, elles, sont opaques mais reflètent le soleil. Leur lumière paraît donc plus fixe, plus stable" explique Pierre Walchshofer."Les observateurs qui possèdent des jumelles peuvent voir qu'elle est en phase de croissance", ajoute Nicolas Freis. Car Vénus est actuellement en train de se rapprocher de la terre, "et c'est cette proximité qui la fait paraître si brillante".
Des constellations à découvrir
En début de nuit, ce ciel d'avril n'offre rien d'extra-ordinaire. Pourtant, même l'ordinaire y est magique. Dès que les yeux se sont familiarisés avec l'obscurité, des millions de points lumineux se mettent à animer la voûte céleste. D'autant plus nombreux et distincts que la pollution lumineuse alentour (éclairage public et domestique) est réduite. "Si vous parvenez à distinguer la voie lactée (cette galaxie composée de centaines de milliards d'étoiles et de planètes, visible depuis notre terre sous forme d'une longue bande blanchâtre) c'est que la luminosité est bonne pour vous permettre une observation optimale" précise Pierre Walchshofer.Pour lui, cette période de confinement peut être une bonne occasion d'apprendre à mieux connaître les constellations. "On peut partir de la Grande ourse, la plus connue". Aisément repérable, elle est constituée de sept étoiles très brillantes, disposées en forme de "casserole". En prolongeant cinq fois la longueur du bord avant de cette "casserole", on trouve l'étoile polaire. Bien visible également : la constellation de Cassiopée, avec ses cinq étoiles en forme de W.
Moins connues, et plus discrètes : les constellations d'Hercule et du Cancer. Dans cette dernière, il est possible actuellement d'admirer à l'œil nu un amas d'étoiles qui se présente "sous la forme d'une tache floue", précise Nicolas Freis. Pour les initiés, cet "objet céleste" répond au doux nom de M44, ou "Amas de la ruche".
Mais que les débutants et ceux qui ont la mémoire courte se rassurent. Des outils simples existent pour mieux se repérer dans la cartographie céleste. Pierre Wachshofer conseille "des petites cartes du ciel à télécharger et imprimer", ou encore "des petites applications gratuites à télécharger sur le téléphone : Sky map, SkySafari, Star Chart ou encore Star Odyssey." Ces aides précieuses permettent de progresser sans peine dans ses découvertes.
En cette fin d'avril, les constellations de l'été aussi deviennent plus visibles. "Vers 1h du matin, on peut commencer à distinguer celle de la Lyre, plus tard dans la nuit celle du Cygne, et avant l'aube, celle de l'Aigle" détaille Pierre Wachshofer. Chacune contient une étoile particulièrement brillante : respectivement Vega, Deneb et Altaïr. Ces trois étoiles constituent les pointes d'un triangle, appelé Triangle d'été, car particulièrement apparent de juin à août, mais "pour l'instant, déjà visible le matin avant l'aube."
Une pluie d'étoiles filantes
Contrairement aux idées reçues, les étoiles filantes ne se laissent pas seulement admirer durant les belles nuits d'août. Elles se manifestent plusieurs fois dans l'année. Et cette fin de semaine est particulièrement faste. Même si le pic est déjà passé, ces prochaines nuits, "on devrait pouvoir en voir une cinquantaine par heure à partir d'1 heure du matin" promet Pierre Walchshofer.Contrairement à leur nom, ces traits de lumière ne sont pas dus à des étoiles, mais à des "petits cailloux de comètes" qui filent vers la terre, et se consument en entrant dans l'atmosphère. Le phénomène se produit chaque fois que "dans sa révolution autour du soleil, la terre passe dans des zones de poussières laissées par d'anciennes comètes", explique Pierre Walchshofer. Attirés par notre planète, ces "petits cailloux" brûlent et produisent ces fils lumineux d'à peine quelques secondes avant de disparaître à jamais.
Des satellites qui avancent groupés
Mais attention : un point lumineux qui bouge n'est pas forcément une étoile filante. Si son mouvement est régulier, s'il brille beaucoup et surtout, s'il n'est pas seul mais se déplace en bande, il peut très bien s'agir d'un satellite. Principalement ceux lancés en grande quantité dans l'espace par l'entrepreneur américain Elon Musk. "Les satellites brillent pas mal, ça dépend de l'orientation de leurs panneaux solaires" précise Pierre Walchshoffer. Ce phénomène, surprenant et esthétique pour le néophyte, agace les astronomes, amateurs comme professionnels, pour qui ces passages réguliers "polluent le ciel". Une station internationale
Autre "corps étranger", et de taille, qu'il est possible d'observer quotidiennement dans le ciel : la station spatiale internationale (SSI), longue d'une centaine de mètres, qui tourne constamment autour de la terre, à environ 400 kilomètres d'altitude. Avec à son bord un équipage international qui se consacre à la recherche scientifique. Dans notre région, les lève-tôt qui jouissent d'une vue dégagée sans trop de pollution lumineuse peuvent la voir passer chaque matin.
Et encore des planètes en fin de nuit
Actuellement, les lève-tôt sont encore récompensés par un autre spectacle, visible vers 5 heures du matin : d'autres planètes qui se lèvent. "A l'horizon, au Sud-Est, le point très brillant, c'est Jupiter, la plus grosse planète de notre système solaire", explique Pierre Walchshoffer. Ces jours-ci, un peu plus à gauche, Jupiter est suivi de très près par Saturne. Cette proximité est "un phénomène extrêmement rare" se réjouit Nicolas Freis, car d'ordinaire, ces deux planètes restent très éloignées l'une de l'autre. Et encore un peu plus à gauche, le petit point brillant rouge orangé, c'est Mars. Certes, depuis une fenêtre ou un balcon, ces observations ne sont pas faites dans des conditions optimales. Mais noctambule ou très matinal, peu importe. Chacun peut néanmoins y puiser sa dose d'émerveillement et de surprises. Et s'oxygéner le cœur, les yeux et l'esprit.