Coronavirus : "Demain, on redeviendra des vendeurs de la mort", les buralistes vigilants face à la hausse des ventes

Depuis la fermeture des frontières, les fumeurs français ne peuvent plus s’approvisionner à l’étranger. Résultat, les buralistes enregistrent une hausse des ventes de 30% dans l'Hexagone. En Alsace, certains professionnels se réjouissent mais craignent aussi l’après confinement.

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Changer de pays pour acheter ses cigarettes moins cher, ça c’était avant. Depuis l’annonce des mesures de confinement et la fermeture des frontières, les fumeurs français qui avaient pris l’habitude d’aller "voir ailleurs", doivent désormais se rabattre sur les points de vente locaux, autorisés à ouvrir comme les commerces alimentaires, les pharmacies ou encore les services funéraires.

Conséquence, la Confédération nationale des buralistes annonce une hausse des ventes de 30% dans l'Hexagone et même au-delà dans certaines zones. Proche de l'Allemagne notamment, elle enregistre +33,5%. Une aubaine pour les professionnels du Bas-Rhin, département où le volume de cigarettes vendues a dégringolé de 15% ces dernières années.

"C’est un rebond impressionnant. On n’avait plus l’habitude de voir ça", confie Patrice Soihier, président de la Chambre syndicale des débitants de tabac du Bas-Rhin. Un enthousiasme, toutefois nuancé selon les secteurs puisque le phénomène serait davantage sensible en périphérie des grandes villes et dans les communes rurales. "Il n’y a plus les touristes, plus personne dans les magasins, dans les bureaux, ici c’est dur. On ouvre mais avec des horaires réduits et les trois employés sont en chômage partiel", confirme un professionnel du centre de Strasbourg, qui accuse 75% de baisse des ventes depuis le début du confinement.
 

L’embellie, mais à quel prix ?

Dans la vallée de la Bruche en revanche, Jean-Luc Schneider fait partie de ceux qui se frottent les mains. Installé à Rothau, le commerçant décrit une situation exceptionnelle. "On fait énormément de volume en plus. On avait perdu 1,6 millions de fumeurs en France sur les deux dernières années et subitement ils reviennent, ce n’est que du bonheur", s’enthousiasme-t-il.

Revers de la médaille, si les clients rentrent au bercail, ce n’est pas vraiment avec le sourire. "On touche une clientèle qui est excédée par les tarifs que l’on pratique en France et qui n’est pas très agréable. Dans les comportements, on sent de l’agressivité", confie-t-il. "Les gens sont déjà stressés par le confinement. Alors quand en plus, on leur annonce le prix du tabac, on a des réflexions. Ils nous disent : c’est cher ici. Mais on y peut rien nous", confirme Pascal Weltzer à Lingolsheim.
 

Demain, on redeviendra des marchands de la mort
- Jean-Luc Schneider, buraliste

Dans ce contexte, s’ajoute un autre motif de mécontentement: les ruptures de stock. "En réassort, on prend ce qu’il y a de disponible. On a quelques problèmes d’approvisionnement. On ne trouve plus tous les produits. Et là encore, ça râle", explique Jean-Luc Schneider.

Face aux hausses successives et massives du prix du tabac instaurées depuis 2017, avec l'objectif d'un paquet coûtant plus de 10 euros fin 2020, les débitants, d’ordinaire occupés à se réinventer, doivent dorénavant gérer un afflux de clients bienvenu, mais certainement temporaire. Derrière l’embellie, l’inquiétude de l’après confinement est palpable.

"Ce n’est pas notre clientèle habituelle. Les gens n’ont pas arrêté de fumer comme le prône le gouvernement. Ils sont simplement partis fumer ailleurs", reprend Pascal Weltzer. Pour lui comme pour ses collègues c'est sûr, la situation actuelle démontre l’ampleur de l’évasion commerciale qui touche les produits du tabac dans les zones frontalières. 
 
Avec l'Allemagne, à portée de pont, "on sait qu’un paquet sur trois est acheté en dehors du réseau", avance Patrice Soihier, dénonçant une "concurrence déloyale étrangère" dévastatrice. "Quand les frontières vont rouvrir, certains de mes collègues vont souffrir à nouveau. Faut que l’Etat se rende compte que c’est une manne financière qu’on ne peut pas laisser partir ailleurs, chez nos voisins", insiste Jean-Luc Schneider avant d’enfoncer le clou: "aujourd’hui le gouvernement met en avant le lien social préservé avec nos commerces qui restent ouverts, mais demain, après tout ça, on redeviendra des marchands de la mort".

La filière en appelle donc au gouvernement pour obetnir une harmonisation fiscale au niveau européen, et encadrer plus durement le transport du tabac aux frontières. En vingt ans, la moitié des buralistes du département ont mis la clé sous la porte. 
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