En Allemagne, dans presque toutes les régions, le port du masque sera obligatoire à partir du 27 avril. Dans le Bade-Wurtemberg, région voisine de l'Alsace, les masques en tissus et les masques jetables sont en vente un peu partout. Reportage à Kehl.
Le port de "masques du quotidien" (Alltagsmasken) sera obligatoire à partir de lundi 27 avril dans 13 des 16 Länder allemands. Ce sera le cas dans le Bade-Wurtemberg, frontalier de l’Alsace par l’Est, et la Rhénanie-Palatinat, frontalière de l’Alsace par le Nord, mais pas en Sarre, frontalière de la Moselle. Il faudra porter ce masque impérativement dans les transports en commun et les magasins ainsi que dans les cours d’écoles quand elles rouvriront. Pas d'obligation en revanche dans la rue.
Les habitants peuvent acheter des masques jetables ou en tissus, en fabriquer eux-mêmes ou même utiliser un cache-nez, un tour de cou ou une écharpe. L'important c'est d'éviter les postillons dans les endroits qui ne permettent pas d'observer systématiquement la distanciation sociale.
“C’est très bien d’obliger les gens à porter un masque ici, ça devrait être obligatoire en France aussi", explique Laure, dentiste en France. Cette habitante de Kehl estime que les règles de distanciation sociale sont mieux respectées à Kehl qu’à Strasbourg, malgré le non-confinement des Allemands. "Les règles sont claires, et moi ça me va", explique la Française, qui se promène sans masque dans la rue avec ses enfants.
Andrea Sand trouve également que le port du masque est une bonne chose. Cette salariée du magasin de vêtements Köhl, situé dans la rue piétonne de Kehl, regrette même que cette obligation soit si tardive. "Nous avons rouvert le magasin lundi dernier, tous les salariés doivent porter un masque, il nous est fourni par notre employeur. Ma collègue a un père très malade, on le fait pour elle. Mais les clients eux n’ont cette obligation qu’à partir de la semaine prochaine, pourquoi avoir attendu ?", se demande-t-elle. "Regardez dans la rue, cela a beau être déjà fortement recommandé, les gens n’en portent pas encore. C’est typique, ils attendent que ça devienne obligatoire, ils attendent lundi."
Les pharmacies sont bien équipées
A la pharmacie Rohan's Anker, trois sortes de masques sont disponibles pour les particuliers, des modèles couvrant nez et bouche sont en vente libre, comme l’explique Bernd Liebrich, le pharmacien, équipé de l'un d'eux : "nous en avons plusieurs milliers en stocks chez nous, donc pas de problème pour approvisionner les particuliers. Nous avons deux modèles présentés au comptoir, et sinon des boîtes de 50 d'un modèle plus simple."
Derniers morceaux de tissus
Dans cette pharmacie, Bärbel Forster attend son tour. Elle a deux sacs en plastique à la main, un masque jetable sur le visage. Dans l'un de ses sacs, du tissu pour se fabriquer ses propres masques. "J’ai acheté les derniers tissus dans un magasin qui vend aussi des habits, juste en face de la pharmacie, j’ai eu de la chance ! L'autre magasin d’étoffes n’avait plus rien. Maintenant j’attends la machine à coudre que j’ai commandée par Internet, j’espère que j’arriverai à m'en servir facilement. Chaque année, avec un groupe d’amies, nous fabriquons nos nouveaux costumes de carnaval à la main, alors je sais que cette machine va me servir longtemps. J’ai hâte !"
Des masques en tissus estampillés "Kehl"
L’office du tourisme de Kehl a vendu mercredi matin tous ses masques en tissu, imprimés avec le logo de la ville et cette phrase "Kehl hält zusammen. Kehl fait face ensemble". Une seconde livraison de 2.000 masques devrait arriver la semaine prochaine (prix 5,95 euros). C’est un atelier textile de Kehl, Zick Zack qui a cousu la plupart des masques, commandés il y a deux semaines par la responsable de Kehl Marketing, Fiona Härtel : "J'ai eu du nez. Quand j'ai fait cette commande il y a deux semaines, on ne savait pas du tout que le port du masque serait rendu obligatoire. Et certains m'ont même dit que cela ne servirait à rien. Et maintenant on se retrouve avec pas assez finalement. Ce matin, 200 masques sont partis en quelques heures seulement !"Les autres masques reçus par l'office du tourisme ont été distribués cette semaine aux commerçants, qui les ont gardés pour leurs salariés ou vendus à leurs clients. L'atelier de couture les propose aussi directement.
Frontaliers interdits dans les magasins de Kehl
Maryvonne Noé, vendeuse de chaussures chez Hammel, habite en Alsace. Elle porte un masque en tissu bleu ciel fourni par son employeur qu'elle devra laver régulièrement. "C'est une bonne chose cette obligation, dommage qu'elle n'ait pas coïncidé avec la réouverture des commerces, pour que tout le monde prenne l'habitude le plus vite possible."La frontalière bilingue est retournée au travail vendredi 17 avril, pour préparer le magasin avant la réouverture du lundi. "Nous ne sommes pas encore en temps complet, tout le monde attend de voir ce que ça va donner d'abord. Mais pour moi qui habite en France, c'est un peu compliqué. J'ai appris jeudi que je retravaillais vendredi, du coup je n'ai pas pris de repas. Et je me suis rendue compte qu'il m'est impossible d'aller faire des courses ou de me rendre dans un magasin de Kehl. Alors que je travaille toute la journée dans un magasin qui reçoit du public", s'étonne Maryvonne, "ou alors il faut être prêt à payer une amende de 200 euros, c'est ce que m'a dit un policier".
La police municipale de Kehl a effectivement fait plusieurs contrôles sur des parkings de supermarchés de la ville. Les frontaliers n'ont pas le droit d'y faire leurs courses. Le laisser-passer donne uniquement le droit aux salariés de traverser la frontière pour rejoindre leur lieu de travail. Pas de faire leurs courses. La ville de Kehl est très explicite.
"Du coup, vendredi, j'ai dû demander à ma collègue de m'acheter quelque chose à manger quand elle y est allée pour elle-même. Et un autre collègue m'a rapporté une bouteille d'eau. C'est malheureux quand même." A travers son masque, difficile de voir l'expression de son visage. Mais sa voix trahit une inquiétude. Elle aimerait que les frontières rouvrent vite. Et que cette situation ne s'éternise pas.