C'est une opération plutôt exceptionnelle qui a eu lieu lundi 29 janvier. Des chercheurs de l'université de Strasbourg ont pu analyser au scanner cinq momies égyptiennes dans une clinique vétérinaire afin d'en savoir plus sur leur contenu et sur les rites d'embaumement de l'époque.
En archéologie, comme dans la vie, il vaut mieux éviter de se fier aux apparences. Les chercheurs du laboratoire Archimède d'archéologie et d'histoire ancienne de l'université de Strasbourg le savent pertinemment. C'est pourquoi ils ont entrepris, lundi 29 janvier, d'analyser cinq momies animales jamais étudiées grâce aux équipements de radiologie de la clinique vétérinaire de AgoraVet à Strasbourg.
Vétérinaires, radiologues et égyptologues vont collaborer pour la première fois pour les identifier. Et leur contenu peut révéler quelques surprises. À ce jour, les cinq momies strasbourgeoises sont identifiées comme : un poisson, deux chats et deux oiseaux. C'est une étude inédite, menée par le laboratoire Archimède, rattaché au CNRS, à l’université de Strasbourg et à l’Université de Haute Alsace à Mulhouse.
Selon ces chercheurs, de récentes études - au musée de Manchester par exemple - ont montré que "dans certains cas, la momie a seulement la forme d’un animal et renferme en réalité seulement un grand os ou du rembourrage."
Une drôle de découverte
"Est-ce que la momie a été trafiquée pour la vendre en faisant croire qu'il y avait un animal dedans ? C'est ce que nous cherchons à savoir", lance le professeur Frédéric Colin. À vrai dire, ça ne serait pas si étonnant que ça. "Les spécialistes de l'époque bricolaient beaucoup", ajoute le conservateur de la collection égyptienne de l'Université de Strasbourg.
L'opération menée aujourd'hui a donc pour but de tirer cette affaire au clair. Et la première analyse concerne une momie de chat. "Dans l'inventaire qui a été rédigé à la fin du 19ᵉ siècle / début du 20ᵉ siècle par nos prédécesseurs qui ont acquis cette momie, elle a été identifiée comme étant celle d'un chat", précise le professeur Colin. "C'est la seule indication qu'on possède."
Verdict après l'analyse radiologique : on retrouve bien un petit animal qui rassemble à un chaton. Mais il est embaumé avec un os beaucoup plus grand. "Il ne semble pas correspondre et paraît disproportionné", explique le vétérinaire Xavier Ferreira. "Soit ça serait une espèce inhabituelle, plus sauvage, ou ça serait un mélange d'ossements de plusieurs espaces."
En apprendre plus sur les techniques d'embaumement
Les chercheurs renouvellent ensuite l'opération, cette fois avec une momie qui a la forme d'un poisson. Cette fois, l'animal entier est bien présent sous les bandages. "Ici, l'animal est bien conservé parce qu'on voit aussi les parties molles, en plus des arêtes", décrit Xavier Ferreira, vétérinaire à la clinique Agoravet.
Ces analyses permettront d'en savoir plus sur les pratiques de l'époque. "Les premières questions qui intéressent les égyptologues, c'est de savoir comment elle est momifiée, comment elle est conservée et s'il y a eu des restaurations dessus", complète Xavier Ferreira. Prochaine étape : identifier l'espèce et en apprendre plus. Pour le moment, ces spécialistes penchent pour une perche du Nil.
Ces identifications ont été rendues possibles par l'imagerie médicale. D'ordinaire, dans cette clinique vétérinaire, ce sont plutôt des animaux bien vivants qui défilent sous le scanner. Mais Xavier Ferreira se réjouit de cette nouvelle expérience qui lui permet de "sortir de ses habitudes". "On peut apporter notre expertise ou en tout cas notre plateau technique et le mettre au service de la recherche", conclut-il.
Les études permettront de dater ces momies de manière plus précise entre le 7ᵉ et le deuxième siècle avant Jésus-Christ, et surtout d’approfondir les connaissances sur les gestes et rites des Égyptiens.