En sommeil depuis au moins 2018, l'antenne alsacienne de SOS Racisme est sur le point de renaître de ses cendres. Le vice-président José Kouamé confie sa motivation à faire avancer la cause de l'anti-racisme "dans des temps troublés".
Créée dans les années 1980 face à la montée de l'extrême droite, l'association SOS Racisme est devenue dans les années 1990 la référence auprès des populations victimes de racisme pour l'accompagnement dans les procédures judiciaires ou pour la lutte contre les discriminations.
Pourtant, en Alsace et à Strasbourg, elle n'est plus qu'une coquille vide depuis plusieurs années. Ce n'est qu'en 2024 que plusieurs citoyens ont entrepris de relancer le mouvement : l'association est ainsi passée d'un à quinze membres en quelques mois, en attendant d'autres adhésions prochainement. Le vice-président, José Kouamé, nous raconte les coulisses de cette renaissance.
Comment êtes-vous arrivé au chevet de l'association SOS Racisme Alsace ?
"Mon fils a été victime de racisme à l'école, c'était en décembre 2023. Il est métis, et une de ses camarades lui a dit "sale noir, tu mérites de mourir". J'ai évidemment été touché par ça et j'ai cherché des structures qui pourraient m'aider dans la procédure judiciaire, notamment. C'est là que je me suis rendu compte qu'il n'y avait plus rien chez SOS Racisme Alsace. Il y avait juste une personne référente, chargée de l'éducation populaire et de faire remonter les informations."
Vous avez donc constaté que l'association était en sommeil. Mais qu'est-ce qui vous a poussé à vous investir au point de la relancer ?
"C'est allé très vite. Caroline Soubies, une autre citoyenne très investie dans la relance de l'association, et moi-même, avons constaté qu'il manquait de ressources humaines. Alors, nous nous sommes rendus au conseil national, à Paris, qui a lieu plusieurs fois par an. Leur souhait, au national, est de relancer un maximum d'antennes locales, car dans le contexte actuel, avec les changements de gouvernement, les subventions pourraient ne plus être assurées. Plus il y a d'antennes locales dynamiques, plus l'association est solide au niveau national. Le but, c'est qu'à terme, on ait une indépendance financière et qu'on puisse gérer nous-mêmes tout ce qui est matériel, tracts, etc."
Concrètement, comment va se manifester ce retour aux affaires pour SOS Racisme Alsace dans les prochains mois ?
"Nous allons relancer des actions concrètes, typiques de l'esprit de SOS racisme. Il y aura bien sûr des partenariats avec les établissements scolaires du secteur pour des séances d'éducation populaire. Nous allons participer aux journées de commémoration en mars et en mai sur la lutte contre les discriminations et sur l'esclavage. Nous prévoyons de lancer un café citoyen pour échanger autour de termes liés au racisme. Bien sûr, nous allons relancer le recueil de la parole et l'accompagnement des personnes victimes de racisme ou de discrimination dans leurs démarches judiciaires."
Tout cela demande des moyens humains et financiers. Êtes-vous déjà en capacité d'être à la hauteur de vos ambitions ?
"Je ne vous cache pas que c'est encore très tôt, et qu'il nous faudra encore un peu de temps pour nous organiser. On est justement en plein dans la préparation des demandes de subventions. Nous allons aussi avoir besoin de dons, et d'adhérents. Pour la partie juridique, nous avons déjà deux adhérents capables d'accompagner les gens, dont un avocat. Il manque simplement une permanence, et c'est ce que nous sommes en train de voir avec la maison des associations."
L'actualité politique a-t-elle eu une quelconque influence sur votre motivation et votre investissement dans ce projet ?
"J'ai senti un vrai changement au moment des élections. On sent un besoin d'engager contre les discours et les actes racistes. Aujourd'hui, j'anime deux à trois réunions par semaine avec des volontaires, ce n'était pas du tout le cas en début d'année. Les gens me disent qu'ils craignent de voir ce qui se passe, avec la montée de l'extrême droite et des discours racistes ou antisémites. Nous ne souhaitons pas faire de politique, mais je pense qu'il est important de dire les choses quand il y a des discours favorisant les discriminations. C'est évident que l'association est d'autant plus importante dans ces temps troublés."