Une soixantaine d'anciens salariés Clestra ont manifesté à Strasbourg devant les locaux d'une filiale de Jestia, leur ancien employeur. Ils estiment que leur licenciement était abusif et envisagent d'engager une procédure judiciaire d'ici janvier.
Cette semaine, une soixantaine d'ex-salariés ont manifesté leur mécontentement devant Mobidécor, filiale du groupe Jestia spécialisée dans l'aménagement de bureau, comme Clestra auparavant. Les salariés ont été en grève pendant 13 semaines cet été pour dénoncer ce qu'ils redoutaient être un plan social. Tous vilipendent aujourd'hui le "reclassement" proposé par leur ancien employeur à certains salariés licenciés le 3 octobre. "Sur les 126 salariés licenciés, 5 seulement ont accepté un poste chez Mobidécor", assure Amar Ladraa, membre du Comité social et économique (CSE) de Clestra et responsable du syndicat CGT Métallurgie dans le Grand Est.
Selon lui, il s'agit d'un "tour de passe-passe" de la part de leur ancien employeur. "Mobidécor leur permet de continuer l'activité de Clestra mais sous un autre nom et à moindre coût. On a fait le calcul, les salaires proposés sont en moyenne 25% plus bas que ceux de Clestra." Ce transfert avait été documenté par le média en ligne Rue89 Strasbourg fin octobre, avec par exemple des box de travail auparavant produits par Clestra et désormais fabriqués par Mobidecor.
Le dépôt de bilan et la liquidation judiciaire de Clestra Metal prononcée par le tribunal de commerce de Paris pour baisse d'activité seraient ainsi une opération "préméditée" et "planifiée" par la direction selon les salariés CGT. Contacté par rapport à ces éléments, le groupe Jestia n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Un long combat judiciaire s'annonce
Désormais, les salariés sont en ordre de bataille pour un combat judiciaire de plusieurs mois. "Il y a un faisceau d'indices qui concordent mais qui nécessitent vérification et préparation, renseigne Lorédana Besnier, avocate des salariés. L'objectif est de contester le motif économique du licenciement et d'apporter la preuve d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur."
Il va falloir du temps pour comprendre comment a été gérée l'entreprise ces derniers mois
Lorédana Besnier, avocate des salariés
Il s'agira désormais de constituer les dossiers, d'examiner les procès-verbaux du PSE qui s'est tenu le 3 octobre dernier, ou encore de consulter les rapports d'expertise sur la gestion de l'employeur. "Un rapport avait été commandité suite au droit d'alerte économique lancé par les salariés il y a plusieurs mois, bien avant la grève, mais il n'avait pas pu être mené à bien car l'employeur avait contesté cet audit au motif du prix trop élevé demandé, rapporte Lorédana Besnier. Il a clairement pris le levier judiciaire à sa disposition pour perturber la procédure. Il va falloir du temps pour comprendre comment a été gérée l'entreprise ces derniers mois." En parallèle du travail de l'avocate, il appartiendra au mandataire judiciaire, s'il le juge opportun, de mandater un audit sur les décisions prises par le groupe Jestia ces derniers mois.
Selon l'avocate, les salariés ont perçu "le minimum légal" en guise d'indemnités de licenciement. L'objectif de cette procédure devant les prud'hommes sera de percevoir des dommages et intérêts en plus de ces indemnités. "Tout ça a eu un impact considérable sur nos vies personnelles : certains ont divorcé, beaucoup n'ont pas de perspective d'emploi", déplore Amar Ladraa. Une fois cette procédure au civil engagée, les salariés envisagent également de poursuivre le groupe Jestia au pénal.