À Strasbourg, "La semaine des réfugiés" s'est ouverte jeudi 13 juin par un job dating entre des recruteurs de la région et des personnes réfugiées en recherche d'emploi. Des rencontres chargées d'attente, d'espoir, et parfois de frustration.
"Bonjour, je peux m'asseoir ?" Dans le cadre de "La semaine des réfugiés", qui se tient du 13 au 20 juin, un job dating revisité a été organisé au Shadok (Strasbourg) pour permettre à des entreprises locale à la recherche de pépites de rencontrer des réfugiés en manque d'emploi.
"On a voulu inverser le rapport de force que l'on retrouve dans le recrutement classique : là, c'est aux recruteurs de faire le tour des tables et d'aller directement à la rencontre des candidats", explique, non sans satisfaction, Coralie Hugel, organisatrice de l'évènement et membre de l'association Kodiko.
Et le modèle semble fonctionner. "C’est la deuxième fois que je viens, cette forme de job dating est vraiment chouette et je pense que les candidats sont plus à l’aise", explique Morgane Adelsbach, chargée de recrutement pour une entreprise d'insertion.
Des offres en CDI, CDD, alternance
Dix-huit entreprises sont présentes toute l'après-midi afin d'échanger avec près de 130 candidats. Petite enfance, hôtellerie, intérim, grande distribution... une multitude de secteurs sont présents "et différents postes également, explique la responsable de l'évènement. On ne voulait pas qu’il n'y ait que des offres non qualifiées, car beaucoup de réfugiés ont des diplômes."
Pour autant, certains candidats présents, surdiplômés, ont du mal à trouver chaussure à leurs pieds. "C'est la première fois que je viens, je sais que je ne vais pas trouver dans mon domaine, mais les gens sont gentils et cela peut me faire d'autres contacts", explique Vlada.
Cette Ukrainienne de 26 ans, juriste en droit international, a fait ses études en France mais recherche un emploi depuis plusieurs mois. "Embaucher un réfugié c'est simple, s'il n'en demande pas trop. Dans mon cas, soit les entreprises n'ont pas la patience de faire les démarches, soit elles me trouvent trop qualifiée.", se désole-t-elle.
Embaucher un réfugié c'est simple, s'il n'en demande pas trop
Vlada, juriste et ukrainienne de 26 ans
Comme elle, Nataliia était comptable durant quinze ans en Ukraine. Lorsque la guerre a éclaté, elle a fui son pays avec sa fille et trouvé un foyer à côté de Strasbourg. "J'ai pris des cours de français, je dois encore améliorer mon niveau, mais je suis prête à travailler dans n'importe quel domaine", explique la mère de famille de 46 ans.
La langue, véritable frein à l'embauche
La langue est en effet un véritable frein pour certains candidats."Ma plus grosse difficulté est de parler", confie un jeune afghan de 18 ans, Youssoufzai, accompagné de son ami. Ils sont à la recherche d'une alternance ou d'un travail dans le bâtiment.
Pour que les rencontres se passent au mieux, un niveau A2 en français était demandé aux candidats. "Je suis agréablement surprise, se réjouit Manon Zanuzzi, chargée de recrutement auprès d'une entreprise de restauration collective. J'ai rencontré deux profils intéressants, cuisiniers de métier en plus et avec un bon niveau de français."
J'ai reçu 70 CV pour un poste de réceptionniste, aucune candidature n'était française hormis pour des demandes d'alternance
Antoine Barth, directeur adjoint de l'Ibis Budget Strasbourg Centre
Fortement impacté par le covid, le secteur de l'hôtellerie est également présent, avec une certaine avance par rapport à d'autres entreprises : "Nous avons l'habitude de travailler avec un public étranger, encore plus depuis la guerre en Ukraine. J'ai reçu 70 CV pour un poste de réceptionniste, aucune candidature n'était française hormis pour des demandes d'alternance."
Pour Antoine Barth, directeur adjoint d'un l'Ibis Budget, "l'embauche des réfugiés n'est pas un problème : c'est très simple administrativement : les personnes arrivent, elles ont déjà des papiers, une carte Vitale, c'est parfois plus simple que de travailler avec des étudiants étrangers."
Briser les tabous liés à l'immigration
L'objectif de cet évènement est en effet de démystifier la vision "parcours du combattant" que pourraient avoir les entreprises à embaucher des réfugiés. "Il faut qu'elles ouvrent les yeux, les personnes réfugiées sont aussi porteuses de compétences", affirme Coralie Hugel.
"Changer de regard sur l'immigration", c'est aussi le message que souhaiterait faire passer l'association Foyer Notre Dame de Strasbourg, coorganisateur de cette semaine d'évènements : "On souhaite déconstruire les préjugés auprès du grand public, ce n'est pas une semaine de revendications politiques, même si elle a forcément une triste résonance avec les récents évènements."
Une soixantaine d'évènements gratuits sont organisés durant une semaine, pour terminer par une soirée au Théâtre national de Strasbourg le 20 juin lors de la journée mondiale des réfugiés.