Les prix des chambres d'hôtels ou des appartements loués par des particuliers ont déjà flambé pendant la période du marché de Noël de Strasbourg (24 novembre - 24 décembre).
"Des bons plans pour le marché de Noël ? Les hôtels sont trop chers !" En publiant ce message sur Facebook fin octobre, Justine a lancé une bouteille à la mer sans trop y croire. "J'ai eu deux ou trois réponses mais les prix étaient à chaque fois aussi exorbitants que ce que j'avais vu sur Internet avant", souffle cette Parisienne de 36 ans.
Elle est loin d'être la seule à avoir tenté le coup sur les réseaux sociaux : les groupes publics Etudiants de Strasbourg ou Strasbourg Community reçoivent des messages similaires quasi quotidiennement. Le marché de Noël de Strasbourg, qui se tient en 2023 du 24 novembre au 24 décembre, fait flamber les prix du marché de l'hôtellerie.
Un petit tour sur le site de réservation en ligne Booking.com donne un aperçu du calvaire pour les visiteurs potentiels ne disposant pas encore de logement sur cette période. Nous avons comparé les prix de trois hôtels du centre-ville et de gammes différentes : la première réservation est faite pour la nuit du vendredi 15 au samedi 16 décembre, la seconde pour la nuit du 12 au 13 janvier, à chaque fois pour une chambre standard. Verdict : l'un a multiplié son prix par 2 pendant le marché de Noël, l'autre par 3, et le dernier par 6.
"C'est tout à fait logique de voir les prix grimper, c'est la haute saison de Strasbourg, comme les prix grimpent pendant les vacances d'hiver en montagne, ou pendant l'été à Saint-Tropez", explique Véronique Siegel, présidente de l'Umih 67 (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie).
Même si, comme le nuance Véronique Siegel, "les prix qui s'affichent quand il reste une ou deux chambres dans un hôtel ne sont pas représentatifs", l'expérience donne idée de l'ampleur de l'écart entre haute et basse saison à Strasbourg. "Là encore, c'est logique : pour que les prix soient moins élevés en haute saison, il aurait fallu une volonté politique pour lisser l'activité touristique sur toute l'année, explique-t-elle. Actuellement, le gros de l'activité tombe pendant le marché de Noël. S'il y avait d'autres événements populaires le reste de l'année, alors seulement, les prix auraient été plus bas." Mais comment sont-ils fixés, ces prix qui gonflent d'un moins à l'autre ?
La loi de l'offre et de la demande
Pour les hôtels, il faut savoir que les prix sont libres en France depuis une loi de 1986. Chaque gérant fixe ainsi son prix en fonction de ses charges fixes et de ses investissements prévus. "La haute saison, c'est le moment où on rééquilibre les comptes par rapport aux mois où il n'y a pas grand monde, estime Véronique Siegel. Si un gérant n'augmente pas ses prix sur ces périodes, il y a mécaniquement un risque de faillite. Et il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'entreprises et qu'il faut investir sur le long terme, ça rentre aussi en ligne de compte dans le calcul du prix."
Est-ce à dire qu'il n'existe pas d'abus en la matière ? "C'est simple, si le prix est véritablement trop élevé, l'hôtel n'aura plus de client puisque les gens verront qu'il est au-dessus du marché. Alors il corrigera le tir." Cette confiance absolue dans les mécanismes de marché contraste avec la position de Daniel Bono, vice-président de la CLCV Bas-Rhin, une association de consommateurs. "Tout miser sur le marché n'est pas valable, il est évident qu'il y a des abus chez les gérants d'hôtels. Ils augmentent leurs prix bien au-delà du remboursement de leurs charges. On est à Strasbourg quand même, on ne peut pas dire qu'il n'y a personne le reste de l'année et qu'ils ouvrent à perte." Contactée pour réagir sur d'éventuels abus dans les prix des logements pendant la période du marché de Noël, l'Eurométropole n'a pas donné suite.
Un 10m2 complet en deux jours
Selon Daniel Bono, l'idéal pour les consommateurs serait qu'il y ait un "encadrement" minimum des prix. "Le problème, c'est qu'on se retrouve avec une catégorie de la population, les moins aisés, complètement écartée du jeu. Pourquoi n'auraient-ils pas droit à un logement abordable pour des vacances au marché de Noël ? Et il n'y a pas que les chambres d'hôtels qui sont concernées, mais aussi les logements Airbnb."
J'ai augmenté de 25% pour le marché de Noël mais j'aurais pu être plus gourmande, l'année prochaine je pense aller plus haut
Alyssa, propriétaire d'un studio à louer sur Airbnb
Alyssa, 28 ans, est propriétaire d'un studio de 10,5 m² au centre-ville de Strasbourg. Elle le loue toute l'année sur Airbnb, mais ne s'attendait pas à être tant sollicitée sur le mois de décembre. "J'ai ouvert la location le 30 octobre, deux jours plus tard tout était réservé. J'ai pourtant augmenté mon prix de 25%". Alyssa précise qu'elle n'a pas été plus haut, car elle avait "besoin de rentrées d'argent rapidement" ayant fait l'acquisition du logement "très récemment". "Mais j'aurais pu être plus gourmande, l'année prochaine je pense le mettre à 75 euros, dit-elle. Ça resterait bien moins cher que d'autres, j'en vois qui se gavent et qui louent à 300 euros la nuit pour des 2 pièces...Je suis largement en dessous du marché, la preuve c'est que j'ai eu 700 demandes sur Booking en l'espace de trois jours, pour un 10 m²."
En raison de leur immense impact sur l'immobilier, les plateformes de location saisonnière telles que Airbnb sont encadrées depuis une loi de 2016. Les propriétaires souhaitant louer un meublé pour une clientèle de passage doivent par exemple s'enregistrer au préalable auprès de la mairie, et ne peuvent louer leur résidence principale pendant plus de 120 jours. Mais les prix, eux, restent libres.