Procès de Jean-Marc Reiser : "je ne voulais pas faire de mal à Sophie", dit regretter l'accusé

Ce vendredi 1er juillet, Jean-Marc Reiser, accusé d'avoir assassiné Sophie Le Tan, est revenu sur la journée du 7 septembre 2018, celle où il a tué la jeune étudiante. La famille Le Tan refuse de croire au "malheureux hasard" qu'invoque le sexagénaire.

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Le vendredi 1er juillet 2022 était particulièrement attendu. Pour ce cinquième jour du procès de Jean-Marc Reiser, l'accusé était interrogé pendant trois heures sur le déroulé de la journée du 7 septembre 2018, date de la mort de Sophie Le Tan. Jean-Marc Reiser affirme toujours qu'il ne voulait pas la tuer. La famille de l'étudiante n'en croit pas un mot.

La veille, Francis Metzger, l'un des avocats de l'accusé, prévenait les journalistes qui l'entouraient : "Jean-Marc Reiser est pressé de pouvoir parler. Je l'ai senti, au moins depuis mercredi, frustré d'être en quelque sorte réduit au silence. Il écrit, il nous [ses avocats] passe des feuillets, des réflexions, des observations, des souhaits…"

Pour la première fois depuis le début de son procès, Jean-Marc Reiser ôte son masque chirurgical, une requête de l'un de ses avocats. L'accusé dit avoir mis un masque ces derniers jours "pour se cacher de la honte qu'[il] avait". La salle d'audience comme les deux salles mises à la disposition du public, sont pleines à craquer.

Jean-Marc Reiser prend la parole, et explique d'abord son premier contact avec Sophie Le Tan ce matin-là : "Je l'ai rencontrée à l'arrêt de bus, je l'ai reconnue. Surpris de la trouver là, je l'aborde et elle me dit qu'elle vient visiter un logement. J'étais un peu dans les vapes, j'avais beaucoup bu la veille. Je fais alors le lien et me suis souvenu que j'avais un rendez-vous ce matin-là pour faire visiter mon appartement."

Depuis son box, encerclé par trois policiers, il continue : "Après, on est monté chez moi ensemble", alors que deux voisins affirment avoir vu Sophie Le Tan, étudiante d'origine vietnamienne, entrer seule dans l'immeuble de la rue Perle, à Schiltigheim, au nord de Strasbourg. "Je lui ai fait visiter le logement, on a discuté un peu... Puis il est arrivé ce que j'ai expliqué, voilà." Le président intervient alors : "On n'y était pas, alors continuez."

Je sentais un bon feeling entre nous.

Jean-Marc Reiser

"On s'est assis dans la cuisine pour discuter de nos études, poursuit Reiser. Je lui dit que je veux sous-louer l'appartement sans bail (Reiser vit dans un logement social, et il est illégal d'en sous-louer un, ndlr). Au moment de partir, elle demande à aller aux toilettes. Elle était souriante, et moi qui était encore dans les vapeurs de l'alcool, je sentais un bon feeling entre nous."

Après le passage de l'étudiante aux toilettes, Jean-Marc Reiser explique : "On était dans la salle de bain. Je lui ai pris la main et ai voulu lui faire la bise. Je pense qu'elle s'est méprise sur mes intentions. Elle m'a repoussé en me traitant de porc."

C'est à ce moment que la situation bascule dans l'horreur : "Ça m'a mis hors de moi. Je lui ai mis une baffe, elle a commencé à crier. J'ai perdu les pédales, je ne me l'explique toujours pas aujourd'hui, mais j'ai commencé à lui donner des coups de poings au visage."

Jean-Marc Reiser explique ensuite que Sophie est tombée sur les WC "comme une masse". Pensant qu'elle s'était évanouie, il commence alors à gifler l'étudiante : "Elle ne réagissait pas. J'ai commencé à imaginer le pire, alors j'ai tâté son pouls. Et elle était décédée."

J'ai pris la mauvaise décision de faire disparaître le corps.

Jean-Marc Reiser

L'accusé serait ensuite resté une à deux heures prostré autour du corps : "J'ai hésité à appeler la police, mais au vu de mon casier, je pensais qu'on ne me croirait pas (Reiser a été condamné à 15 ans de prison pour viols et à plusieurs peines pour d'autres délits, ndlr). Donc j'ai pris la mauvaise décision de faire disparaître le corps et de me taire, de nier." Il n'avouera avoir tué la jeune femme qu'en janvier 2021, plus de deux ans après les faits.

Le sexagénaire se souvient avoir d'abord pensé à enrouler Sophie dans un tapis, mais a finalement voulu la mettre dans une valise : "Le corps ne rentrait pas. J'étais dans un état second, donc je n'ai pas eu la présence d'esprit de me procurer une valise plus grande. Je n'avais qu'une idée en tête : me débarrasser du corps le plus vite possible. Mais je n'ai pas tellement envie d'en parler... Est-ce qu'il faut vraiment que je répète ça devant la famille ?" Le président de la cour lui répond que oui.

Reiser craque au moment d'évoquer le démembrement

D'une voix tremblante, Jean-Marc Reiser continue son récit : "Je n'ai pas trouvé d'autre solution que de lui couper les jambes. J'ai démembré le corps pour qu'il rentre dans la valise. Je ne savais même plus ce que je faisais." L'accusé n'en fait pas mention, mais il a également coupé la tête de la victime.

Au moment d'évoquer ce passage macabre, il craque et éclate en sanglots : "Je n'ai jamais voulu faire ça ! Je ne voulais pas lui faire du mal, à Sophie ! C'était une fille bien. Je ne sais même pas quoi dire à la famille, je n'ose même pas les regarder." Reiser reprend ses esprits et explique avoir enterré le corps dans la forêt de Rosheim, à 40 km de Strasbourg.

Après ce témoignage marqué par les larmes de Reiser, "des larmes de crocodile" pour la famille, l'accusé répond aux questions du président. Sa version des faits ne change pas par rapport à ses précédentes dépositions. Reiser a réponse à tout.

Pourquoi toutes les personnes qui l'ont contacté pour visiter l'appartement n'ont jamais vu Jean-Marc Reiser une fois en bas de l'immeuble ? "Je n'étais pas très sérieux à cette période-là. A chaque fois, je trouvais une excuse bidon pour ne pas venir."

C'est un malheureux hasard.

Jean-Marc Reiser

Dans ce cas, pourquoi Sophie est-elle la seule à être montée ? "C'est un malheureux hasard. J'étais content de la voir à l'arrêt de bus. Si je m'étais levé plus tard, ça ne serait pas arrivé."

Pourquoi deux voisins affirment avoir vu Sophie Le Tan entrer seule dans l'immeuble, si vous dites que vous êtes montés ensemble ? "Ils n'ont pas vu Sophie Le Tan, et se sont concertés entre eux pour faire concorder leurs témoignages. Vous savez, dans le quartier, il y a pas mal d'Asiatiques…"

Pour Reiser, les experts se trompent

Reiser se dédouane de tout. Et quand on lui met sous les yeux ses incohérences, relevées par des experts, il les met en tort : "Oui bon, on est dans une société d'experts. C'est à la mode..." Le matin, un médecin légiste expliquait qu'il était presque impossible de mourir de coups de poings, comme l'affirmait Reiser.

En fin d'audience, une scène marque les esprits. Pierre Giuriato, l'un des avocats de Jean-Marc Reiser, évoque la demande de pardon que souhaitait mercredi le père de Sophie Le Tan. Dans son box, l'accusé renifle du nez et se dit "disposé à demander le pardon". Au moment de commencer sa formulation, le père de Sophie lève la main en disant "Non, non non!", lui qui n'avait rien dit depuis le début du procès, immobile et muet sur le banc des parties civiles.

C'est trop tard pour dire pardon.

Laurent Tran Van Mong

Dans la salle des pas perdus, le porte-parole de la famille Le Tan, Laurent Tran Van Mong, explique ce geste : "Peut-être qu'il y a eu des malentendus. C'était de la colère et de la frustration. Il aurait fallu que l'accusé dise pardon lorsque le papa l'a demandé au pupitre, et non maintenant. C'est trop tard. Surtout que ça ne vient pas de M. Reiser, mais de son avocat, qui l'a poussé à le faire."

Les avocats de Jean-Marc Reiser, eux, s'accordent à dire qu'ils n'ont jamais vu leur client pleurer autant : "Ça montre son vrai visage, a réagi Pierre Giuriato. Je ne pense pas qu'on puisse jouer la comédie sur ce genre de choses. Ça nous servira pour montrer que ce n'est pas le monstre qu'on décrit depuis plusieurs années."

Cette première semaine de procès s'achève donc avec les explications de l'accusé. Mais pour Me Welzer, avocat des parties civiles, les parents de Sophie Le Tan ne connaitront jamais la vérité sur ce qui est arrivé à leur fille dans cet appartement, le 7 septembre 2018, jour de son 20e anniversaire.

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