Au procès de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg, la journée du 7 mars 2024 s’est ouverte avec l’audition du frère du terroriste. Entre digressions, tirades et propos lunaires, Malek Chekatt a marqué l’audience par son arrogance qui n’a guère fait avancer les débats.
Sur l’île de la Cité à Paris, on attend le père de Chérif Chekatt, auteur de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg le 11 décembre 2018, au début de cette journée d’audience. Finalement, c’est le frère du terroriste, Malek, qui apparaît sur l’écran. Il porte un masque chirurgical noir et des lunettes de soleil.
"Avec votre accoutrement, ce n’est pas possible de témoigner", lui indique la présidente de la cour d’assises spéciale, Corinne Goetzmann. Malek Chekatt porte un costume et une cravate rayée. "J’ai demandé une anonymisation parce que…", la présidente l’interrompt à nouveau.
L’audition de ce Strasbourgeois sans emploi n’a pas encore commencé, que le monde dans la salle d’audience sait qu’elle risque de mettre les nerfs de la cour et des avocats à rude épreuve. L’homme se considère comme une victime de l’attentat et refuse de prêter serment. "Ne parler sans haine et sans crainte, c’est une autre histoire. Je crains pour ma vie et pour celles de certaines personnes de mon entourage. Vous voulez que j’ouvre mon témoignage sur un mensonge", appuie-t-il.
Son frère refuse d’abord de prêter serment
La présidente lui rappelle qu’un autre homme, qui devait être entendu ce 7 mars, a été condamné à 3 750 euros d’amende pour avoir refusé de témoigner. Il s’agit du cousin de Chérif Chekatt, Bagdad B., un temps suspecté d’avoir été complice dans l’attentat du marché de Noël. Après quoi Malek Chekatt accepte de prêter serment, mais ne peut pas s’empêcher d’ajouter : "Vous noterez que j’ai menti."
Le Strasbourgeois a la parole. "J'aimerais commencer par la citation d'un homme un peu connu : aucun homme ne peut vivre sans aucun but, s'il n’a ni but ni espoir, sa détresse fait de lui un monstre", lance-t-il en citant l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski.
Mondjehi, c'est un pauvre bouc émissaire
Malek Chekatt, frère de Chérif Chekatt
Au sujet d’Audrey Mondjehi, le principal accusé dans ce procès pour avoir permis à Chérif Chekatt d’obtenir une arme, Malek Chekatt commence son laïus sur la France et ses institutions. "Mondjehi, c'est un pauvre bouc émissaire : il y a une cour d'assises spéciale réunie pour donner son panem e circenses à une grande partie du peuple français. Il a commis un délit, je le déteste ce mec."
"Ce pauvre gars… Vous l'avez votre tête de Turc. Le gars, il sert aujourd’hui à faire du buzz. Sa seule erreur, c'est une grosse erreur, on connaît tous l'effet papillon. Il voulait juste rendre service à un voyou. Le mec, je le connais, il a des valeurs, des vertus. Mais il est parti dans la vie avec très peu d'atouts", continue-t-il avant d’entamer les comparaisons très hasardeuses tantôt avec Nicolas Sarkozy ou encore l’Ukraine.
Les monstres ne sont pas enfantés du néant
Malek Chekatt, au sujet de son frère Chérif Chekatt
Après de longues minutes à éviter les questions, Malek Chekatt parle enfin de son petit frère. "Il a subi beaucoup d’injustices de la part de l’appareil de l’Etat", explique-t-il, prenant pour exemple son enfance dans un centre éducatif renforcé ou encore à l’école. "Les monstres ne sont pas enfantés du néant. Certes, il a fait quelque chose que tout le monde condamne, mais ça ne vient pas de nulle part", ajoute-t-il avant de se lancer dans une tirade sur la démocratie.
"Mon frère, c’était quelqu’un de bien, de doux, qui avait beaucoup de valeurs. Mais il n’était pas adapté à vivre dans ce monde où l’hypocrisie et le mensonge font la part belle à beaucoup de monde. C’était lui la première victime avant l’attentat", lance-t-il. De quoi glacer l’audience.
Chekatt exaspère tout le monde
"Votre frère a tué cinq personnes, en a blessé corporellement onze, a causé des traumatismes à un grand nombre de personnes, a ouvert le feu sur les forces de l'ordre... Vous comprenez qu'il est assez difficile de mettre cela en parallèle avec quelqu'un de doux et délicat" lui répond la présidente. "Vous voulez que je récite Dostoïevski ?", rétorque Malek Chekatt, provoquant des rires gênés dans la salle.
Plus la matinée avance et plus les propos du témoin exaspèrent. Quand on arrive enfin au fond du dossier, la présidente cite ses propos pendant l’enquête. "J’ai menti devant les policiers, vous pouvez oublier toutes les auditions", répond le frère de l’assaillant qui se définit comme "chrétien, mais pas encore baptisé", avant de citer l’histoire de Saint-Pierre.
Je tiens à remercier le policier qui a mis fin à la cavale de mon frère en lui tirant lâchement dans le dos
Malek Chekatt, frère de Malek Chekatt
Le témoignage a de moins en moins de sens. Après une question de l’avocate générale, Malek Chekatt se braque, boude presque. "Je ne répondrai plus à aucune question concernant mon frère. Vous voulez m’entendre dire que c’était un terroriste, un musulman. On va s’arrêter là pour mon frère, merci beaucoup."
Malek Chekatt continue à refuser de répondre, ou alors à côté des questions. Puis lance des phrases sorties de leur contexte. "Je tiens à remercier le policier qui a mis fin à la cavale de mon frère en lui tirant lâchement dans le dos", lance-t-il au milieu d’une phrase qui n’avait aucun rapport.
Des "regrets" au sujet de l’attentat
Interrogé par Eric Amiet, avocat de parties civiles : "Elles doivent avoir la haine contre mon frère, c’est sûr. J’ai beaucoup de peine, beaucoup de regret, après ça vaut ce que ça vaut, j’ai perdu mon frère. Ce n’est pas comparable, mais je partage leur peine, et je leur présente mes excuses. Si je pouvais revenir en arrière, et faire en sorte que ça ne soit jamais arrivé, je le ferais."
La matinée se termine par des propos à la limite de la menace envers les avocats qui lui posent des questions. "À vous, je vous répondrai !", lance-t-il à Michael Wacquez, avocat d’Audrey Mondjehi. Les réponses de Malek Chekatt n’apportent pas grand-chose à la cour et son audition se termine. L’audience reprendra avec l’audition de Michaël Chiolo, un homme hautement radicalisé, ancien codétenu et ami de Chérif Chekatt.