Le dossier de Lilian, blessé par un tir de LBD en janvier 2019 à Strasbourg, s’apprête à être examiné par le Défenseur des droits qui s'est autosaisi. Un mois après le classement sans suite de la plainte déposée par la mère de l’adolescent, l'enquête reprend à zéro.
C’est un nouveau rebondissement accueilli avec soulagement par la famille de Lilian Lepage. Le 12 janvier 2019, ce mineur de 15 ans avait été lourdement blessé au visage par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) en marge d’une manifestation de gilets jaunes. Après les investigations judiciaires, le Défenseur des droits a décidé de s’autosaisir du dossier.
Une démarche rare, révélée par nos confrères de Rue 89 Strasbourg, qui fait suite au classement sans suite de la plainte contre X déposée par la mère de l’adolescent. Le 5 novembre 2019, le parquet de Strasbourg avait fondé sa décision sur les conclusions de l'enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Or, celle-ci n’avait pas permis d’établir l’identité du policier à l’origine du tir.
"Cette décision était aberrante. Aujourd‘hui nous sommes soulagés que le Défenseur des droits se penche sur le dossier, réagit Alexandre Lepage, le père de l’adolescent, pour qui il y a eu jusqu’ici une volonté manifeste de la part de la justice de ne pas dire la vérité."
Près d'un an après les faits, retour à la case départ donc. Dans le cas de Lilian, l'autorité administrative indépendante, chargée de veiller au respect des droits et des libertés, s’appuie sur l’intérêt supérieur des droits de l’enfant et le respect des règles de déontologie, deux notions fondamentales qui méritent ici d’être soulevées. Concrètement, ses services vont devoir reprendre l’enquête à zéro en procédant à une analyse minutieuse des faits, en ayant notamment la possibilité d’auditionner à nouveaux les protagonistes de l’affaire, policiers, témoins, membres de la famille.
La décision du Défenseur des droits intervient en moyenne entre 6 et 8 mois
Un travail complexe, de longue haleine, "la décision du Défenseur des droits intervient en moyenne entre 6 et 8 mois", précise-t-on en interne.
L’institution, dirigée par Jacques Toubon, n’a pas de pouvoir de sanction, mais elle devra comprendre pourquoi le policier auteur du tir n'a pas pu être identifié. Si elle conclue à une impossibilité d'encadrer pleinement l'usage du LBD, c'est son utilisation en France qui pourrait être remise en cause.
Ce n'est pas la première fois que le Défenseur des droits planche, in fine, sur la question de l'usage du LBD puisqu'il avait déjà préconisé, dans un rapport remis le 10 janvier 2018, l'interdiction de l'usage des lanceurs de balle de défense dans le cadre du maintien de l'ordre en raison de leur "dangerosité" et des "risques disproportionnés" qu'ils font courir.
"Mon fils a souffert, a perdu une année scolaire, et personne ne sera puni pour ça ? L’Etat est censé protéger mon enfant et c’est lui qui le massacre aujourd’hui, ça ne passera pas. J’attends qu’ils mettent l’Etat fasse à ses responsabilités. Eux j’ai confiance en eux et je sais qu’ils feront le travail comme il faut", réagit de son côté Flaure Diessé, la mère de Lilian.
Après de longs mois de convalescence passés loin des bancs du lycée, en septembre dernier son fils a intégré un internat en Bretagne. "Il essaye de continuer sa vie, de reprendre goût à la vie", affirme-t-elle. Sur le plan physique, Lilian, dont la mâchoire a été brisée, n’a toujours pas retrouvé toute sa sensibilité et devra encore faire face à la chirurgie réparatrice.
"On n’a pas encore vu le bout du tunnel" reprend encore Flaure Diessé, la voix toujours autant perlée de colère, mais en ayant la sensation d’être désormais enfin écoutée.