Strasbourg : zone à faible émission, pourquoi le rétrofit, censé promouvoir l’électrique, est pour l’instant au point mort

Le 1er janvier 2022, la zone à faible émission de Strasbourg est entrée en vigueur et avec elle la possibilité de bénéficier d'aides à la conversion. Le rétrofit en fait partie. Mais transformer sa motorisation thermique en motorisation gaz ou électrique, ne semble pas attirer les foules. Le point dans cet article.

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C’est l’un des dispositifs compensatoires proposé par l’Eurométropole pour nous inciter à sauter le pas du gaz ou de l’électrique dans le cadre de l’instauration de la nouvelle zone à faible émission (ZFE). Une aide au rétrofit pouvant aller jusqu’à 2.500 euros pour les particuliers, 6.000 euros pour les professionnels, qui pour l’instant n’a pas encore trouvé preneur.

Le rétro quoi ?  Vous ne savez pas à quoi ce terme fait référence ? Rassurez-vous, même les garagistes ne semblent pas tous rouler des mécaniques sur le sujet.

- "Je ne sais pas de quoi vous parlez"

"La conversion des moteurs thermiques en électrique"

 "Ah oui ça, non je ne suis pas concerné, je n’ai eu aucune demande".

Une réaction mainte fois entendue au téléphone ce mardi 11 janvier. Le décor est planté. Le rétrofit n’a pas encore l’air d'être dans l’air du temps. Pourtant, au moment où l’Europe entend instaurer la fin des ventes de voitures essence et diesel en 2035, et où les mesures de réductions de CO2 se multiplient sur notre territoire, le processus, autorisé en France depuis le 4 avril 2020, paraît prometteur.

Concrètement, il s’agit principalement de remplacer le moteur des véhicules thermiques de plus de 5 ans et leur système de carburation par un moteur et une batterie électrique. Les camions, bus, deux-roues sont aussi concernés.

Le rétrofit est un faux-ami.

Yves Carra, porte-parole de l'Automobile club association

Sur le papier, les avantages semblent nombreux. Pour la planète d’abord. D’après un rapport de l’Agence de la transition écologique (ADEME), en ce qui concerne les seules citadines, qui représentent un parc considérable de véhicules à "rétrofiter", leur conversion permettrait de réduire de 66% les émissions de CO2 par rapport à la conservation d’un véhicule diesel.

Un impact environnemental non négligeable, couplé à des bienfaits pour le porte-monnaie. Un véhicule converti se déleste de toutes les contraintes coûteuses de maintenance, à plus forte raison s’il a plus de cinq ans. A cela, il faut retirer le coût du carburant. Sans compter l’intérêt de se débarrasser des restrictions de circulation liées aux émissions de gaz à effet de serre.      

Le bonheur dans le moteur ? Pas tout à fait nuance Yves Carra, porte-parole de l’automobile club association. "Le rétrofit est un faux-ami. Pour les voitures de particuliers, on le voit bien, ça ne décolle pas. Notamment parce que ça coûte encore très cher. Quand vous avez une voiture de plus de 5 ans, qui a encore une valeur financière de 10.000 à 15.000 euros, vous n’allez pas remettre 15.000 euros pour changer votre moteur. C’est ridicule. Mieux vaut en racheter une autre. Si elle a beaucoup roulé, vous aurez tous les accessoires autres que le moteur qui auront leur âge. Là encore, est-ce que ça vaut le coup de faire un rétrofit pour une carcasse de voiture ? Temps que ce ne sera pas peu cher, ça ne prendra pas".

Pour un véhicule lambda, ça ne vaut pas le coup

Benjamin Gruber, garagiste

Un constat tranché, partagé par Benjamin Gruber, garagiste à Illkirch. "Quelques clients en ont simplement parlé mais en général ils préfèrent changer de voiture que changer la voiture en elle-même. Moi, à titre personnel, je ne le ferais pas non plus. Si c’est un véhicule spécial, pourquoi pas, mais pour un véhicule lambda, ça ne vaut pas le coup. Le coût reste conséquent et transformer son véhicule, ce n’est jamais l’idéal. Je n’ai pas l’impression que ce soit un marché énorme pour le moment".

Entre 8.000 et 20.000 euros 

Pour l’heure, selon le ministère de la Transition écologique, le prix du rétrofit électrique varie en fonction du modèle de véhicule et de son autonomie. Il peut débuter à 8.000€ pour une petite citadine et monter à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un plus gros modèle. La fourchette moyenne étant située entre 15.000 € et 20.000 €. 

Des tarifs conséquents auxquels s’ajoutent pour certains une défiance vis-à-vis d’un modèle électrique porté aux nues sans être totalement vertueux. "Nous n’avons pas de demandes et je ne me lancerai pas là-dessus parce que je n’y crois pas du tout. Ça risque d’être un effet de mode. Quand on voit la pollution que l’électrique dégage, sachant qu’on ne sait pas recycler les batteries pour le moment, à mon sens, ce n’est pas l’avenir. La ZFE crée une inquiétude générale mais les clients prévoient plutôt de changer de voiture, même s’ils ont des véhicules vignette crit’air 3 qui sont en excellent état", tance Matthieu Nuss, lui aussi installé à Illkirch.

Des arguments de nature à freiner les envies de conversion ? Depuis le 1er janvier, date d’entrée en vigueur de la zone à faible émission strasbourgeoise, "aucune demande d’aides n’a été enregistrée" par l’Eurométropole confirme-t-on en interne. Certes, c’est encore un peu tôt, d’autant que le procédé reste confidentiel, mais pour Yves Carra c’est certain : "on se trompe en misant sur le rétrofit qui ne va pas changer le problème écologique".

En revanche, reconnaît-il, les professionnels, eux, pourraient y trouver leur compte de manière cohérente. "Il peut y avoir des débouchés pour les artisans qui doivent souvent débourser une très grosse somme d’argent pour acheter des utilitaires électriques. Pour eux, avoir une solution intermédiaire comme celle-ci, toujours moins coûteuse qu’un achat neuf, peut avoir une utilité".

Un modèle économique à trouver

"Le modèle économique de la filière du rétrofit reste incertain", confirme l’ADEME. En effet, si le développement des ZFE pourrait à court terme être un catalyseur de ce marché, la filière paraît éphémère sur le marché français. "Il semble donc nécessaire de cibler les catégories de véhicules à développer. En analysant les coûts complets du retrofit sur les différents segments de marché, l’étude montre que la pertinence économique du retrofit est meilleure pour les véhicules lourds, notamment les autobus, que pour les citadines", complète l’agence dans son rapport. Cette dernière recommandant de réduire les coûts d’homologation.

Une filière à développer

De quoi peut-être permettre au dispositif de prendre de la vitesse. Certains y croient, malgré tout. Comme ce garagiste de Lingolsheim en train de former ses mécaniciens. "L’électrique n’est peut-être pas l’avenir mais c’est une étape obligatoire. On est en train de former nos équipes pour pouvoir développer le rétrofit l’année prochaine. La ZFE va faire qu’à un moment le marché sera contraint. Il y a énormément de personnes qui ne peuvent pas débourser 30.000, 40.000 euros pour se payer un véhicule électrique neuf ni même une occasion à 20.000 euros. Dans ce cas, il faut des solutions alternatives. D’autant que l’écologie passe par le réemploi des éléments qu’on a déjà. Quant au coût, si on arrive à faire des opérations à grande échelle, le montant se réduira forcément", affirme-t-il.

Les évolutions techniques et l’augmentation du nombre de transformations pourraient en effet permettre de rendre le rétrofit plus attractif, c’est en tout cas ce sur quoi mise le ministère de la Transition écologique.      

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