Témoignage. Guerre en Ukraine : "il y a tellement de morts, on n'a pas le droit de baisser les bras"

Publié le Écrit par Florence Grandon

Les Ukrainiens et les associations de soutien à l'Ukraine ont manifesté samedi 24 février un peu partout en France. À Strasbourg, ils se sont donné rendez-vous devant le consulat de Russie pour demander l'arrêt des combats et la fin des enlèvements d'enfants. Jevhenia et ses filles ont tenu à être présentes, nous les avons rencontrées.

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Jevhenia Chevchenko est arrivée en France en mars 2022 avec ses deux filles Daria et Marharyta, fuyant Kharkiv, une ville de l'est de l'Ukraine très rapidement envahie par les Russes. Son mari se bat dans l'armée ukrainienne depuis deux ans, son fils travaille dans l'ouest de l'Ukraine, et elle et ses filles se battent d'une autre manière, dans le soutien à l'Ukraine depuis Strasbourg.

Je les rencontre un peu avant 16h samedi 24 février, en face du consulat de Russie. Jevhenia ne parle pas encore très bien français et s'excuse. Je propose de parler russe, elle avoue ne plus parler russe depuis des mois, "le russe est devenu la langue de notre agresseur". Elle fera une exception avec un grand sourire pour moi, il faut raconter ce qui se passe en Ukraine, c'est important pour elle.

Jevhenia est désormais très active au sein de l'association ukrainienne Promoukraina, ici à Strasbourg. Et ses deux filles suivent un double cursus scolaire en France et avec des établissements ukrainiens en ligne, "pour garder le lien", précise Jevhenia. Et envisager aussi le retour.

Retourner en Ukraine

Daria, 18 ans, est en première au lycée des Pontonniers, mais elle a terminé une formation d'infirmière en Ukraine l'an dernier en suivant des cours en ligne. Sa sœur de 14 ans est en troisième à Strasbourg, et elle poursuit depuis deux ans sa scolarité ukrainienne avec un lycée professionnel, pour se former à la pédagogie et au sport, en parallèle.

Jevhenia n'a d'ailleurs pas arrêté de travailler en Ukraine. Elle est institutrice à Karkiv et, depuis deux ans, les cours ont lieu uniquement en ligne. "Nous sommes très près de la frontière [avec la Russie], et c'est trop dangereux de rouvrir les écoles. Les bombes tombent, les maisons sont éventrées, les gens meurent, et seulement après, les sirènes se mettent en route. Nous n'avons jamais assez de temps pour nous mettre à l'abri." Elle a pu ainsi continuer à travailler avec ses élèves depuis la France. 

Je retournerai en Ukraine, c'est obligatoire. Dom vsegda budet Ukraina [la maison ce sera toujours en Ukraine].

Daria, Ukrainienne de 18 ans, à Strasbourg depuis 2022

Leur avenir est en Ukraine, toutes les trois en sont persuadées. "Nous n'avons pas demandé le statut de réfugiées, parce que nous espérons retourner en Ukraine quand la guerre sera finie. C'est pour ça que nous gardons des liens très forts avec l'Ukraine.", explique Jevhenia.

"Quand nous sommes arrivées, nous pensions rester quelques jours et repartir, après une victoire rapide. Et voilà, nous sommes finalement là depuis presque deux ans. Deux ans que notre petit pays tient bon face à la grande Russie."

Daria acquiesce, et continue en français : "je retournerai en Ukraine, c'est obligatoire. Dom vsegda budet Ukraina [la maison ce sera toujours en Ukraine]."

Ce qui compte pour Jevhenia, c'est de ne pas baisser les bras, de continuer à tout faire pour que la paix s'installe dans le pays. "Tant de jeunes hommes et de jeunes femmes sont morts au front, nous n'avons pas le droit d'arrêter de nous battre. Et c'est pour ça que nous manifestons aujourd'hui en face du consulat russe."

Manifester contre le régime russe 

"Nous devons absolument montrer notre opposition au pouvoir russe, explique Jevhenia. Nous sommes contre la guerre déclarée par Poutine à l'Ukraine. Malheureusement, ce régime continue de diffuser de fausses informations. Il parle de libérer les Ukrainiens de quelque chose ou de quelqu'un. Mais personne n'a rien demandé. L'Ukraine est un pays souverain et personne n'a le droit de le coloniser."

"Arrêtez la guerre", "armez l'Ukraine", "Poutine au goulag", scandent les manifestants en regardant de l'autre côté de la rue, le consulat de Russie. Plus de 400 personnes sont présentes, et parmi elles beaucoup de Français. Des drapeaux européens, arméniens et tchétchènes flottent au-dessus des têtes. Derrière les manifestants, les représentations hollandaises et belges affichent le drapeau ukrainien à leur balcon.

Daria est contente de voir cette mobilisation. "Cette manifestation aujourd'hui est très importante", précise la jeune fille. "Pour rappeler aux gens que la guerre n'est pas terminée, qu'il faut continuer de soutenir l'Ukraine. Et c'est bien aussi de remercier ceux qui nous protègent, sur le front en Ukraine, et ceux qui nous aident en France, tous les bénévoles qui aident les Ukrainiens lors de leur séjour ici. C'est important de se souvenir de tous ceux qui ne renoncent jamais, qui y croient encore et qui gardent l'espoir d'une victoire."

Sur les 5 800 Ukrainiens accueillis en Alsace depuis 2022, 3 000 sont restés ici. Mais 70% des Ukrainiens qui ont fui la guerre souhaitent actuellement retourner dans leur pays, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés.

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