TEMOIGNAGES - Coronavirus : les Alsaciens de Chine appellent les Français "au respect des mesures de confinement"

Laurent Brender habite à Shanghai, Edouard Juskowiak à Ningbo, 150 km plus au sud. Ces deux Alsaciens ont vécu ces derniers mois dans une Chine confinée pour cause de Covid-19. Aujourd'hui, alors que leur situation s'améliore, ils s'inquiètent pour leurs compatriotes et leur lancent un appel.
 

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L'un habite à Shanghai, à près de 700 km de Wuhan, berceau de l'épidémie de Covid-19. L'autre vit avec sa femme Yujing et leur petite Raphaëlle à Ningbo, à 150 km au sud de Shanghai. Le Mulhousien Laurent Brender et le Colmarien Edouard Juskowiak travaillent l'un et l'autre pour des entreprises françaises implantées en Chine. Dès fin janvier, ils ont accepté de raconter leur quotidien à France 3 Alsace dans une Chine rapidement confinée pour cause de coronavirus.
 
En février, à Shanghai, "plus de 90% des restaurants et petits commerces étaient fermés. Mais les supermarchés sont toujours restés ouverts (…) et "il n'y a jamais eu de pénurie", précise Laurent Brender. A Ningbo, dès le début de l'épidémie, Edouard Juskowiak et sa famille ont fait le choix de rester cloîtrés chez eux avec les beaux-parents chinois d'Edouard, venus passer avec eux les fêtes du Nouvel an.
 
Depuis, leur vie reprend lentement son cours habituel. "On revient au fur et à mesure à une situation plus normale pour ce qui concerne la vie de tous les jours" précise Laurent Brender. "Une grande majorité des commerces a rouvert et les gens sont pour la plupart partiellement de retour au bureau." Les usines "ont repris pleinement leurs activités" ajoute Edouard Juskowiak, même si jusqu'à présent, personne ne sort dans la rue sans masque.
 

 

Forte inquiétude et appel au respect du confinement

Mais tandis que leur propre situation s'améliore, leurs pensées sont mobilisées par celle de leurs compatriotes, en Alsace et partout en France, touchés à leur tour de plein fouet par la crise du Covid-19. "J'ai beaucoup d'anxiété à voir la France dans cet état, pour ma famille et mes amis, je pense à mes grands-parents qui sont très âgés, ma mère, mon père..." avoue Edouard. "J'ai bien peur que la France n'arrive pas à faire respecter ces consignes radicales mais obligatoires pour la survie de l'être humain."

Dire qu'il y a deux mois ce sont mes parents qui m'envoyaient des masques, alors qu'aujourd'hui, c'est moi qui leur en envoie...
- Edouard Juskowiak

"Nous sommes beaucoup dans le groupe des Alsaciens (en Chine) à être très circonspects et inquiets par l'absence du port du masque ou la lenteur avec laquelle des actions concrètes, comme l'interdiction des rassemblements, ont été prises (…) en Alsace ou ailleurs en Europe", renchérit Laurent Brender.  
Forts de leur propre vécu de ces deux derniers mois, les deux Alsaciens de Chine se sentent particulièrement habilités à exhorter les Alsaciens - et les autres - à la plus grande prudence. "Nous encourageons les gens à faire preuve de civisme et respecter au maximum les mesures de confinement mise en place depuis cette semaine en France..." lance Laurent Brender. "J'aimerais dire à mes compatriotes : RESTEZ CHEZ VOUS, ne prenez pas de risques, pliez-vous aux règles du gouvernement, soyez solidaires, soyez unis, soyez ensemble contre ce virus !" s'exclame Edouard Juskowiak. Un message qu'il vient aussi de publier sous forme de vidéo sur sa page Facebook. 
 


 L'amélioration de la situation en Chine est une preuve de l'efficacité des mesures de confinement, mais il va falloir s'armer de patience.
- Laurent Brender
 

De leur côté, même si le pire semble derrière eux, la crise n'est pas terminée et leur quotidien s'en trouve toujours impacté. "Les commerces de nuit, type bars, sont toujours fermés", raconte Edouard. "La plupart des restaurants ont rouvert mais beaucoup d'entre eux vous refusent l'accès, et vous êtes obligé de prendre vos plats à emporter." Il y a à nouveau des gens dans la rue, mais l'ambiance est différente d'avant la crise, car chacun porte toujours un masque et des gants.
 

Le gouvernement chinois a vraiment fait un travail extraordinaire pour stopper cette propagation de virus. Il faut absolument que l'Union Européenne fasse de même.
- Edouard Juskowiak

 


Un retour à la normale ? Oui et non

Depuis plus de deux semaines, Edouard et sa femme Yujing ont abandonné le télétravail et retournent au bureau, "mais toujours de façon modérée (obligation de débaucher à 17h pour tout le monde) et très surveillée : à mon lieu de travail, prise de température (…), visites journalières des autorités locales à mon bureau, vérification des informations... Pareil pour notre lieu de vie, tout est contrôlé" précise Edouard.

Nous voyons le bout du tunnel mais les mesures, elles, sont toujours d'actualité.
- Edouard Juskowiak

Car depuis fin février, une application via un code QR transmet aux autorités locales leurs informations personnelles (relevés de température et informations liées au passeport). Des informations actualisées chaque heure et classées en trois niveaux : vert, orange et rouge. "Le premier niveau vous permet de circuler librement à vélo, en voiture, à pieds, d'un point A à un point B", explique Edouard. Le second vous oblige au confinement (14 jours normalement et kit de test pour vérifier que vous n'avez pas le coronavirus). Et au troisième niveau, c'est l'hospitalisation.

Les écoles restent toujours fermées, sans date connue de reprise. Raison pour laquelle, même si le confinement est officiellement terminé, les beaux-parents d'Edouard ne sont pas encore repartis. "Mes beaux-parents ne sont plus bloqués et pourraient retourner chez eux, par contre, (…) nous leur avons demandé de rester encore quelques semaines à la maison pour garder Raphaëlle. Notre cohabitation se passe toujours très bien" précise Edouard.
 


Plusieurs amis d'Edouard en quarantaine

Depuis peu, pour tenter d'éviter une nouvelle propagation du virus venu cette fois de l'étranger, les autorités chinoises imposent une quarantaine à toute personne entrant sur leur territoire. Plusieurs connaissances d'Edouard en pâtissent actuellement. Des amis français, revenus il y a quelques jours, "bloqués dans l'avion sur le tarmac pendant près de 8 heures."
 
Deux autres de ses amis, des Chiliens qui travaillent dans une entreprise chilienne dans la région de Ningbo, font aussi les frais de ces mesures. Le premier, revenu en Chine il y a dix jours, "est en quarantaine dans sa résidence et ne peut sortir de chez lui, il y a même un garde devant sa porte 24 h sur 24. Vous lisez bien, un garde devant sa porte 24 heures sur 24 !" 
 

Le second, qui rentre à Ningbo avec sa famille, "a déjà été prévenu qu'il devra passer ces 14 jours avec sa femme et ses deux enfants dans un hôtel dédié." Mais Edouard reconnaît que ce type de mesures est "malheureusement une étape nécessaire pour éviter que le virus explose à nouveau."


Des encouragements avant la vraie sortie de crise


En attendant l'arrivée du vaccin ou de "l'arrêt temporaire de l'épidémie" qu'Edouard appelle de ses vœux, Laurent envoie à ses compatriotes "deux idiomes d'encouragement" chinois : 同舟共济 Tong Zhou Gong Ji qui signifie "être dans le même bateau" (ou dans la même galère !), et 万众一心 Wan Zhong Yi Xin  "des millions de gens mais un seul coeur", ce qu'on peut traduire par "être unis tous ensemble". Des mots d'encouragement envoyés aux Alsaciens depuis l'autre bout du monde. Mais qui, dans le contexte actuel, s'adressent véritablement à l'humanité entière.
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