Transports : un an après le lancement du Reme, retour sur le déraillement du premier projet de RER régional

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Le magazine Enquêtes de région s'intéresse à la révolution des transports ©France Télévisions

Le réseau express métropolitain européen (Reme) était présenté comme le premier RER de province. Un millier de trains supplémentaires devaient circuler chaque mois en gare de Strasbourg, sauf qu'un an après son lancement calamiteux, le compte n'y est toujours pas. Le magazine Enquêtes de région dresse le bilan d'un fiasco.

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En gare de Strasbourg (Bas-Rhin) devait circuler chaque mois un millier de trains supplémentaires. 45 ans après l'entrée en service du réseau express régional d'Île-de-France, le Reme (réseau express métropolitain européen) était présenté par le gouvernement comme le tout premier RER de province. Une alternative crédible à la voiture, sauf que son lancement a été calamiteux. Une année après sa mise en service, le 11 décembre 2022, le magazine Enquêtes de région revient sur un projet victime de son ambition, à voir sur france.tv.

La promesse d'un RER à l'échelle du Bas-Rhin était alléchante. 95 gares desservies, des trains toutes les demi-heures dès 5 heures du matin et jusqu'à 23 h, y compris les week-ends. Les prévisions étaient spectaculaires, 800 trains supplémentaires par semaine au démarrage en décembre 2022, puis plus d'un millier en septembre 2023.

Une belle révolution pour les usagers, financée par la région Grand Est, en partenariat avec l'Eurométropole de Strasbourg. Le RER Strasbourgeois devait donc, en théorie, améliorer l'offre de transport. En réalité, cette révolution a été mal préparée, et les usagers en paient le prix fort. Retards en série, annulations… en une semaine seulement, le château de cartes s'est effondré.

Le déraillement d'un projet

Les syndicats l'avaient prédit. Aujourd'hui, ils constatent les dégâts avec amertume. Près d'un an après le lancement du Reme, le service est toujours dégradé. En moyenne, 10 % des trains sont supprimés et leur régularité reste insuffisante. "En taux de régularité, on oscille entre 94 % et 87 %, regrette Alexandre Welsch, secrétaire régional Sud rail Alsace. Historiquement, c'est du jamais vu en Alsace. On était la meilleure région de France en termes de trains à l'heure et de régularité."

C'est du jamais vu en Alsace. On était la meilleure région de France en termes de ponctualité et de régularité.

Alexandre Welsch, secrétaire régional Sud rail Alsace

"On essaye de faire un peu plus pour que ça fonctionne, mais on se rend compte qu'on n'y arrive pas. On comprend le mal-être des usagers parce que c'est quelque chose qu'on vit également au quotidien. Sur l'année 2023, on a vu une augmentation des agressions envers le personnel SNCF", indique le secrétaire syndical.

Ce mauvais scénario, les syndicats n'étaient pas les seuls à le prédire. Pour Raymond Woessner, géographe spécialiste des transports, la source du problème vient d'un cruel manque de moyens financiers. "On ne peut pas faire une politique comme ça, sans avoir les moyens qui vont avec. On n'a pas mis assez d'argent, on n'a pas acheté assez de matériel, on n'a pas assez de personnel et d'infrastructures. Ça ne pouvait que mal se terminer."

Une ambition du gouvernement, expérimentée à Strasbourg

Quatre jours avant son lancement, le projet est présenté à Paris en grandes pompes en présence du ministre des Transports et du PDG de la SNCF. Le Reme, précurseur d'une évolution que le président de la République appelle de ses vœux à la fin du mois de novembre 2022. "Dans les dix principales villes françaises [...] où les déplacements sont compliqués, on doit se doter d'une vraie stratégie de transports urbains, indique Emmanuel Macron dans une vidéo publiée sur YouTube. C'est un super objectif pour l'écologie, l'économie et la qualité de vie."

Une volonté qui a également du sens pour Alain Jund, vice-président (EELV) de l'Eurométropole de Strasbourg, en charge des mobilités : "c'est un élément essentiel pour renforcer l'accessibilité vers Strasbourg, [...] et pour améliorer la qualité de l'air".

Une ambition louable qui aurait dû rouler pour les responsables politiques. Le vice-président (LR) de la région Grand Est en charge des transports, Thibaud Philipps, partait confiant : "il y a eu un travail de quatre ans pour lancer ce réseau express métropolitain, avec des engagements fermes de la SNCF qui avait fait toutes les modélisations pour que le Reme fonctionne. La réalité du terrain a pourtant rattrapé les élus. On s'est rendu compte que dès qu'il y avait une problématique sur une des lignes, ça mettait en péril tout le système. Peut-être qu'on a voulu aller trop vite et trop fort dès le départ."

La colère de certains usagers explose

Du côté des usagers, deux groupes Facebook rassemblant au total près de 3 000 usagers sont nés dans le sillage du Reme. Des clients en colère tentent de faire entendre leur voix. "La SNCF ne peut pas dire que tout va bien. Les gens sont mécontents de la SNCF et de son service, martèle Rémy Knittel, administrateur du groupe Facebook TER Grand Est, le ras-le-bol des usagers. D'un côté, vous avez des trains en retard, supprimés, sans être informé, et il y a plusieurs augmentations tarifaires qui sont passées par là. 4 % en septembre, une autre en janvier. Chaque fois que le service n'y est pas, remboursez-nous !"

La SNCF clouée au pilori. Même la Région tire à boulets rouges sur son opérateur. "On n'est clairement pas satisfaits non plus. Il ne faut pas oublier que la Région et l'Eurométropole de Strasbourg ne sont que des financeurs. C'est clairement la faute de la SNCF, affirme Thibaud Philipps. Sur le périmètre TER Grand Est, c'est quasiment 550 millions d'euros chaque année pour exploiter les trains. La SNCF est un opérateur en situation de monopole." La Région se retrouve coincée par l'impossibilité de déléguer le transport ferroviaire à une autre structure.

La SNCF reste discrète

Attaquée de toutes parts, la SNCF fait le dos rond et ne donne aucune réaction officielle. L'entreprise ferroviaire a renforcé ses équipes de maintenance au sein de son technicentre de Bischheim (Bas-Rhin), notamment la nuit et les week-ends.

"Le Reme nécessite l'engagement du matériel plus longtemps dans la journée, explique Yannick Haffreingue, responsable du technicentre. Ça nous oblige à réaliser plus d'opérations de maintenance, réalisées en fonction des kilomètres, du nombre d'heures de fonctionnement et des cycles d'ouverture des portes par exemple."

De nouvelles méthodes de travail permettent d'immobiliser les rames moins longtemps, seulement 4 heures contre deux jours et demi avant le Reme. Mais avec 20 % d'activité supplémentaire, il a fallu s'adapter. Vingt opérateurs ont été embauchés, il faudra toutefois du temps pour les former. Au printemps, la SNCF a également investi 2,5 millions d'euros dans un nouvel atelier de maintenance.

Des améliorations bien tardives. La SNCF s'adapte au gré des difficultés. Depuis septembre, le Reme affiche péniblement 650 trains supplémentaires par semaine, loin des objectifs initiaux, mais il faudra s'en contenter. Fini la révolution, la Région veut consolider le système existant : "il y a tout un travail à faire sur l'infrastructure, c'est-à-dire retravailler les plans de voies dans les gares, et aussi des aménagements pour passer aux aiguillages automatisés de nouvelle génération," reconnait Thibaud Philips.

La faute à un investissement trop faible

Pour Raymond Woessner, géographe spécialiste des transports, les 700 millions d'euros investis par la région Grand Est sont insuffisants. À titre de comparaison, le projet de Grand Paris express est estimé à 36,1 milliards d'euros, contre 700 millions pour le réseau express métropolitain européen à son lancement. "Ça paraît dérisoire. Il faut de l'argent et du temps, pas des coups de baguette magique. C'est une affaire qui s'étale sur un temps très long."

Malgré tout, certaines lignes semblent moins impactées que d'autres. Il reste des optimistes, dont des élus qui ont financé l'agrandissement du parking de la gare de Mommenheim (Bas-Rhin). Le maire de la petite commune a foi en l'avenir et perçoit le Reme comme un facteur de développement. "Il y a une demande réelle de déplacement. Beaucoup de personnes travaillent à Strasbourg et aux alentours, raconte Francis Wolf, maire (SE) de Mommenheim. L'augmentation du cadencement des trains, c'est une chance, ça permet aux gens de se déplacer autrement qu'avec leur voiture. Mais d'un autre côté, je pense que l'offre doit encore être améliorée."

Depuis le lancement du Reme et en dépit des difficultés, le nombre de voyageurs a augmenté de 20 % sur le réseau, preuve que le train et le Reme ont un avenir. Les élus devront aussi s'acquitter d'un gros dossier, la transformation de la gare de Strasbourg, première gare TER de France, aujourd'hui saturée. Alors deviendra-t-il réalité ce Reme fiable et efficace, comme chez nos voisins suisses et allemands ? Pas sûr, du moins pas tout de suite.

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