Strasbourg : l'État condamné pour le harcèlement moral subi par un gendarme du Bas-Rhin

Le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le 19 octobre 2022 l'État pour le harcèlement moral qu'a subi un gendarme de Hochfelden (Bas-Rhin). Le jugement va à l'encontre d'une enquête de l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

Le 19 octobre 2022, un gendarme a fait condamner l'État pour le harcèlement moral qu'il a subit entre 2015 et 2017 au sein de la brigade de proximité de Hochfelden. Un jugement qui va à l'encontre des conclusions d'une enquête de l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

Le jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg est considéré comme "une vraie victoire" par l'avocate du militaire (que nous appellerons Antoine), Me Elodie Maumont : "Que la justice aille à l'encontre des conclusions d'une enquête de l'IGGN, c'est rare", souligne-t-elle.

Une victoire d'autant plus appréciée que le chemin pour y mener a été long. Ce militaire, gendarme depuis 2006, a servi dans la brigade de proximité de Hochfelden depuis 2007. C'est en 2019 qu'il demande une protection fonctionnelle, s'estimant victime de harcèlement moral de la part de ses deux supérieurs hiérarchiques : "Lui et moi faisons cette dénonciation. Mais l'administration lui accorde une assistance juridique, c'est-à-dire rien du tout."

Antoine forme ensuite un recours, qui lui est refusé : "En bref, il ne se passe rien", résume son avocate. Mais en septembre 2020, une collègue de ce gendarme dénonce elle aussi des faits de harcèlement sur une plateforme, "Stop-discri" : "C'est là qu'Antoine raconte son histoire."

Le militaire explique entre autres alors avoir eu connaissance de mails échangés entre ses supérieurs, dans lesquels il était qualifié d'"Iznogoud", de "jeune loup" qui devrait "revenir dans sa tanière". Les deux supérieurs qualifient également une lettre d'observations reçue sur leur bureau de "cadeau de Noël". Pour le juge administratif, "[ces propos] révèlent une réelle animosité et une intention de nuire à l'intéressé."

Un collègue "trop revendicateur"

Pendant son enquête, l'IGGN n'avait pas pris ces mails en compte, car d'après elle, le gendarme les a eus illégalement : "Ce qui est faux ! On lui a simplement remis ces mails", persiste son avocate. Antoine écopera d'un rappel à la loi.

Autre exemple : Antoine était le tuteur d'un gendarme adjoint volontaire. Ce dernier faisait l'objet d'une procédure disciplinaire, et avait demandé à être accompagné par Antoine, qui s'était même proposé pour l'aider à assurer sa défense. Ce à quoi ses supérieurs hiérarchiques se sont opposés, qualifiant le militaire de "trop revendicateur" et "nuisible pour la carrière [du tutoré]". Le juge y voit ici "une réelle volonté de mise à l'écart [d'Antoine]" et des propos qui "excèdent l'exercice normal du pouvoir hiérarchique".

Des propos dénigrants [...] ont été régulièrement tenus par sa hiérarchie en présence d'autres militaires.

Extrait du jugement rendu le 19 octobre 2022

Dans le jugement rendu public, le tribunal note que "des propos dénigrants [...] ont été régulièrement tenus par sa hiérarchie en présence d'autres militaires." Plus loin, il ajoute que ces faits répétés ont eu "un retentissement" sur l'état de santé et la vie sociale d'Antoine, et sont "au moins en partie à l'origine d'un syndrome anxieux dépressif".

La responsabilité de l'État engagée

Pour les juges, la responsabilité de l'État est engagée. Selon eux, le ministre de l'Intérieur se prévaut de l'enquête de l'IGGN qui conclut à l'absence de faits de harcèlement moral. Mais dans le même temps, il n'apporte pas d'élément qui permettent de prouver qu'Antoine n'a pas été victime de harcèlement.

L'État a été condamné à verser la somme de 5.000 euros à Antoine : "Ce n'est pas la somme qui est importante. Ce que mon client voulait, c'est qu'on lui reconnaisse le statut de victime. C'est désormais chose faite", se réjouit Elodie Maumont. Concernant les deux supérieurs hiérarchiques d'Antoine, l'avocate espère qu'ils feront l'objet d'une procédure disciplinaire.

Le ministère de l'Intérieur a deux mois pour faire appel. 

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