Parti du Havre, il doit arriver aux Etats-Unis ce 3 septembre. Durant le mois d'août, un voilier-cargo a convoyé sa précieuse cargaison de spiritueux "made in France" à travers l'océan Atlantique. Une initiative du groupe Martell Mumm Perrier-Jouët pour réduire l'empreinte carbone de ses exportations sur le continent américain.
Pour ces baleines, la rencontre a été assez inhabituelle. Dans le courant du mois d’août, au large du Golfe de Gascogne, elles ont observé la coque d’un immense voilier voguer en direction de l’Amérique. Un navire de 86 mètres de long avec dans ses six cales 1 200 tonnes de marchandises.
Plus que ces dimensions, c’est surtout la cargaison transportée dans ces cales que les cétacés n’imaginaient certainement pas croiser un jour : au total, 400 000 bouteilles de champagne Mumm et Perrier-Jouët ainsi que des flacons de cognac de la marque Martell.
Ce voyage commencé le 9 août dernier est le résultat d’un partenariat entre l’armateur TOWT et le groupe de luxe Martell Mumm Perrier-Jouët (MMPJ). Initiée en 2020, cette collaboration aspire à réduire l’impact environnemental des exportations des produits du groupe vers le continent américain.
"On travaille sur l’ensemble de notre chaîne de production pour réduire nos émissions et le transport, est notre quatrième poste d’émission, explique Sonia Le Masne, Directrice en charge du Développement durable du groupe MMPJ. Depuis 2019, on a déjà réussi à réduire de 38 % notre impact lié aux transports notamment en évitant l’avion, en favorisant le multimodal, le train et le fluvial, mais il nous fallait une solution de rupture sur le transport maritime. Notre champagne s’exporte beaucoup de l’autre côté de l’Atlantique et donc c’est pour ça qu’on s’est rapproché de TOWT depuis 2020."
L’armateur convoie déjà de nombreuses marchandises depuis le port du Havre en direction des Etats-Unis grâce à ses voiliers-cargos. Un savoir-faire qui a su convaincre le groupe de luxe. "Avec ces voiliers-cargos, on est sur un temps de transport qui est comparable avec les porte-containeurs, poursuit Sonia Le Masne. Sur cette traversée, il y a eu des jours où le navire avance exclusivement à la voile sur une vitesse de 8 ou 9 nœuds. On arrive à avoir une traversée aux alentours de 15 jours et d’un point de vue environnemental, on arrive à une décarbonation de l’ordre de 90 %."
Le début d’une longue série
Par le passé, d’autres maisons de champagne ont expérimenté le transport à la voile. C’est le cas par exemple de la maison Charles Heidsieck en 2022. Mais il s’agissait d’opérations spéciales à des fins de communication. Là, le groupe MMPJ entend passer à la vitesse supérieure et faire de la voile son mode de transport privilégié pour les livraisons transatlantiques.
"Sur la période 2024/2025, on prévoit 13 traversées avec à chaque fois des bouteilles de champagne Mumm et Perrier-Jouët. Cette route transatlantique entre la France et les Etats-Unis se prête particulièrement bien à la navigation à voile et dans les années à venir, TOWT va développer une flotte de huit navires. Nous réfléchissons également à d’autres pistes pour décarboner encore d’autres routes commerciales."
Le transport à la voile présente un avantage environnemental évident. Il permet également de se libérer la volatilité des prix des carburants indispensables au transport maritime conventionnel. Seul le prix, lui, reste moins compétitif que le transport conventionnel.
"Ce mode de transports ne nous fait pas faire des économies, mais pour nous, c’est un investissement acceptable pour nos produits", avance Sonia Le Masne. Elle poursuit : "Ce mode de transport est cohérent avec nos produits. Il fait le lien avec nos terroirs. Nous fournissons également des efforts sur la durabilité dans le vignoble avec la viticulture régénératrice, on travaille sur l’allégement des bouteilles et le volet packaging… Cette première traversée à la voile est un symbole de nos ambitions sur le sujet."
Des avantages aussi pour le vin ?
Un choix fort sur la question environnementale qui ne devrait pas, a priori, contrarier les amateurs de champagne. Si aucune étude n’a encore été menée sur la question, pour Sonia Le Masne, tout porte à croire que le transport à la voile n’aura que des effets positifs sur le vin.
"Avec un voilier-cargo, le temps de chargement et de déchargement est plus court. Il y a donc moins de risque que les vins restent entreposés trop longtemps à quai au soleil, indique-t-elle. Durant la traversée, les cales ne sont pas réfrigérées, les bouteilles voyagent en dessous du niveau de la mer. La température varie à peine d’un degré, c’est idéal. Ce sont quasiment les conditions que nous recherchons pour le vieillissement et la maturation de nos vins."
En arrivant à New York, normalement ce 3 septembre, l'équipage des sept marins du voilier-cargo de Towt pourra décharger ces milliers de flacons destinés au marché américain avant de revenir chercher de nouvelles commandes. Ces allers-retours pourraient encore se multiplier dans les années à venir : les Etats-Unis sont le premier pays importateur de vins de Champagne, avec plus de 33 millions de bouteilles vendues en 2022.