La réforme des retraites a largement mobilisé contre elle dans la rue jeudi 19 janvier 2023. Les débats débutent bientôt à l'Assemblée. Nous avons interrogé les députés de Champagne-Ardenne sur leur position sur ce texte.
La première journée de mobilisation contre la réforme des retraites a réuni entre un et deux millions de personnes dans la rue, le 19 janvier 2022. Les syndicats appellent à une nouvelle journée d'action le 31 janvier.
La mesure clé de la réforme, le report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, est rejeté unanimement par les syndicats et selon les sondages par une grande majorité des Français.
À l'Assemblée nationale, l'essentiel des oppositions a fait part de son opposition au texte. Découvrez sur notre carte ci-dessous le point de vue des députés des départements de la Marne, des Ardennes, de l'Aube et de la Haute-Marne.
Ardennes
Lionel Vuibert, député Renaissance de la première circonscription des Ardennes, n'a pas pu immédiatement répondre à notre demande. Nous complèterons notre article dès que nous aurons pu échanger.
Pierre Cordier, député apparenté au groupe Les Républicains, et élu dans la deuxième circonscription des Ardennes, ne compte pas voter le texte en l'état.
Il se dit gêné par "le timing" de la réforme, avec "le contexte économique et social dans lequel on est". "Je fais partie des élus au groupe Les Républicains qui sont très réticents sur cette réforme telle qu'elle est présentée", précise-t-il. "En l'état, si ça ne bouge pas d'une virgule, je ne voterai pas le texte." Une position qui pourrait se concrétiser aussi bien par un vote contre ou par une abstention.
Il compte bien déposer des amendements, notamment sur la question de la pénibilité. "C'est le mot sur lequel je me focalise dans cette réforme." Il espère pouvoir "trouver des solutions pour permettre aux personnes de finir leur carrière de manière plus apaisée et plus douce que d'être la gueule au feu jusqu'à 64 ans, comme on dit familièrement dans la vallée de la Meuse. Ce n'est juste pas possible"
Jean-Luc Warsmann, député de la troisième circonscription des Ardennes, membre du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, votera contre la réforme des retraites. C'est déjà la position qu'il défendait dans sa profession de foi lors des législatives 2022, alors que le candidat Emmanuel Macron avait annoncé un report de l'âge de départ à 65 ans.
"Il n'y a qu'un tiers des personnes de plus de 60 ans qui travaillent. Deux tiers ne travaillent pas. Je vois régulièrement des personnes de plus de 60 ans qui sont au chômage, qui sont avec une allocation adulte handicapé, avec une allocation de solidarité spécifique pour attendre la retraite", explique-t-il.
"On utilise comme argument pour cette réforme l'âge limite de départ dans les pays voisins, Belgique, Luxembourg ou Allemagne […] Certes, cet âge-là est affiché, mais il y a des possibilités de partir bien avant", ajoute l'élu.
Pour lui, d'autres solutions peuvent être mises en œuvre, notamment sur la question du chômage avant de modifier l'âge de départ à la retraite. "Il y a besoin d'abord augmenter le nombre de personnes qui travaillent parmi ceux qui sont en âge et en santé de travailler, avant d'aller chercher des personnes à cet âge-là."
Aube
Jordan Guitton, député Rassemblement national de la première circonscription de l'Aube, se dit formellement opposé à ce texte de loi. Il estime cette loi pénalisante pour ceux qui ont toujours travaillé et insiste sur le fait qu’il ne votera pas en faveur du texte : "On est contre, et on l’a toujours dit".
Valérie Bazin-Malgras, députée Les Républicains de la deuxième circonscription de l'Aube, ne se prononce pas dans l'immédiat. Elle attend les débats pour déterminer son choix, nous a-t-elle indiqué.
Angélique Ranc, élue dans la troisième circonscription avec l'étiquette Rassemblement national, n'a pas pu immédiatement nous répondre. Son point de vue sera ajouté dès que possible.
Marne
Xavier Albertini, député de la première circonscription de la Marne, membre du groupe Horizons et apparentés, affirme qu’il votera en faveur du texte de loi. Pour lui, l'intérêt du texte est "évident". Il estime que "les Français sont rentrés dans un schéma d’hystérisation", mais reconnaît pour autant que le débat sera long.
La deuxième circonscription de la Marne est pour l'instant privée de député. L'élection d'Anne-Sophie Frigout (Rassemblement national) a été invalidée par le Conseil constitutionnel. Un nouveau scrutin est en cours. Le second tour aura lieu le 29 janvier et opposera Anne-Sophie Frigout à l'adjointe au maire de Reims Laure Miller (Renaissance).
Éric Girardin, élu Renaissance de la troisième circonscription, votera pour la réforme des retraites. "Sur le fond, je partage l'orientation de cette réforme", nous indique-t-il en ajoutant qu'il y a "nécessité de trouver des aménagements".
Nous n'avons pas encore pu recueillir le point de vue de Lise Magnier, députée dans la quatrième circonscription et membre du groupe Horizons et apparentés. Cet article sera complété dès que possible.
Charles de Courson, député de la cinquième circonscription et membre du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, votera contre le texte. Pour lui, la réforme "n'est pas acceptable". Il estime qu'elle "pénalise les plus jeunes" et "concerne des gens qui ont commencé tôt". "Je rappelle qu'il y a 42 régimes de retraite en France", ajoute-t-il.
Haute-Marne
Christophe Bentz, député Rassemblement national de la première circonscription de la Haute-Marne, votera contre la réforme présentée par le gouvernement. "Je suis parfaitement aligné avec Marine Le Pen et le groupe Rassemblement national sur le fait qu'on va s'opposer avec une grande fermeté à cette réforme de retraites, parce qu'elle est profondément injuste", précise-t-il. "C'est une réforme qui n'est pas à la hauteur, qui est surtout purement comptable et qui fait fi des considérations humaines et sociales."
Son groupe compte faire entendre ses propositions lors de l'examen du texte à l'Assemblée. "Le RN propose une réforme alternative, avec une vision par nombre d'annuités pour prendre en considération ceux qui commencent à travailler tôt, les critères de pénibilité."
Pour Laurence Robert-Dehault, députée de la deuxième circonscription de la Haute-Marne, "ce n'est pas le moment. On a déjà d'énormes problèmes avec la crise énergétique".
"Je pense également que ce n'est pas utile, puisque le Conseil d'orientation des retraites a sorti son dernier rapport dans lequel il montre que le système des retraites est quasiment à l'équilibre. Il faut quand même écouter les organismes, le gouvernement ne peut pas être en électron libre", explique l'élue.
"70% des Français ne veulent pas de la réforme. Ils n'en veulent pas parce qu'ils savent très bien que c'est une réforme qui n'est pas indispensable", ajoute-t-elle. Elle votera donc contre le projet de loi.
50 jours de discussions maximum
Le très contesté projet de réforme, via un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (PLFSSR), a été présenté ce lundi 23 janvier en Conseil des ministres. Le délai total d'examen au Parlement de 50 jours court à partir de la réception de documents par la présidence de l'Assemblée, qui devrait intervenir le 28 janvier pour un démarrage du délai au 29 janvier.
Les députés pourraient entamer les échanges en commission le 30 janvier. Comme attendu, l'examen dans l'hémicycle démarrera le 6 février, et pour neuf jours de séance - le 9 février est une journée réservée à des textes du groupe PS. L'Assemblée nationale aura ainsi jusqu'au 17 février à minuit pour achever la première lecture du texte, soit vingt jours calendaires au total répartis entre commission et hémicycle.
Si les députés n'ont pas voté la réforme dans ce délai, face à l'obstruction annoncée par la gauche, le gouvernement pourra saisir le Sénat de son texte initial, modifié par les amendements votés par l'Assemblée et auxquels il est favorable. Le Sénat dominé par la droite devrait discuter du projet de réforme début mars en séance. Il doit, lui, statuer en quinze jours.
Au total, le délai des cinquante jours s'achèverait donc le 26 mars à minuit. Si le Parlement ne s'est alors pas prononcé, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance par le gouvernement.
(avec AFP)