Confinement : à Sedan, la déprime des supporters du CSSA, "c'était notre sortie du samedi, ça manque"

En pleines restrictions sanitaires, les stades de foot sont vides et les matchs ont lieu sans public depuis plusieurs semaines. À Sedan, Claude Lambert, 72 ans, photographe amateur, est privilégié, il peut encore approcher le CSSA, son équipe préférée, au contraire de nombreux autres supporters. 

Sale temps pour les supporters et fans de football en cette mi-avril 2021 sous pandémie. Les manifestations sportives sont restreintes, les matchs se jouent sans public, et l'ambiance de fête autour de ces rencontres à huis-clos n'est qu'un lointain souvenir. Les supporters suivent à distance la vie de leur club et s'égosillent à chaque match devant leur téléviseur. Les maillots verts et rouges du CSSA (le club de football de Sedan) sont au vestiaires, résultat : 1-0 pour le Covid, après prolongation.

 

À une vingtaine de kilomètres du mythique stade Louis-Dugauguez, Claude Lambert, 72 ans, partage ce même carton rouge, cette même sanction, imposée par le virus du moment. Pourtant, il se considère comme un privilégié. Lui, avec son appareil photo, et son engagement bénévole auprès du club, il peut jouer des coudes désormais avec la presse locale, et approcher au plus près ses joueurs préférés. Il est du bon côté de la barrière lors des entraînements et des rencontres.

 

Ce passionné de la première heure, fidèle à l'équipe ardennaise de foot depuis près de 60 ans, comprend le désarroi des supporters qu'il croise en ville. Sans faire vraiment partie d'un des clubs de supporters locaux, Claude constate cette déprime généralisée parmi ses amis. Au milieu de ses objets collectors aux couleurs du club, dans son salon, il nous confie : " Beaucoup ont payé leur abonnement, alors, à la fin de cette saison particulière, vont-ils être remboursés au vu du quota des matchs assistés, ou vont-ils céder leur abonnement au club qui a des besoins financiers indiscutables ? 

Les plus grands malheureux, ce sont ceux qui sont viscéralement attachés au club, et ceux-là on les a vu dernièrement au match de coupe de France Sedan-Epinal. Ils étaient donc cantonnés à l'extérieur du stade, derrière les grilles, ils mettaient des fumigènes et encourageaient l'équipe alors que le jeu se déroulait à plus de 100 mètres de leur position. Heureusement, Sedan a gagné et les joueurs sont venus à la fin du match près de la grille et là, il y a eu une véritable communion, il y avait des larmes dans les yeux."

Claude rajoute, la voix tremblante :"Autant les joueurs avaient besoin des supporters, autant le public avait besoin de retrouver son équipe".

 

Le coeur vert et rouge

Claude Lambert est en perpétuel échauffement. Son terrain de jeu, c'est sa terre d'Ardenne, il l'arpente quotidiennement, l'appareil photo en bandoulière. Cet hyperactif des réseaux sociaux alimente régulièrement son Facebook avec ses archives étonnantes et ses prises de vues.

 



Une passion aux couleurs de son équipe qui débuta simplement un soir de printemps 1958, alors qu'il n'avait que 10 ans. En fouillant sa boîte de vieilles photos, il nous raconte cette genèse : "Le 4 juin 1958, je suis allé pour la première fois de ma vie voir un match de foot à Sedan, en nocturne, avec mes parents et mon frère aîné. J'étais ébloui, car les joueurs avaient des maillots en satin rouge".

Depuis ce temps là, j'ai du sang vert et rouge qui coule dans mes veines, j'ai eu le déclic, et j'ai vu des centaines de matchs depuis.

Claude Lambert, photographe supporter du CSSA Sedan. Ardennes

"J'ai eu ma carte de presse lorsque je suis rentré au journal L'Ardennais, ensuite, je suis devenu correspondant pour le journal L'Equipe, Nice Matin, Ouest-France, et cela m'a permis de monter à la tribune presse et, avec ma passion de la photo, en 2000, j'ai eu l'autorisation du président du CSSA à l'époque de rester sur le bord du terrain."

 

De sa place privilégiée, Claude mesure la déprime de ses amis supporters aujourd'hui. Il aura fait des milliers de photos des belles travées dans le stade, grouillant de fans tempétueux les jours de grands matchs, ces forêts de drapeaux bi-colores, et ces banderoles agitées à bout de bras sous les invectives et les chants des kops surexcités. Ces beaux moments de partage et de joie d'un autre temps ont également un un goût de regrets pour Catherine Ferry, la présidente du KOP Vert et Rouge.

 

On le vit très mal ! C'était notre sortie du samedi en général, la rencontre avec les amis, le fait de boire un verre ensemble, tout ça, ça manque !

Catherine Ferry, présidente du Kop Vert et Rouge. Sedan.

 

Catherine, 57 ans, ouvrière dans une usine de la ville et fidèle au CSSA Sedan depuis 1990, jette un regard critique sur cette situation navrante. Elle poursuit : "Pour suivre les matchs on a qu'internet pour l'instant et la télévision. C'est compliqué, même aux entraînements, on ne pas assister. On ne peut plus faire les déplacements, les voyages en bus, faire la fête tous ensemble".

 

"Par exemple, pour le dernier match de coupe de France contre Angers, on avait prévu de déployer notre tifo des 20 ans du club, ( une énorme bâche aux couleurs du CSSA, tendue par des centaines de personnes ), mais avec le confinement et le périmètre des 10 km, on n'a pas réussi à s'organiser. On devait le fixer dans la tribune pour marquer notre présence, tout est annulé. 

Heureusement, on se remonte le moral entre nous sur Facebook, le Kop, c'est une famille, on a hâte de se retrouver, on est loin les uns des autres. Le calendrier des matchs est incertain. On n'a joué que trois matchs à domicile sur les 15 prévus. On se demande même si on va reprendre un abonnement à 80 euros l'année prochaine si la pandémie continue".

 

Retour dans les gradins


Catherine et Claude ont certainement en ce moment chacun un œil sur les résultats de leur équipe, et un œil sur les résultats des taux d'incidence et de positivité du Covid dans le département des Ardennes. En attendant un allègement des restrictions sanitaires et un retour à la normale au quotidien, chacun rêve en vert et rouge.

Claude Lambert se languit de ne pouvoir, pour l'instant, concrétiser son musée du sport et mettre ainsi en lumière ses milliers d'objets foot et ses précieuses archives. Il cherche de bonnes âmes pour l'aider à faire de son association "Le vestiaire Carolo, mémoire du sport ardennais", une réalité prochainement.

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