Le confinement inquiète le fabricant français des jeux de société traditionnels Ferriot Cric, installé dans l'Aube. Des craintes partagées également par des petits localiers qui conçoivent, eux-mêmes, leurs jeux comme Claire et Pierre Editions qui démarchent dans la Marne, l'Aisne et l'Oise.
Faites vos jeux, rien ne va plus. C'est l'état d'esprit de Stéphane Ferriot, fabricant de jeux de société, qui estime que le gouvernement mise sur des mesures drastiques qui mettent à mal l'industrie du jouet et du jeu.
Le chef d'entreprise de Ferriot Cric, installé dans l'Aube à Mussy-sur-Seine, ne cache pas sa lassitude. Cette année aura été, une année, bien compliquée, lui qui emploie une trentaine de personnes. Durant le premier confinement, il a été contraint de fermer durant trois semaines. Le gouvernement mise sur une série de mesures barrières, mais là, la roulette s'arrête sur une combinaison improbable.
"Stopper la vente du jouet est une catastrophe pour les créateurs et fabricants de jouets mais aussi pour les distributeurs" explique Stéphane. Ces semaines, avec son équipe, il a dû les rattraper en doublant la cadence. "C'est compliqué de courir après le temps, nous avons perdu ces trois semaines et nous ne pourront pas les rattraper". Bon an, mal an, il parviendra à satisfaire toutes les commandes.
La société Ferriot Cric fabrique sur-mesure et à la demande des jeux de société. Fondée en 1929, l'entreprise familiale est aujourd’hui le leader français avec une production annuelle de 600.000 jeux, 100 % made in France. Son savoir-faire est multiple et célèbre comme la fameuse malette de jeux de société, composée de jeux chers à notre enfance comme: le jeu de l’oie, un jeu de 54 cartes, les petits chevaux, les dominos, le jeu de nain jaune, ou encore le jeu de dames.
Le frère de Stéphane Ferriot conçoit aussi beaucoup de nouveaux jeux comme cette gamme consacrée à la découverte de la France ou des pays du monde.
Autre point fort : ses jeux de magie, jeux de plateaux ou encore de cartes. La société ne fait pas de vente directe aux consommateurs, mais les produits sont disponibles dans les magasins spécialisés et les grandes enseignes. "Si les magasins n'ouvrent pas avant le 1er décembre, c'est une vraie catastrophe" avertit Stéphane.
Un noël en berne : y aura-t-il suffisamment de jeux et de jouets vendus avec ce confinement se demandent les fabricants de jeux dans l'Aube et la Marne ? Pour Stéphane, c'est une crise inédite. Cela lui rappelle les années difficiles, derrière lui, quand il a vu sa société mise à mal quand la concurrence du jeu vidéo est arrivée sur le marché.
"Noël, c'est 70 % de notre chiffre d'affaires. Même si nous avons pu livrer tous nos distributeurs, le risque, c'est que s'ils n'en vendent pas assez, ils en commanderont moins en 2021 pour pouvoir liquider leurs stocks " avance Stéphane. "Le gouvernement n'a pas l'air de réaliser qu'en enlevant un domino, ce sont tous les autres dominos qui tombent en cascade" assène-t-il. D'autant, que pour le fabricant, si on veut permettre de mettre un jeu sous le sapin, il vaut mieux pouvoir le choisir en rayon. Selon lui, "on peut toujours commander en ligne et venir le récupérer en drive ou en click&collect, mais on risque de perdre une clientèle qui pourrait être attirée par un produit découvert en rayon et pas forcément visible sur un catalogue", regrette-t-il.
Ouvrir avant le 1er décembre
Ferriot cric est également éditeur de jeux de sociétés. Le fabricant réalise les produits des créateurs de jeux. Là encore, le fabricant alerte sur les conséquences d'un tel manque à gagner pour eux. Pour Stéphane Ferriot, il y a urgence à ouvrir pour à partir de la dernière semaine de novembre." Déjà pour éviter une cohue à partir de début décembre et permettre aux magasins d'accueillir les clients dans de bonnes conditions " prévient-il.Et une date très importante inquiète les commerçants : celle du 27 novembre avec le black friday. C'est une journée primordiale pour le chiffre d'affaires. "C'est un jour, très attendu avant les fêtes, justement pour acheter un cadeau à un prix très attractif, mais comment gérer un tel événement avec les mesures sanitaires", reconnaît Stéphane.
Là encore, c'est le E-commerce et les géants d'Internet qui vont se faire une part belle du gâteau si les commerçants ne peuvent pas ouvrir, conclut Stéphane.
Un sentiment partagé par Claire et Pierre, créateurs de jeux de société. Anciens élèves du lycée Jean-Jaurès à Reims, Claire et Pierre s'installent ensemble et créent, seuls, un jeu de société, baptisé le Lapin Bleu.
Le jeu reprend en partie le principe du jeu de l'oie, et sortira des lignes de production de Ferriot Cric. Ce premier essai est un vrai succès, Claire et Pierre Editions existent. Claire et Pierre éditions est le fruit de la rencontre d’un plasticien (Pierre) et d’une professeure des écoles (Claire).
"Animés par une passion commune pour la création artistique et l’éducation, nous avons décidé de mutualiser nos savoir-faire afin de créer de beaux produits à destination des petits. Nous créons et fabriquons des jeux de société dont nous concevons toutes les illustrations" racontent les protagonistes. Après Le Lapin Bleu, sorti en 2012, Claire Dubos et Pierre Momeux ont crée pas moins de quatre autres jeux de société à destination de toute la famille. Des jeux aussi ludiques qu'esthétiques et fabriqués en France.
Le couple avait même commencé à faire fabriquer leurs jeux par Ferriot Cric, mais étant donné leur petite taille comme structure, Pierre décide de commander, partout en France, boîtes et cartonnages, et de rassembler le tout chez lui. "Nous sommes des petits créateurs, et nous ne pouvions pas liquider ni vendre près de 1 000 exemplaires sortis d'une usine de fabrication qui produit à grande échelle" reconnaît Pierre.
Le couple a aussi créé une petite dizaine de jeux de sociétés, à l'attention des scolaires, mais là encore Pierre a été obligé d'arrêter ses déplacements pour respecter les protocoles sanitaires mis en place dans les établissements. "Pour éviter d'être un agent infectieux, j'ai décidé de suspendre mes déplacements surtout que la première alerte a été donnée dans l'Oise où je vais" confie Pierre qui se déplace aussi dans les écoles dans la marne et dans l'Aisne.
Aujourd'hui, le couple, est installé à la frontière de la Marne, dans l'Aisne, à Neufchâtel-sur-Aisne et cela leur permet de pouvoir atteindre trois départements transfrontaliers pour continuer à se faire connaître. Compte tenu de la situation sanitaire et du confinement, le couple est inquiet, car la vente de leurs jeux de société est arrêtée ainsi que leur nouvelle activité. Le couple a investi dans un domaine pour accueillir des chambres d'hôtes. " Je suis à l'arrêt aussi bien pour me rendre dans les établissements et faire connaître mes jeux et notre activité d'hébergement est également arrêté, mais on garde le moral et j'en profite pour réaliser des travaux et passer du temps avec ma fille" confie Pierre.
"Nous tenons bon tout de même, et comptons bien reprendre la vente dès que les rouages du monde seront mieux huilés, et fêter le déconfinement dans notre maison d'hôte qui se situe au Nord de Reims", annonce Pierre optimiste. Du coup, Pierre a aussi du temps pour concevoir de nouveaux jeux. "Heureusement, que je commande en France mes boîtes et mon cartonnage, il n'y a pas de retard de livraisons" précise Pierre.
Des retards que certains clients ne veulent plus subir. La première vague du confinement a eu un retour bénéfique pour Stéphane. "Après le déconfinement en mai, nous avons reçu beaucoup d'appels de créateurs de jeux qui ne voulaient plus produire à l'étranger" se réjouit tout de même Stéphane qui mise sur l'arrivée de nouveaux clients pour supporter financièrement 2021.
Le made in France pourrait être le grand gagnant de cette crise sanitaire.