Faire les courses pendant le confinement n’a pas été une mince affaire. A Dingsheim, tout le monde s’est mobilisé pour assurer ce service aux habitants. Changer les habitudes durablement, un des défis de l'après covid. C’est le thème de cette semaine.
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Il est bientôt 5 heures à Dingsheim dans le Bas-Rhin, (pas sur Souffel) et pas un chat. Au loin déjà, les premières lueurs du jour. Nous nous hâtons de tourner quelques images de nuit du village. Rue neuve, on entend les premiers oiseaux. Et de charmants croassements de batraciens.
Le boulanger a déjà assuré l’essentiel de la production du jour. Il nous accueille en façonnant les dernières baguettes. Olivier Arbogast est installé depuis une dizaine d'années à Griesheim-sur-Souffel, à 200 mètres à peine de Dingsheim, et il est encore étonné des réactions provoquées par le confinement. « Les deux derniers jours avant le confinement, c’était de la folie ! C’était même pire qu’à Noël », se souvient-il.
« Les gens se battaient pour avoir du pain, moi je n’arrivais même plus à suivre, il y a des gens qui venaient de partout, je pense qu’il n’y avait plus de pain dans les autres boulangeries ». L’artisan avoue n’avoir jamais vu un tel phénomène dans sa vie, et il a tenu à répondre présent pour les clients : « Comme on dit, il faut nourrir la population, c’est un peu une mission ».
Même s’il « bosse un peu plus qu’avant », Olivier Arbogast note déjà un retour aux habitudes d’avant le confinement. Il vend de nouveau des sandwichs aux ouvriers qui ont repris le travail.
L’heure avance et l’une des vendeuses de la boulangerie arrive. Claudine doit s’occuper de « la mise en place » : ranger tous les pains, installer les étiquettes, préparer son poste de travail. Quand elle ouvre le magasin à 6 heures, il ne s’écoule que quelques minutes avant que les premiers clients arrivent. Depuis la mi-mars, ils ont pris l’habitude des nouvelles règles sanitaires : sens de circulation, respect des distances. S’ils farfouillent dans leur porte-monnaie à la recherche de quelques pièces, Claudine leur suggère un paiement sans contact avec un joli sourire et ils ne peuvent pas refuser.
A l’extérieur, le soleil est déjà haut même s’il est à peine 7 heures. Un gros lièvre détale alors que nous suivons la camionnette de Sébastien Klein dans les champs à l’extérieur du village. « C’est pour ça qu’on a mis des filets autour des salades », explique l’agriculteur. « Il y en a deux ou trois, ils sont là tous les jours ».
Sébastien Klein est le maraîcher de "Tradition fermière", l'une des fermes de Griesheim-sur-Souffel. Avec son frère Laurent et sa sœur Marie-Hélène, ils ont repris l’exploitation des parents, et depuis plus de 25 ans, ils la développent, tout en gardant l’esprit familial. En cette période, de nombreux légumes sont prêts : carotte, rhubarbe, salade, radis...
Sébastien remplit ses cagettes de feuilles de chêne : « Le confinement, on l’a ressenti au magasin mais aussi dans les champs, pour assurer davantage en récolte ». Le maraîcher s’estime chanceux, car l’exploitation travaille essentiellement avec des salariés à l'année. « Nous, on n’a pas eu de problème de main d’œuvre, contrairement aux autres producteurs qui ont des cultures nécessitant énormément de bras, comme les asperges ou les fraises », explique Sébastien. « On a juste eu un saisonnier en février, mais comme il ne pouvait pas repartir, il est toujours là ».
Un peu plus loin, des bourdons volent de fleur en fleur dans les serres. Marie-Hélène Klein passe de framboisier en framboisier pour remplir les barquettes d'appétissantes baies rouges. « N’hésitez pas à les goûter ! », sourit-elle.
Mais la fille de la fratrie s’occupe en particulier de la partie vente. Dès qu’elle arrive au magasin, elle installe les barquettes à l’entrée de la petite boutique. Celui-ci s’étire sur trois salles : les clients entrent par les fruits et légumes, produits par l’exploitation. Ensuite, l’espace boucherie-charcuterie, également issue du travail de la ferme. Enfin, des productions d’Alsace sont proposées dans des frigos, ainsi que l’épicerie (farines, confitures, infusions, conserves, condiments... )
Ce jour-là, il est environ 10 heures, et les clients arrivent les uns après les autres, créant une petite file d’attente. Ici aussi, ils se sont appropriés le protocole. Ils attendent patiemment à l’extérieur de l’espace de vente qu'une personne ait quitté les lieux avant d’entrer. « Pendant le confinement, il y avait la queue presque jusqu’à la rue », se souvient Patrick Bollack, un nouveau client de la ferme. Cet habitant de Griesheim-sur-Souffel connaissait Tradition fermière, mais il ne venait pas y faire ses courses : « J’ai redécouvert le magasin pendant le confinement », explique-t-il, réjoui. Et il a changé ses habitudes de consommation : « C’est sympa, tout est frais, maintenant, quand j’ai besoin de quelque chose, je viens ici, même si je continue à aller en grandes surfaces pour certaines choses ».
Patrick Igel, lui, est un habitué : « Moi je venais déjà avant le confinement, et j’ai continué pendant à venir une fois par semaine, même s’il y avait souvent 15 personnes devant vous quand vous arriviez. Je pense que cet engouement était dû à la peur qu’inspiraient les grandes surfaces en termes de sécurité. Ici, les distances sont respectées, on se sent plus en sécurité », analyse cet habitant de Dingsheim.
Marie-Hélène Klein a observé des changements dans sa clientèle : « On a eu de nouveaux clients. Des gens qui ne connaissaient pas et qui veulent revenir aux produits locaux bien que cela fasse 35 ans qu’on est là [ndlr : ce sont les parents de la fratrie qui ont créé la ferme]. » Pour la suite, c’est encore l’incertitude, et l’agricultrice n’a pas les réponses à ses questions : « Est-ce que tout cela va changer durablement les habitudes ? Je ne sais pas, je l’espère. C’est le temps qui nous le dira, mais une fois que les gens reprendront le travail, les habitudes vont forcément de nouveau changer. En tout cas, cela a créé de la solidarité dans le village, des gens qui allaient faire les courses pour les personnes de leur entourage. »
Il était inconcevable de laisser tomber nos clients -Marie Hélène, Tradition Fermière
La solidarité existait déjà dans le village avant le confinement. Mais la situation inédite l’a encore renforcée. Nous grimpons dans la camionnette électrique de Marie Hélène pour livrer Monsieur Walter : « Pour nous, il était inconcevable de laisser tomber nos clients qui viennent depuis des années. Même chose pour les personnes âgées du village. C’est normal, c’est naturel pour nous de leur emmener ce qu’ils ne peuvent plus venir chercher chez nous. Ce sont des personnes qui ne sortent quasiment pas. Le fait de voir des têtes connues, des produits connus, ça les rassure aussi quelque part. »
Nous croisons la camionnette d’Intermarché. Elle assure les livraisons des produits alimentaires à une dizaine de personnes âgées de la commune. Une initiative de la mairie : « Dès le lendemain de l’annonce du confinement par Emmanuel Macron, nous avons dressé la liste de toutes les personnes âgées du village et très vite est apparu le souci des courses, c’était une vraie angoisse pour certains », explique Andrée Briffoteau, adjointe au maire à Dingsheim.
Les services municipaux ont téléphoné à l’ensemble des 200 personnes de plus de 75 ans. La plupart se sont organisées avec leurs proches, leurs voisins pour s’approvisionner. « Mais pour une dizaine de foyers, c’était très important qu’on organise quelque chose. Presque vital. Alors nous avons contacté le supermarché le plus proche qui a accepté de rendre ce service aux personnes les plus fragiles, les plus vulnérables, en fait à toutes les personnes à qui nous avons conseillé de ne pas se déplacer pour qu’elles restent confinées, c’était notre préoccupation. »
C’est le cas de Pierre Tardivaud et de son épouse Françoise, l’ancienne institutrice du village qui nous avait raconté ses souvenirs d’école lors du précédent épisode. « Nous avions décidé de rester confinés, de ne pas sortir, mon mari ayant le cœur un peu fragile. Bien qu’ayant une fille qui habite à proximité, nous avons choisi cette option proposée par la mairie, cela soulage également ma fille », explique Françoise. « Le patron vient lui-même et il est charmant ce qui ne gâche rien », ajoute-t-elle. « Cela nous a beaucoup aidé pendant cette période », conclut l'ancienne maîtresse.
Le service a fonctionné pour quatre communes du secteur. « On a livré une centaine de personnes gratuitement au total », poursuit Alain Meyer, le (charmant) directeur de l’Intermarché. « On le fait gratuitement parce que là, les gens ont besoin de nous, c’est tout », résume-t-il.
Ce service gratuit se termine tout doucement, signe que la vie reprend son rythme habituel. Chez Tradition fermière, la file d’attente est moins longue mais pour l’instant elle est toujours là, même en semaine. Chez le boulanger, les horaires de la période de confinement restent d’actualité en cette mi-mai. Nous reviendrons dans quelques jours à Dingsheim, juste à côté de Griesheim-sur-Souffel, rencontrer les membres des associations, alors qu’ils s’apprêtent à reprendre leurs activités.
Voici le troisième épisode du feuilleton de déconfinement à Dingsheim
Les précédents épisodes à revoir ou/et à relire par ici :
Déconfinement à Dingsheim, le making-off du troisième épisode en diaporama
Tournage, interviews, montage... Le temps passe vite et nous en sommes déjà au troisième épisode avec les habitants de Dingsheim et de Griesheim-sur-Souffel au rythme du déconfinement. Comme "d'habitude", nous partageons avec vous quelques images de notre travail. A faire défiler !
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