Le bras de fer se poursuit entre les syndicats et la direction du site de Florange. ArcelorMittal veut redémarrer ses lignes de production d’acier mercredi 25, les syndicats en appellent au préfet et à l’État pour l'en empêcher. 11 cas de contamination ce 24 mars.
Chaque jour, un nom s’ajoute à la liste. Après le premier cas avéré d’une salariée des Grands Bureaux le 4 mars, les organisations syndicales apprenaient mercredi 18 mars qu’un sidérurgiste de l’étamage était en réanimation. Agé de 40 ans, son cas était jugé sérieux. Depuis, d’après nos informations, au 24 mars on dénombrerait 11 cas de contamination sur un effectif total de 2.300 personnes. Sur les 11 cas, 10 seraient des sidérurgistes affectés directement à la production, deux à la cokerie, un au train à chaud, un au transport fer, trois au packaging (tôle pour emballage) et trois au laminage à froid. Malgré la gravité de la situation sanitaire et alors que la plupart des industries lorraines sont à l'arrêt, la direction du site a annoncé aux organisations syndicales ce matin qu'elle entendait redémarrer ses lignes demain mercredi 25 à 13 heures, pour le poste d'après-midi.
Danger grave et imminent
Un droit d'alerte pour danger grave et imminent (DGI) a été déposé par la CGT vendredi 20 mars dernier auprès de l’inspection du travail, pour empêcher tout redémarrage à Florange. Le syndicat estime qu’à ce jour, l’entreprise n’a pas mis en place toutes les mesures nécessaires afin de préserver la santé des sidérurgistes, il juge même "aberrantes les propositions de protection à base de javel et de cellophane".Après avoir cédé aux organisations syndicales la semaine dernière, mercredi 18, en annonçant l’arrêt de toutes les lignes de production à l’exception de la cokerie qui doit être maintenue en veille, ainsi que la sûreté industrielle qui se doit d’être opérationnelle en permanence, la direction était revenue sur sa décision le lendemain. Jeudi 19 mars, elle annonçait vouloir redémarrer partiellement lundi 23.
Appelés à se prononcer sur la levée de la DGI déposée par le CGT, toutes les organisations syndicales ont voté contre, à l'exception de la CFE-CGC qui s'est abstenue. "La direction tente de passer en force" explique Jérôme Baron, délégué syndical CFDT (majoritaire).
Lors du CSE, la direction du site a confirmé cinq cas de contamination, et soixantes salariés confinés "avec de fortes suspicions". La communication du site précise qu'elle a mis a point un protocole sanitaire complet, avec une mode opératoire détaillé pour l'ensemble des postes. Ce mode opératoire, à la fois opérationnel et tutorial, doit être "testé d'avoir sur une petite ligne de production, avec une petite équipe" afin de vérifier qu'il est conforme aux attentes sanitaires. C'est seulement une fois ces tests validés que la direction envisagerait de relancer une partie de la production... qui serait demain mercredi 25 mars !
Passage en force
"Inadmissible" poursuit Jérôme Baron, "rien de ce que nous avons demandé n'a été pris en compte par la direction, nous voulions des prises de température en début de poste, des tests pour sécuriser les agents, mais en vain". Le secrétaire-adjoint de la section ajoute que "dans la sidérurgie il est très difficile de respecter certains gestes barrières, il y a du bruit, on s'entend mal et donc on a tendance à se rapprocher, idem dans les cabines où on bosse, on est très près les uns des autres". Pour les organisations syndicales qui ont refusé la levée de la DGI, comme la CGT "la direction se livre à un chantage terrible : elle nous menace de fermeture en nous disant que si nous ne redémarrons pas, d'autres prendront nos commandes, et que des choix industriels dans le groupe pourraient placer Florange en situation défavorable".Si la position initiale de la direction était compréhensible sur le plan industriel, à savoir redémarrer les lignes qui produisent de la tôle d'emballage pour l'agro-alimentaire, personne ne comprend désormais pourquoi elle entend également laminer de la tôle pour l'industrie automobile, largement à l'arrêt dans toute l'Europe. "Notre chef d'établissement a la tête dans l'étau de sa direction parisienne, qui le pousse à redémarrer coûte que coûte" estime la CGT.