Après de longues semaines d’incertitude et quasiment de désespoir pour certains horticulteurs alsaciens, la vente des fleurs, légumes et autres végétaux a repris, plus fort que jamais.
« Les clients viennent en nombre, on sent qu’ils étaient impatients de revenir et nous sommes très heureux de les accueillir ! » Sophie Friess, la responsable des végétaux à la jardinerie Issler de Vendenheim (Bas-Rhin), ne boude pas son plaisir. « Ils sont au rendez-vous à 100 %, je dirais même à 200 % ! Par moments nous sommes submergés et manquons de temps pour les accueillir aussi bien qu'on aimerait le faire ».
Tous les services de la jardinerie ne sont pourtant pas encore ouverts. Les fleurs à la coupe et le rempotage ne permettant pas un strict respect des distanciations, ce sera pour plus tard. Mais pour tout le reste du magasin, la demande est déjà très forte.
En tête des ventes, les plants de légumes et les fleurs
Le constat est clair pour la responsable des ventes d’Issler, les légumes et aromatiques arrivent en tête, avec 80% des achats, depuis la fin du confinement. En deuxième position, se trouvent les fleurs et les arbustes fruitiers. Car oui, il est encore temps de planter. « Autrefois, on commençait seulement les plantations après les Saints de glace. Si le sol est tempéré et les nuits pas trop fraîches, ça ira très bien » précise Sophie Friess.« Cette année, les achats sont beaucoup plus tournés vers les légumes, les aromatiques et les arbustes fruitiers, en fait tout ce qui se plante et se mange. Nous avons aussi vendu beaucoup de terreau, car avec ce confinement, énormément de personnes optent pour des bacs à installer sur leur terrasse, de sorte à avoir une petite production personnelle à portée de main. Une façon sans doute d'être dorénavant plus autonome. C'est probablement aussi une projection vers l'été, où ils resteront peut-être plus à la maison, faute de pouvoir voyager."
"Les terrasses et les jardins sont les première lieux d'évasion, quand on ne peut pas aller plus loin »-Sophie Friess, reponsable végétaux/ Jardins Issler
Même constat chez Thierry Schmitt, producteur à Niederroedern, dans le nord de l'Alsace. Depuis la réouverture, ses clients se tournent d'abord vers les plants de légumes, puis les aromatiques et les fleurs. « Les clients sont de retour et ça se passe très bien. Ceux qui ont un potager, un jardin ou une terrasse ont tendance à acheter plus de plants que les autres années. Quant aux fleurs, ça ne pouvait pas mieux se passer. Les gens veulent embellir et fleurir leur environnement. »
"C'est flagrant, les clients achètent plus de plants de légumes que d'habitude. Ils pensent sans doute à l'été, où ils ne sont pas encore sûrs de partir en vacances."-Thierry Schmitt, producteur de plants de légumes et fleurs à Niederroedern (67)
Jardin et balcon, de petits îlot de bien-être ...avec des plants locaux
L'incertitude planant encore sur le droit d'évasion estival, personne n'est tout à fait sûr de pouvoir retrouver son coin de vacances préféré ou de fouler le sable de sa plage de prédilection. Alors certains se préparent un petit coin de verdure, avec des légumes à cueillir tout frais, des herbes pour les salades et des fleurs pour la beauté. « Je sens qu’ils sont prêts à dépenser un peu plus que les autres années. Pour nous, c'est important que la reprise se passe aussi bien ». L'attrait des consommateurs pour les produits locaux était déjà largement enclenché, avant la crise sanitaire. Mais ces producteurs de fruitiers, légumes et fleurs sont aux premières loges pour constater un renforcement de cette tendance: "Nos clients ont visiblement attendu la réouverture de nos magasins et de nos serres. Ils ne se sont pas rués sur les produits des super-et hypermarchés. Ils ont un vrai besoin de retour à la nature et sont en recherche d'authenticité. Le local est même presque plus fort encore que le bio." estime la responsable des ventes de l'entreprise Issler. Les légumes bas-rhinois, haut-rhinois et un peu de nos voisins lorrains ont donc la cote dans cette jardinerie. La pousse des fraisiers et framboisiers servirait même de support pédagogique à certains parents, devenus enseignants pendant le confinement.
Les problèmes économiques ne sont pas oubliés, loin de là
Au mois de mars dernier, Thierry Schmitt avait dû jeter de grandes quantités de fleurs de printemps, leur vente étant interdite.Il était désespéré de devoir détruire sa production, une perte de 100.000 euros à ce moment-là, rien que pour les fleurs. « Avec les accessoires et contenants, la somme grimpe bien au-delà. » déplore-t-il. Contrairement aux jardineries, autorisées à ouvrir tous leurs rayons depuis le 6 avril, les horticulteurs et les pépiniéristes sont restés pour la plupart fermés durant l'ensemble de la période de confinement.Les aides de l'Etat, de la Région ou du département ? Ça le fait rire. « Moi, je n’ai encore rien vu venir, et honnêtement, je ne sais pas si j’aurais quelque chose. La fédération des horticulteurs nous a demandé de remplir des tas de documents avec nos pertes chiffrées, mais on ne sait pas ce qu'il va en sortir ».
Chez Thierry Schmitt, tous les employés ont continué à travailler pendant le confinement. D'abord, il a fallu jeter les productions printanières perdues et ensuite mettre en place, sans certitude, la production des fleurs estivales. "J'ai des employés courageux qui ont continué à venir, car les cultures, c'est du vivant." Désormais, les fleurs d'été, choyées par ses équipes, sont toutes prêtes à la vente : les géraniums, les bégonias, les surfinias, les verveines des jardins et les plantes à massif comme les oeillets d'Inde, les anthémis, les solanums. Le choix est abondant, au grand bonheur des clients, de retour depuis le 11 mai.
A Vendenheim, derrière les portes closes au public, le travail a également continué. "Nous avons sauvé 90% de nos cultures sous serres. Les employés sont venus tous les jours pour les entretenir, les arroser, les bichonner." Quant aux fleurs comme les primevères, les pensées et les pâquerettes, ils les ont sortis sur le parking, placé à bonnes distances les uns des autres et ceux qui passaient par là ont pu se servir. "On n'avait pas fait de pub, mais quand on revenait, il n'y avait plus rien, donc le bouche à oreilles a dû bien fonctionner" dit Sophie Friess, un sourire dans la voix.