Route 67 vous emmène à Dettwiller. Il y a moins d’un siècle, cette ville était la capitale française de la fabrication de chaussures. Aujourd'hui, il ne reste que des friches de ce passé flamboyant, mais des retraités récupèrent les vestiges de cette époque pour créer un musée de la chaussure.
Une fois par semaine, l'ancienne usine n°5 d'Adidas reprend vie. Bien qu’elle soit à l’abandon depuis 23 ans, elle est devenue un véritable terrain jeu pour des jeunes retraités de Dettwiller.
Ces personnes sont membres du « club du patrimoine de Dettwiller » et sont des passionnés d'histoire industrielle. Ils sont une dizaine à s’affairer sur les machines de l’usine désaffectée. « Des fois, on n’a pas toutes les pièces [d’une machine] alors on en récupère qur une deuxième, explique Henri Juchs, qui a travaillé 14 ans en tant que mécanicien dans les usines de chaussures de Dettwiller.
Aujourd'hui, Henri Fuch a en charge une centaine d'engins, récupérés dans les anciennes usines et autant de casse-têtes à résoudre. « C’est un plaisir, une fierté, confie-t-il. C’est mon métier. Ça fait longtemps que je n’avais pas travaillé, ça me remet dans les bottes ! »
La Stan Smith, un mythe conçu à Dettwiller
Dans leurs bottes et dans leurs baskets. Werner Alvin est l’un des créateurs de la première paire de tennis : la mythique Stan Smith, avec ses 70 millions de paires vendues dans le monde. Elle fut produite notamment à Dettwiller et imaginée par M. Alvin en 1963.« On m’avait demandé de fabriquer une tennis en cuir pour Adidas, se souvient le collectionneur octogénaire. Jusqu’à ce moment, on avait que des Adidas avec des trois bandes, mais il ne fallait pas que je les fasse apparaître… Alors on a mis les trous d’aération à leur place »
De la première usine ouverte en 1862 à la dernière fermée en 1996, beaucoup d’histoires de chaussures sont nées à Dettwiller. Au plus fort, la ville comptait plus de quinze fabriques de chaussures, employant jusqu'à 900 ouvriers.
Une mémoire industrielle à faire perdurer
Alfred Kleitz, président du club, tente d’expliquer cette implantation de l’industrie de la chaussure dans cette ville du Bas-Rhin. À l’origine, « On n’avait pas vraiment de tannerie à Dettwiller. Mais un ouvrier a dû commencer à fabriquer des chaussures, a développé son affaire, suivi par d’autres. »Du plein emploi aux crises économiques, Dettwiller a suivi la marche du XXe siècle, jusqu'aux délocalisations des années 1990.
De cette époque, il ne reste que le surnom des habitants de Dettwiller : les Bachknippe, les lames de cordonnier. Et bien sûr, ces vestiges récoltés par nos retraités depuis 20 ans sont un patrimoine qui - ils l'espèrent - fera l'objet d'un musée.