L’usine historique de Chantelle, à Epernay, dans la Marne, met son savoir-faire au service de jeunes créateurs. Avec cette nouvelle activité de sous-traitance, le groupe de lingerie espère relancer la filière.

D’ordinaire, les opératrices de l’usine d’Epernay fabriquent des sous-vêtements féminins. Mais depuis quelques mois, ce sont des dessous masculins qu’elles ont entre les mains. Une grande première.

Florence Romagny a 40 ans de métier. Avec sa machine, elle fait des points d’arrêt, elle ferme les fonds, dernière étape avant que le caleçon ne soit fini. " C’est la première fois que je confectionne des boxers pour hommes " s’amuse-t-elle, " ça change un peu de ce qu’on fait d’habitude, on évolue, ça nous fait du travail, c’est plutôt bon signe. " Pour cette petite série de plusieurs centaines de pièces, le Slip Français, qui valorise le circuit court et le Made in France, a fait appel à Chantelle.

 

 

La corseterie : un savoir-faire en voie de disparition

Quand Florence a commencé sa carrière, ils étaient 250 salariés. Aujourd’hui, ils sont moins d’une centaine. Des femmes à 95 %. Des opératrices avec un savoir-faire unique. Mais le marché de la lingerie connaît des hauts et des bas. La tendance est au No Bra (comprenez : pas de soutien-gorge). La corseterie est en voie de disparition. Pour conserver cette expertise, mais aussi les emplois, le groupe s’est lancé, depuis peu, dans la sous-traitance. Un défi un peu culotté pour le groupe français, né, en 1876, dans l’Aube, à Romilly-sur-Seine.

 

Nos opératrices ont en moyenne 25-30 ans d’ancienneté. Quand ce projet de sous-traitance sera abouti, on espère recruter

Stephan Rigot, directeur de l’usine Chantelle d'Epernay

Chantelle regroupe six sous-marques : Chantelle bien sûr, mais aussi Passionata, Chantal Thomass, Darjeeling, Femilet et Livera. Leur clientèle est féminine avec une moyenne d’âge autour de 40 - 50 ans.

En accompagnant ces jeunes créateurs, l’entreprise familiale espère rajeunir son image, susciter des vocations et recruter. " Nos opératrices ont en moyenne 25-30 ans d’ancienneté. C’est pour nous, un moyen de préparer l’avenir, l’envie est là, quand ? Pas tout de suite, mais à moyen terme, quand ce projet de sous-traitance sera abouti ", précise Stephan Rigot, le directeur de l’usine sparnacienne.

Epernay est le premier site de production du groupe. Il a été créé en 1962. L’usine s’est spécialisée dans le développement de produits. Ici, on peaufine les prototypes. Une fois validés par le siège, la fabrication en grande série est réalisée à l’étranger, en Asie et au Maghreb, dans les autres usines du groupe. Avec la sous-traitance, la marque, d’une certaine manière, relocalise son activité.

Des culottes à frous-frous made in France

Actuellement, le site marnais est en contact avec une vingtaine de créateurs. Marine Neuilly est la première cliente du groupe. Elle a rencontré les dirigeants de Chantelle, il y a un an, lors d’un salon. De là, est née cette idée de collaboration. Avec sa marque " La Chatte de Françoise ", elle propose des culottes modernes, sexy, à frous-frous. De quoi faire sourire Régine Saucet, opératrice depuis 38 ans, " ce sont des produits rigolos, mais ce ne sont pas des choses que moi, je porterais vu mon âge. "

Un partenariat gagnant-gagnant. D’un côté, l’entreprise de lingerie apporte son expertise, de l’autre, Marine amène sa fraîcheur, son sens de la communication, du marketing. Cette trentenaire, DJ, confectionnait déjà des sous-vêtements, mais grâce aux ouvrières d’Epernay elle peut produire plus. Environ 300 pièces ont, pour l’instant, été réalisées. D’autres projets sont déjà en cours. Pour les matières premières, la créatrice puise dans les stocks de tissus de Chantelle et recycle « plutôt que de jeter ces rouleaux qui datent, on donne une seconde vie aux produits. »

 

"Avec les marques externes, tout en partageant, on apprend un nouveau métier"

Cette nouvelle activité de sous-traitance bouscule aussi les habitudes. Certaines matières donnent du fil à retordre aux ouvrières comme les bas en satin de Marine. " Cela peut nous causer quelques soucis " concède Sabine Maugery, responsable confection des marques externes et internes chez Chantelle, à Epernay. " C’est un petit challenge, ça nous sort de notre zone de confort, ça évite de nous reposer sur nos acquis. C’est ce qui est super avec cette expérience avec les marques externes, tout en partageant, on apprend de nouvelles choses, un nouveau métier. "

Laurence Lenel, opératrice depuis 26 ans, aussi, est très enthousiaste. " Avec la crise du Covid, c’est un peu compliqué, en ce moment. On aimerait bien que ça marche avec ces nouvelles marques. Si par la suite, ils peuvent embaucher et avoir des quantités plus importantes, ce serait bénéfique, pour nous."  

 

Chantelle One : premier soutien-gorge recyclable

Laurence, Florence, Régine sont toutes très attachées à leur profession. Elles sont une quarantaine d’opératrices. Elles confectionnent les sous-vêtements de A à Z. Un soutien-gorge compte pas moins de 25 étapes. Ce sont elles qui testent les modèles, donnent leur avis. " Nous les faisons, c’est normal. On les fabrique, on comprend mieux le problème s’il y en a un. On les essaye puis on les ramène en expliquant notre ressenti ", détaille FlorenceChantelle leur colle à la peau.

Aujourd’hui, le groupe, fondé il y a 145 ans, écrit une nouvelle page de son histoire. La lingerie n’est pas morte, elle renaît, se réinvente. Chantelle se met au goût du jour.

La marque est en train de concevoir le premier soutien-gorge entièrement recyclable. "Chantelle One est le premier article qui ne finira pas à la poubelle" se félicite le directeur du site sparnacien, Stephan Rigot. "On s'engage à récupérer, séparer les matières pour ne pas polluer". Début des réservations le 29 mars sur la plateforme de financement participatif Ulule. La fabrication à Epernay commencera, elle, courant mars. Ensuite, les clientes devront ramener les articles usagés en boutique pour les faire recycler. La révolution de la dentelle est en marche. 

 

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