Germaine Schell, 90 ans depuis quelques jours, est une opposante de la première heure au Grand Contournement Ouest (GCO) de Strasbourg. Quelques mois après le début du chantier, elle ne veut toujours pas se résoudre à accepter cette autoroute et affirme qu'elle se battra "jusqu'à sa mort". Portrait.
Une visite chez Germaine Schell ne laisse pas de place au doute, ni sur ses convictions ni sur son tempérament. Le portail qui marque l'entrée dans sa propriété, au bout d'une impasse plutôt large à quelques mètres de la mairie de Kolbsheim, plante le décor. Deux pancartes vous accueillent : "Terre des hommes massacrée" et "Tous unis contre le GCO". Il en existe des dizaines du genre dans ce petit village de résistants, massivement opposés au Grand Contournement Ouest de Strasbourg.
Germaine Schell est l'une des figures du mouvement. Son portail en bois, donc, mais aussi son fauteuil roulant, son déambulateur, et même les meubles de sa maison, sont recouverts d'affiches ou d'autocollants évocateurs : "Non au GCO", ou encore "GCO non merci". Car l'idée d'une autoroute au milieu de paisibles paysages de campagne est insupportable à la nonagénaire.
Il suffit de prendre le temps de la rencontrer, chez elle, pour comprendre. Germaine Schell vit dans une ancienne ferme, une belle bâtisse à l'abri de l'agitation et du bruit. Dans sa cour pavée, des arbres qui s'élèvent et s'amusent à laisser passer ici les rayons du soleil, là à garantir des espaces ombragés. Une ambiance de contrastes, à l'image de la propriétaire des lieux. Sur un parterre de fleurs se dressent de jolies roses. Elle les a amenées de sa lorraine d'origine puis plantées, souvenir visuel et olfactif de sa mère à chacune de ses promenades dans son extérieur.
Fille de paysans lorrains
La verdure, c'est l'univers de Germaine Schell. Là où elle se sent bien et elle où puise son énergie. "Je déteste être enfermée", explique cette fille de paysans, arrivée en Alsace à l'âge de seize ans pour travailler et gagner sa vie. Pas le choix, et tant pis pour les études qu'elles rêvaient de faire. Après plusieurs années comme salariée dans un restaurant, elle a rejoint son mari gérant d'une boutique de souvenirs à Strasbourg, puis tenu avec lui un commerce de vêtements, Stock américain. Mais toujours en vivant à la campagne, au vert.C'est son époux, aujourd'hui décédé, qui lui a fait découvrir les idées du Front Populaire et les journaux. Après sa mort, dans les années 1990, elle s'est mis à lire à son tour : Charlie Hebdo, Le Canard enchaîné, L'Humanité, Alternatives économiques et beaucoup d'autres titres. Elle joue sur plusieurs tableaux pour s'instruire et se faire sa propre idée sur les sujets de société. L'environnement devient sa principale préoccupation. Elle décide de se battre "pour ses arrière-petits-enfants" notamment. Le GCO ? Une catastrophe selon elle.
"Le GCO m'empêche de dormir la nuit"
Alors, elle est de toutes les manifestations contre le projet. Et le 10 puis 12 septembre dernier, lorsque les forces de l'ordre font évacuer la ZAD (Zone à défendre) de Kolbsheim, elle est en première ligne pour résister, au milieu de la nuit, appuyée sur son déambulateur. A 89 ans, elle sait désormais ce qu'est le gaz lacrymogène. Depuis, beaucoup d'arbres sont tombés, les engins s'activent pour tracer l'autoroute déjà bien formée. "Ça m'empêche de dormir la nuit. Ça me fait très mal de les voir détruire notre Alsace", soupire Germaine Schell.Elle était allée voir la forêt de son village, une dernière fois, avec ses petits-enfants quelques temps avant l'abattage des arbres et promet qu'elle continuera à se battre pour essayer de faire interdire le projet. Même si elle n'est plus sûre d'y croire vraiment.
Elle a également manifesté pour le climat, et aux côtés des gilets jaunes. "Comment voulez-vous que le petit peuple s'en sorte avec 1000 euros par mois ? Comment payer un logement, la nourriture et s'occuper des enfants dans ces conditions ?", enrage-t-elle.
Elle exhorte les Français à descendre dans la rue pour se battre pour leurs droits et une vie meilleure, à être "révolutionnaires", comme elle. "Debout", tout simplement. Tel que la décrit Lionel Grob dans la chanson qu'il a écrite pour elle : Germaine est debout.