Alsace : stocker l'eau en hiver pour une meilleure utilisation agricole en été, une bonne idée ?

Les agriculteurs de la plaine d'Alsace proposent des solutions pour mieux gérer l'eau, surabondante en hiver et de plus en plus déficitaire en été. Selon le syndicat agricole FDSEA, il faudrait revenir à l'entretien délaissé des rivières et stocker l'eau dans des gravières. Explications.

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Les rivières gonflent, débordent et noient sous des milliers de mètres cubes d'eau tout ce qui se trouve alentour. Ce scénario se répète, sous nos latitudes, depuis plusieurs années en hiver, en raison d'un régime climatique de plus en plus humide. Et l'Alsace n'est pas épargnée. Les pluies abondantes de ce début d'année 2021 ont fait sortir de leur lit les rivières de la plaine alsacienne. "En quatre ou cinq jours de crue de l’Ill, c’est l’équivalent de l’eau de toute l’irrigation en Alsace qui est passé", affirme Thomas Obrecht, vice- président de la FDSEA du Haut-Rhin et exploitant céréalier à Kunheim. Un constat qui amène les agriculteurs alsaciens de la plaine à réagir: ils annoncent dans un communiqué daté du 2 février pouvoir apporter "des solutions techniques à la fois innovantes, mais aussi inspirées du savoir légué par les agriculteurs des précédentes générations."

Ces solutions sont censées permettre de mieux gérer la ressource en eau en hiver, quand elle est surabondante, comme en été, quand les rivières sont en étiage et que le niveau de la nappe s'en ressent. "On nous met la pression quand on manque de ressource en été alors que pour nous l’eau ne manque pas, il faut juste la gérer intelligemment", explique Thomas Obrecht.

Comment mieux gérer la ressource en eau

En premier lieu, par un travail d’entretien et de remise en état des cours d’eau qui, selon l'exploitant, ont été délaissés pendant plusieurs décennies. "Ces cours d’eau ne jouent plus leur rôle, en période de crue, de drainage des parcelles agricoles ni non plus de réalimenation de la nappe phréatique car leur relation à l'environnement n'est plus la même qu'avant." Il faut donc se remettre au travail, quitte à passer outre les préconisations des associations de protection de l'environnement : "Pendant longtemps il y a eu une peur des acteurs du monde rural d’entreprendre des travaux d'entretien des cours d’eau à cause de l’accent mis sur la protection de l’environnement", affirme Thomas Obrecht. 

Deuxième volet du travail à accomplir selon la FDSEA du Haut-Rhin: infiltrer la nappe phréatique en stockant l'eau au lieu de la laisser filer en aval "et qui ne fait que recharger le Rhin". L'idée est de constituer "une réserve d'eau durable et fiable pour l’été en la stockant dans des gravières ou dans des forêts après avoir détourné une partie de l'Ill en amont quand elle est en crue." 

 

 

C’est dans le secteur du Centre-Alsace, entre Colmar et Erstein, autrement dit le grand ried alsacien, que le besoin se fait le plus sentir. Dans la majeure partie du Haut-Rhin, plus au sud, les cours d'eau venant de la montagne ont été artificialisés dans les années 1960, "leur débit est soutenu par les barrages, comme ceux de Kruth, du Lac Vert, du Lac Noir ou du Lac Blanc, et n'ont donc que très peu de risque d'arriver en situation d'étiage", explique Thomas Obrecht.

Réchauffement climatique: plus de précipitations en hiver

Apprendre à stocker l'eau, voilà donc la grande leçon qu'il faudrait retenir de ces années passées. Et travailler avec les services de Météo France pour les prévisions saisonnières, ajoute Thomas Obrecht. Car le réchauffement climatique va se poursuivre, un fait maintenant incontestable, "toute la question est de savoir quel est le scenario que nous allons écrire pour la deuxième moitié du XXIe sicècle", expliquait ce mardi 2 février, sur l'antenne de France 3 Alsace, Sophie Roy, coordinatrice technique climatologie à Météo France Grand Est. Ce qui est sûr c'est que "nous aurons des hivers moins froids et plus humides avec plus de précipitations et des été plus chauds et plus secs", conclue Sophie Roy.

 

 

Recréer des zones humides

Stocker l'eau, d'accord, mais pas n'importe comment tempère Serge Dumont. Cet enseignant-chercheur au laboratoire image ville environnement de l'université de Strasbourg travaille sur les rivières phréatiques, les gravières et l’impact de l’irrigation sur l'environnement depuis plus de dix ans. Pour lui, l’idée de freiner l’eau est une bonne idée mais pas dans les gravières: "Je suis contre parce que les sédiments vont colmater les fonds de la gravière et empêcher l’eau d’alimenter la nappe". Quant à l'idée de la stocker dans les forêts, "ce n'est pas une bonne solution non plus, tous les arbres ne sont pas capables de survivre à une immersion prolongée".

Il faudrait, selon le chercheur, recréer des zones humides le long de l’Ill, sur le modèle de ce qui a été fait à Muttersholtz. Dans cette commune du Bas-Rhin, 2,5 hectares ont été gagnées sur les parcelles agricoles pour recréer une zone humide. "On a perdu 70% de zones humides en Alsace, il faut en recréer", avance Serge Dumont, quitte à faire des conventions avec les agriculteurs pour compenser les pertes.

"Créer une dynamique, pour que dans les cinq ans qui viennent, on ait relancé cette démarche d’entretien", c'est en tous cas ce que prévoit Thomas Obrecht, pour qui il est important de sécuriser les ressources en eau.

 

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