Procès en appel de Jean-Marc Reiser : "À plusieurs reprises, j'ai hésité à dire la vérité"

Ce mardi 27 juin, Jean-Marc Reiser s'est exprimé sur ce qu'il s'est passé dans son appartement le 7 septembre 2018. Rejugé pour le meurtre de Sophie Le Tan, l'accusé nie toujours avoir eu l'intention de donner la mort à la jeune femme.

Pour le sixième jour de son procès en appel, Jean-Marc Reiser a longuement eu la parole ce mardi 27 juin 2023 au matin. La présidente l'a interrogé sur la matinée du 7 septembre 2018, jour de la disparition de la jeune Sophie Le Tan. L'accusé a également dû s'expliquer sur les différentes versions qu'il a données pendant l'instruction.

"Je ne nie absolument pas ma responsabilité dans les causes du décès de Sophie Le Tan, lâche-t-il spontanément. Je suis bien conscient de la douleur infligée à la famille et je sais très bien qu'ils ne me pardonneront jamais cela. Je suis conscient d'avoir détruit leur famille, mais j'ai aussi détruit ma famille à moi."

Jean-Marc Reiser continue : "J'y pense tous les jours. J'aimerais pouvoir revenir en arrière, mais je ne peux pas. J'ai des profonds regrets." L'accusé répète ce qu'il a dit aux tout premiers moments de ce procès en appel : "Je n'ai pas fait appel à cause de ma responsabilité, mais surtout à cause de la préméditation qui est totalement fausse. Je ne vois pas pourquoi je ferais du mal à Sophie, je n'avais rien contre elle." 

À plusieurs reprises, j'ai hésité à dire la vérité.

Jean-Marc Reiser

La présidente revient ensuite longuement sur les différentes auditions de Jean-Marc Reiser depuis son arrestation le 15 septembre 2018. Auditions pendant lesquelles les versions du natif d'Ingwiller ont évolué au fur et à mesure que les éléments de l'enquête s'empilaient. "À plusieurs reprises, j'ai hésité à dire la vérité. Et au dernier moment, à chaque fois, je me ravisais", explique-t-il.

Tout au long de l'interrogatoire mené par Christine Schlumberger, Reiser répond à toutes les questions et n'hésite pas à reprendre la présidente comme il l'a déjà fait depuis le début de ce procès. Le banc des parties civiles est rempli. Le père, le frère et la sœur de Sophie Le Tan sont de retour à la cour d'assises du Haut-Rhin.

J'étais dans un déni total.

Jean-Marc Reiser

Lorsqu'il était interrogé par les enquêteurs, Jean-Marc Reiser niait tout en bloc, au point d'accuser les policiers d'avoir déposé l'ADN de Sophie Le Tan chez lui. "Je contestais tout, évidemment. J'étais dans un déni total." Quand les enquêteurs faisaient le lien entre les déplacements de sa ligne de téléphone principale et de plusieurs cartes Lycamobile, Reiser parlait alors de "hasards qu'il ne s'explique pas".

L'accusé se dit aujourd'hui méfiant vis-à-vis des policiers. Il explique à la présidente avoir été victime d'un coup de poing lors de son arrestation. "Ça n'a été noté nulle part. Vous n'avez jamais fait état de violences policières", répond Christine Schlumberger, fermement.

Au fil de son interrogatoire, Jean-Marc Reiser s'en prend également aux médias pour expliquer son silence au début de l'instruction. "J'ai été jeté en pâture, au mépris du secret de l'instruction d'ailleurs. Tout cela a entraîné une tornade médiatique qui m'a bloqué encore plus. Si j'avouais tous ces détails..."

Christine Schlumberger remonte le temps et les interrogatoires du sexagénaire :

"Vous avez spontanément dit cette phrase un jour : 'Si assassinat il y a eu'. Mais c'est une réponse de juriste ça ! Il n'y a qu'un juriste pour distinguer un meurtre d'un assassinat.
-Effectivement, j'ai fait un peu de droit.
-Oui ça sert, ça mène à tout, répond la présidente." Dans la salle d'audience, beaucoup soufflent du nez.

La version de la main en sang de Sophie ? "Sur le moment, je ne savais pas quoi dire. C'est vrai que c'était stupide, mais j'ai fait de mon mieux", reconnaît aujourd'hui Jean-Marc Reiser. La présence d'ADN de Sophie chez lui ? "J'ai essuyé les gouttes du sang avec une serpillière, ça a dû le répartir un peu partout", expliquait alors le mis en examen. "En fait, vous saviez précisément ce qu'il faut indiquer à la juge d'instruction pour expliquer la présence de l'ADN...", lâche la présidente.

Vous pensez qu'un loueur sérieux agirait comme ça ?

Christine Schlumberger

Présidente de la cour d'assises du Haut-Rhin

Cette dernière revient ensuite sur l'utilisation par Reiser de plusieurs lignes dans ces annonces Leboncoin, sur le fait qu'il ne se présente pas aux rendez-vous, qu'il n'en donne qu'à des femmes... Reiser a encore une fois réponse à tous ces questionnements. "Vous pensez qu'un loueur sérieux agirait comme ça ?". "Je n'avais jamais loué mon appartement avant, je débutais là-dedans."

Sur certains points cependant, l'accusé ne sait pas quoi répondre. "Je ne sais plus, je ne me souviens plus. Vous savez, ça remonte à plusieurs années...", se défend Reiser tout en s'appuyant sur le rebord du box des accusés. Cette dernière phrase agace la présidente. "Vous avez une mémoire sélective ! Vous venez de citer une cote du dossier de tête et là, vous ne vous souvenez plus."

Le ton monte 

Dans la chaleur de la salle d'audience, la présidente et l'accusé se prennent le bec. Par exemple au sujet des témoignages de deux de ses voisins qui disent avoir vu Sophie entrer seule au 1 rue Perle (Reiser maintient qu'elle est montée avec lui, ndlr.). "Ils n'ont pas vu Sophie Le Tan! Ni l'un, ni l'autre !", s'énerve l'accusé en faisant des grands gestes dans son box, toujours très bavard.

Même après la découverte des ossements de Sophie Le Tan en octobre 2019, Jean-Marc Reiser niait toujours avoir tué l'étudiante. "Je n'ai rien à modifier", expliquait-il à l'époque. "Rendez-vous compte, c'était encore plus difficile pour moi d'avouer", se justifie-t-il aujourd'hui.

Peut-être que j'ai cru qu'il y avait une attirance réciproque.

Jean-Marc Reiser

Ce n'est qu'un an et trois mois plus tard qu'il passe aux aveux. Reiser explique alors que Sophie Le Tan lui avait tapé dans l'œil et que c'est pour cela qu'il a voulu l'enlacer. "Peut-être que j'ai cru qu'il y avait une attirance réciproque", se questionne-t-il devant la cour.

"Oui, évidemment, quand une femme sourit, elle est d'accord pour tout ! Alors que dire quand elle porte une mini-jupe...", s'énerve la présidente. Cette dernière demande plus tard à l'accusé pourquoi on devrait croire sa version des faits, lui qui a menti tout au long de l'instruction. "J'aurais pu me taire mais j'ai préféré prendre les devants et avouer. Pour moi, pour la famille... Je sentais que dans les médias et dans l'opinion publique, on voulait me faire passer pour un Barbe-Bleue. Alors j'ai voulu rétablir la vérité."

Reiser nie en bloc avoir violé Sophie

Plus tard, Jean-Marc Reiser assure qu'il n'a pas violé Sophie Le Tan, ce qui est invérifiable au vu de l'état de décomposition du corps de la jeune femme lors de sa découverte. "Pendant la reconstitution, je vous ai demandé s’il était possible que vous l'ayez violée. Vous m'avez répondu 'Je suis quasiment certain que non. J'ai un énorme trou noir'. Vous maintenez ?", lui demande l'avocat de la famille Le Tan Gérard Welzer.

"J'étais dans un état second, de fureur, qui m'empêchait de réfléchir clairement. Je n'ai pas de souvenir très, très clair. J'étais comme déconnecté, j'agissais machinalement", répond l'accusé en regardant au sol.

Je ne m'amuse pas à tuer les gens comme ça, pour le plaisir.

Jean-Marc Reiser

L'avocat demande ensuite à l'interprète en vietnamien de ne pas traduire au père de Sophie la question qu'il va poser à l'accusé.

"On a entendu depuis le début que l'on n'a retrouvé que quelques os de Sophie dans la forêt. Le reste du corps, où est-il ?
-Tout ce que j'ai dit, c'est la vérité. Tout était dans la même fosse. Je n'ai rien dispersé. Il est possible que des prédateurs aient déterré des os et les aient déplacés ailleurs. (Le crâne a été découvert à 400 mètres des autres os, ndlr.). Je n'allais pas m'amuser à créer des tombes ailleurs.
-Vous amuser ?!
-Oui bon, vous avez compris. Je dis juste que les prédateurs ont dû prendre ce qui était le plus accessible, je suppose..."

En fin de matinée, l'avocat de Jean-Marc Reiser, Emmanuel Spano, demande à son client s'il a tout dit. "Pour les faits, je n'ai rien omis. J'ai tout dit dans les moindres détails, répond son client. Je n'ai pas de motif, ni de mobile ! Je ne m'amuse pas à tuer les gens comme ça, pour le plaisir, bien que l'on veuille me décrire ainsi."

La séance a été suspendue après ces derniers mots. Elle a repris en début d'après-midi avec la venue d'experts psychologues. La première, Carole Rabolini, décrit Jean-Marc Reiser comme un homme "froid, détaché, avec un rapport à l'autre condescendant et méprisant". Comme en première instance, elle utilise l'image d'un joueur d'échecs "qui a deux à trois coups d'avance". À Emmanuel Spano, elle lance : "Votre client avance de manière stratégique."

Le 28 juin, pour l'avant-dernier jour du procès, les avocats plaideront. En fin de matinée, l'avocat général donnera ses réquisitions. Le verdict est attendu le lendemain.

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