Ce 26 juin 2023, au cinquième jour du procès en appel de Jean-Marc Reiser, rejugé pour le meurtre de Sophie Le Tan en septembre 2018, le profil de l'accusé a été esquissé par une analyste comportementale. Des conclusions fortement mises en doute par les avocats de défense.
Le procès en appel de Jean-Marc Reiser se poursuit ce lundi 26 juin 2023 devant la cour d'assises du Haut-Rhin, à Colmar. Au milieu des rapports d'experts légistes et d'un expert en criminalistique, celui de Peggy Allimann a vivement fait réagir la défense. Pour cette psychocriminologue, le profil de l'assassin présumé de Sophie Le Tan se rapproche de celui d'un "auteur meurtrier sexuel de type sadique".
Aujourd'hui capitaine de gendarmerie, la psychologue a assisté aux différentes auditions de Jean-Marc Reiser pendant sa garde à vue, en septembre 2018. Peggy Allimann avait comme mission "d'observer les attitudes et les comportements du mis en cause" et d'analyser ses réponses "sur le fond, comme sur la forme". "Mon but est de donner une coloration de la personnalité du mis en cause pour aider les enquêteurs dans leur travail", détaille-t-elle en introduction.
"Tout d'abord, M. Reiser porte des propos cohérents, sans agressivité, avec un langage courant. Il ne montre aucun signe d'anxiété, ni de stress. Par contre, il va se victimiser à de nombreuses reprises en se disant victime du système judiciaire", commence-t-elle. Pour rappel, Jean-Marc Reiser a d'abord indiqué ne pas connaître Sophie Le Tan. Puis, après la découverte du sang de l'étudiante chez lui, il avait expliqué l'avoir croisé dans la rue, blessée à la main. Une version démontée depuis. Il faudra attendre janvier 2021 pour obtenir des aveux du suspect.
Reiser remet toutes les conclusions en cause
"M. Reiser est même allé jusqu'à affirmer que des enquêteurs ont volontairement déposé de l'ADN de Sophie Le Tan dans son appartement, remettant en cause les conclusions des enquêteurs. Il réfute en bloc les éléments et dit à plusieurs reprises qu'il ne s'exprimera qu'après avoir lu le dossier d'instruction", continue la psychocriminologue, qui note une totale absence de compassion pour les proches de la victime quand on lui présente une photo de la jeune femme.
Entendue comme témoin à ce procès, Peggy Allimann décrit Jean-Marc Reiser comme quelqu'un qui possède un très bon contrôle de lui-même et qui recherche un contrôle de son environnement. "Il utilise également des procédés manipulatoires comme la victimisation et la séduction. J'ai remarqué chez lui une indifférence et une froideur affective assez déplacées au vu des circonstances."
Cette action est réfléchie, calculée et n'a rien à voir avec une action impulsive.
Peggy AllimannPsychocriminologue
Dans ce procès, où la question de la préméditation est centrale, l'analyste comportementale évoque le "mode opératoire" mis en place par Jean-Marc Reiser. "Grâce à tous ces éléments, j'ai pu rattacher le profil de M. Reiser à celui du meurtrier sexuel de type sadique."
La psychologue s'appuie sur des éléments de l'enquête rédigés en septembre 2018, soit à son tout début. Elle utilise par exemple ce qu'elle appelle "l'approche par la ruse" de Reiser et fait état d'une "fausse annonce de logement qui vise à manipuler la victime et la faire venir à son domicile. Cette action est réfléchie, calculée et n'a rien à voir avec une action impulsive". Peggy Allimann dira plus tard de Jean-Marc Reiser qu'il fait partie des auteurs de crimes "qui anticipent les choses et dont l'objectif est de commettre les actes avec le moins de risques possibles".
La défense dénonce une "subjectivité malhonnête"
Il n'en fallait pas plus pour faire bondir les avocats de l'homme de 62 ans. Sur les marches de la cour d'assises du Haut-Rhin, Emmanuel Spano n'hésite pas à parler d'une "subjectivité malhonnête" de la part de Peggy Allimann.
Plus tôt, devant la cour, son collègue Thomas Steinmetz avait sérieusement mis en doute le (court) rapport de la psychologue, lui demandant sur quoi il se basait. "Sur les auditions de M. Reiser pendant sa garde à vue, celles de ses proches et sur les éléments de l'enquête qui m'ont été apportés. Je l'ai rédigé car je pense que c'est important de garder une trace écrite de cela pour les enquêteurs", lui répond-elle.
Le conseil de Jean-Marc Reiser va jusqu'à demander si la criminologie a des bases scientifiques. "Je n'avais pas préparé un débat pour défendre la criminologie, mais j'imagine que les diplômes prouvent qu'il y a un certain sérieux dans ce domaine", se défend Peggy Allimann.
Vous ne mettez jamais en doute les conclusions des enquêteurs ?
Emmanuel Spano, avocat de Jean-Marc Reiser
Thomas Steinmetz met en doute "les traits psychopathiques" que la psychologue a décelés chez l'accusé en septembre 2018. "Comment expliquez-vous que ces traits n'avaient pas été notés lors du passage de M. Reiser au Château d'Angleterre à Bischheim ?". Peggy Allimann maintient. "Bon, la cour choisira...", souffle l'avocat.
Emmanuel Spano va ensuite droit au but :
"Vous partez donc du postulat que les enquêteurs détiennent la vérité sur la ruse, sur le fait qu'il aurait organisé la rencontre avec Sophie Le Tan, qu'il l'aurait attirée chez lui. Et ce, après seulement quelques jours d'une enquête qui durera trois ans. Vous prenez tout cela pour argent comptant ?
-Tout à fait, répond la psychologue sans broncher. C'est un travail collectif, pluridisciplinaire. À aucun moment je ne me serais permis de remettre en cause les conclusions des enquêteurs.
-Mais si les enquêteurs se trompent ?
-L'erreur est humaine, répond Peggy Allimann d'un ton moins assuré. Sauf que j'ose espérer qu'ils ne vont pas se tromper sur tous les éléments de l'enquête.
-Vous excluez donc l'acte impulsif ?
-Oui, j'ai beaucoup d'éléments qui vont dans le sens d'un acte préparé et réfléchi.
-Et vous ne mettez jamais en doute les conclusions des enquêteurs ?
-Non, on avait le même intérêt : celui d'avancer et de rechercher le corps de Sophie Le Tan."
Le 27 juin, plusieurs experts psychiatres qui ont longuement étudié la personne de Jean-Marc Reiser seront appelés à la barre. Les avocats de la défense annoncent déjà qu'ils prendront leurs conclusions plus au sérieux que celles avancées ce jour. Dans la matinée, leur client sera interrogé sur ce qu'il s'est passé dans son appartement du 1 rue Perle à Schiltigheim dans la matinée du 7 septembre 2018.