Depuis la fin du mois de septembre 2024, Maurice Schaffhauser, habitant de Wickerschwihr dans le Haut-Rhin, est présumé décédé. Il témoigne de cet enfer administratif survenu après la mort de son épouse, et dont il se sort à peine.
La petite musique, il la connaît par cœur. Mis en attente au téléphone, Maurice Schaffhauser tapote la nappe de sa table du bout des doigts, impatient. Cet habitant de Wickerschwihr, à proximité de Colmar, appelle chaque semaine la Sécurité sociale dans l’espoir d’obtenir des réponses : depuis la fin du mois de septembre 2024, il est censé être mort.
Une situation ubuesque mais véridique. Maurice Schaffhauser, 67 ans, est victime d’une erreur administrative depuis le décès de son épouse Yvette, au milieu du mois de septembre. Quelques jours après cette douloureuse épreuve, le vieil homme reçoit un mystérieux appel de la caisse de retraite de sa défunte femme.
"Heureusement que mon fils était à côté de moi parce que je n'avais pas compris ce qu'on m'annonçait au téléphone. J'ai dit à mon fils : écoute il faut que tu m'expliques ce qu'elle veut cette dame". Celui-ci s'exécute et comprend rapidement que son père est “présumé décédé.”
Un certificat de vie
Le fils confirme par téléphone que la personne concernée est bel et bien vivante, et même debout juste à côté de lui. Mais le mal est fait et il va falloir trouver un moyen de le prouver à l’administration. Pour ce faire, le Wickerschwihrien se rend à la mairie pour obtenir… un certificat de vie.
"Il ne fallait pas perdre de temps", raconte le maire de la commune, Richard Ley. Maurice Schaffhauser a eu un soupçon de chance dans son malheur : l'engrenage de sa mort administrative a pu être enrayé rapidement car le maire connaissait bien la situation.
Je l'ai moi-même vécue il y a neuf ans, suite au décès de mon père, ils avaient considéré ma mère comme décédée. Ça a été un an d'enfer pour la réhabiliter, pour la ressusciter administrativement
Richard Ley, maire de Wickerschwihr
L'édile a réagi rapidement pour éviter que le compte bancaire, la retraite et la carte Vitale de son administré ne se bloquent. Une réussite sauf pour cette dernière.
Malgré ses nombreux appels et le certificat de vie envoyé à sa Caisse d'assurance maladie (CPAM), monsieur Schaffhauser n'avait pas de nouvelles de sa carte depuis trois mois. Puis, enfin une éclaircie : on lui annonce qu'elle est en cours de personnalisation et qu'elle sera livrée dans le courant de la deuxième semaine de décembre.
Sous antidépresseurs
"Ah enfin, s'exclame le retraité soulagé, je commence doucement à remonter la pente". Il révèle que cette débâcle administrative a eu de grosses conséquences sur son moral déjà bas après la perte de sa femme et avoue prendre des antidépresseurs. "Ma psychologue m'a dit que c'était inhumain ce qu'ils me font vivre, ce n'est pas normal", témoigne-t-il.
Comment une telle erreur a pu arriver ? Si le fait reste rare, Maurice Schaffhauser n’est pas le premier à être déclaré mort à tort. Serait-ce une confusion des pompes funèbres, qui auraient mal enregistré le décès de son épouse ?
La piste est vite écartée par le vieil homme, affirmant que l'entreprise lui a confirmé que le certificat de décès est bien au nom de sa femme et non au sien. Du côté de la CPAM, on évoque un potentiel bug informatique pour tenter d'expliquer cette fâcheuse erreur.
"Il faut le marteler fortement, ce n'est pas normal", s'insurge tout de même le maire, Richard Ley. Avant d'ajouter, un brin désabusé, "c'est un comble au 21ème siècle, on envoie des fusées sur la lune et dans le même temps, on déclare des gens vivants décédés".