Condamné en première instance à dix ans de prison, un kinésithérapeute de 71 ans a été reconnu coupable en appel par la cour d'assises du Haut-Rhin le 4 décembre 2024. Accusé de viols sur quatre patientes dans son cabinet strasbourgeois entre 2010 et 2016, Gérard Spinner a vu sa peine confirmée par la cour. Une victime témoigne.
Presque un an après sa condamnation en première instance, le kinésithérapeute, Gérard Spinner, a été reconnu coupable de viols par la cour d'assises de Colmar (Haut-Rhin), mercredi 4 décembre. Les juges ont confirmé la peine en appel, soit 10 ans de réclusion criminelle et l'interdiction définitive d'exercer l'activité professionnelle de kinésithérapeute.
Âgé de 71 ans, l'ex-praticien est accusé du viol de quatre femmes pour des faits produits à Strasbourg, dans son cabinet, entre 2010 et 2016. Les patientes étaient venues le consulter pour un mal de dos, un problème de hernie discale ou pour une mauvaise chute de cheval. Circonstance aggravante, les juges ont considéré que ces viols ont été commis par une personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction.
Des actes non médicaux
Lors des débats qui se sont tenus à huis clos, Gérard Spinner a reconnu les faits. L'une des victimes, Natacha Ducarme, relativise : "Il a reconnu les actes, mais pas la qualification des actes". Et pour elle, la distinction est importante : les experts ont démontré qu'il ne pouvait s'agir d'actes médicaux. "On parle bien de viols". Ces actes commis par Gérard Spinner ont été décrits lors du procès : il s'agit d'introduction digitale dans le vagin et l'anus des patientes lors des consultations.
Natacha Ducarme le consulte plusieurs fois pour une hernie discale en 2010, elle avait alors 22 ans. "Lors de la première séance, il m'a fait asseoir puis a introduit son doigt dans l'anus. À ce moment, j'ai pensé que cela ne pouvait pas ne pas être médical. Lors de la deuxième séance, il a répété le même acte en introduisant en plus un doigt dans le vagin. Quand je sortais des séances, j'avais l'anus qui saignait, j'avais mal pendant une semaine. Il me disait que c'était normal".
Des expériences dans son labo
Les avocats de la défense et les experts parleront, lors des débats du procès en appel, de viol digital pour qualifier ces actes. Des actes dont ont été victimes les trois autres patientes. Gérard Spinner ne reconnaît explicitement le caractère non médical que pour l'une d'elles. Il explique pour se défendre qu'il avait pris le comportement de cette cliente pour une invitation sexuelle. Les autres patientes auraient fait les frais de ses expériences pratiquées dans son cabinet. "Son cabinet était son petit labo", d'après ses propres mots, rapporte Natacha Ducarme.
L'ordre des kinésithérapeutes s'est porté partie civile, ce qui est systématiquement le cas dans les affaires criminelles de ce type. L'occasion pour les avocats de confirmer ce qui a été dit en première instance : les prestations délivrées par Gérard Spinner sur ces quatre patientes ne sont pas des actes thérapeutiques. Et d'en appeler au code de déontologie de la profession datant de 2008. Il y est question notamment du consentement éclairé du patient. "Ce point a été soulevé lors des débats, observe Natacha Ducarme, il ne m’a jamais dit qu’il allait mettre un doigt dans mon anus ni dans mon vagin, s’il l’avait dit, j'aurais probablement refusé".
Briser l'omerta
Le procès a permis de mettre un peu de clarté autour de ces questions, reconnaît Natacha Ducarme. "Afin de lever toute ambiguïté, le praticien doit expliquer ce qu'il compte faire avant de le faire et pour quelles raisons. Mais, déplore-t-elle, Gérard Spinner ne me disait rien, n'expliquait rien".
Pour l'ordre des kinésithérapeutes, en guerre contre les agressions sexuelles commises par leurs pairs, il s'agit aussi de briser l'omerta. Un guide pour une relation thérapeutique saine est disponible en ligne et dans les cabinets depuis 2023. Seul regret de Natacha Ducarme : que les débats se soient tenus à huis clos et que le procès n'ait pas eu le retentissement médiatique qu'il aurait dû avoir.