Outre-Rhin, les conséquences d'un confinement définitif des déchets toxiques de Stocamine à Wittelsheim (Haut-Rhin) suscitent l'inquiétude. Association et élus doutent de la validité des études qui affirment que la pollution de la nappe phréatique sera limitée, une nappe phréatique qui alimente Alsaciens et Allemands en eau potable.
Elle s'étend de Bâle à Francfort, en passant par la plaine d'Alsace. Avec plus de 65 milliards de mètres cubes d'eau, la nappe phréatique rhénane est la plus grande réserve d'eau potable d'Europe occidentale. Elle alimente 5,6 millions de personnes, dont une bonne partie d'Allemands. Autant dire que les écologistes d'Outre-Rhin sont vigilants et voient d'un mauvais œil la décision du ministre français de la Transition écologique, Christophe Béchu, de faire reprendre dès que possible les travaux de confinement des déchets toxiques de Stocamine, à Wittelsheim (Haut-Rhin).
Le ministre vient de confirmer à Paris, lors d’une réunion avec des élus alsaciens, le stockage illimité des 42 000 tonnes de déchets entreposés dans le sous-sol alsacien, à plus de 500 mètres de profondeur, sous la nappe phréatique. "Les travaux doivent impérativement être terminés dès 2027", a précisé le ministère dans un communiqué. Une décision qui reprend celle de l'ancienne ministre Barbara Pompili en janvier 2021, qui consiste à enfouir définitivement sous une chape de béton ces déchets hautement toxiques. Un arrêté préfectoral doit être signé avant fin septembre autorisant leur enfouissement définitif.
Les pires scénarios se succèdent
Entre 1997 et 2002, quelque 66 000 "colis" d'amiante, de mercure, de chrome, de cadmium, d'arsenic et de cyanure, ont été entreposés dans les galeries de l'ancienne mine de potasse de Wittelsheim, reconvertie en "mine au service de l'environnement". Il était alors question d'y stocker 320 000 tonnes de déchets dangereux non radioactifs. L'autorisation d'exploitation est accordée à la société MDPA (Mines de potasse d'Alsace) dont le seul actionnaire est l'Etat.
Depuis ce temps, les écologistes allemands observent ce qui se passe à Wittelsheim et voient les pires scénarios se réaliser les uns après les autres : enfouissement de déchets chimiques illégaux, incendie dans la mine en 2002 qui interrompt l'achèvement du projet, affaissement des galeries plus rapide que prévu qui compromet la réversibilité du stockage.
S'ensuivent d'innombrables revirements qui soulèvent toujours les mêmes questions : vaut-il mieux ressortir tous ces produits toxiques, au risque de devoir les manipuler, et les entreposer ailleurs ? Ou les enfouir sur place, au risque de contaminer la plus grande nappe phréatique d'Europe, qui s'étend au-dessus ?
Des Allemands incrédules
Alors que les études s'accumulent, l'Etat français et ses experts ont tranché : le confinement définitif des déchets permettra de limiter la pollution de la nappe phréatique jusqu'à l'horizon des années 3000. Un bon millier d'années s'écouleront avant que les galeries ne soient infiltrées par la nappe. Mais après tous ces atermoiements, les écologistes et élus allemands ont du mal à y croire. "Aucun géologue ne peut regarder à travers la roche et le sous-sol. Il peut y avoir des mouvements de terrains, des tremblements de terre. Nous sommes dans une région à risque sismique et il peut se passer beaucoup de choses. Personne ne peut promettre que dans 1000 ans, le sous-sol ressemblera à ce que les géologues imaginent aujourd'hui", s'inquiète Stefan Auchter, le directeur du Bund du Rhin supérieur, association de protection de l'environnement équivalente à Alsace Nature, côté français.
Je pense qu’on devrait se remettre autour d’une table avec la région et la République fédérale allemande pour trouver des solutions communes.
Josha Frey, député écologiste de la circonscription de Lörrach
Des craintes partagées par les politiques. Parmi eux, Josha Frey, député écologiste de la circonscription de Lörrach (à côté de Saint-Louis). Il a aussi présidé le Conseil rhénan, un organe trinational qui rassemble des élus suisses, français et allemands. À deux reprises, les élus de ce conseil ont demandé à Paris de procéder à un déstockage massif pour réduire le "risque de pollution des eaux souterraines dans le bassin-versant du Rhin".
Josha Frey dit regretter la décision prise par le ministre français de la Transition écologique de confiner définitivement les déchets. "Je pense qu’on devrait se remettre autour d’une table avec la région et la République fédérale allemande pour trouver des solutions communes en s’appuyant sur nos expériences respectives dans le traitement des déchets toxiques", propose-t-il.
Le samedi 23 septembre, les Allemands participeront au rassemblement devant la mairie de Wittelsheim. Ils remettront aux associations françaises un chèque de 2 000 euros pour participer au financement d'une contre-expertise sur la faisabilité d'un déstockage total. Alsace Nature a lancé le 17 juillet dernier un appel aux dons. La cagnotte en ligne a pu collecter, à ce jour, plus de 36 000 euros.