Dans le Haut-Rhin, à Guémar, un couple produit un aliment très peu connu en France : l'ail noir. Certains grands chefs l’ont déjà adopté, mais les ménages doivent encore découvrir sa saveur et ses qualités.
Hervé Barbisan et Carole Scandella sont des pionniers en matière de produits savoureux et rares. Dans le Grand Est, ils sont les premiers à produire de l’ail noir, tout comme ils ont été les premiers à cultiver le safran, il y a une quinzaine d’années en Alsace.
C’est lors de ses nombreux voyages en Asie qu’Hervé a découvert l’ail noir. "Au Japon, c’est un des condiments les plus consommés, en association avec du riz et du poisson cru." En rentrant en France, il s’est dit qu’il y avait (quelque chose à faire). Particularité, cet aliment est le résultat d’un long travail de patience.
Au départ, l’ail noir est de l’ail blanc récolté, séché à l’air libre pendant plusieurs semaines. Ensuite seulement il est transformé en ail noir. Et pour cela il faut du temps.
Un long processus de transformation
Obtenir de l’ail noir ne s’improvise pas et ne supporte pas l’approximation. Hervé et sa conjointe Carole, ont commencé par des expérimentations. "Il y a deux ans, on a pris le temps de faire des essais de cuisson et on a opté pour un type de cuiseur."
L'ail est cuit par tête entière à basse température, entre 65 et 75 degrés. "Chez nous, la cuisson dure douze jours consécutifs, 24h sur 24h, non stop. Cette fermentation se fait grâce à l’humidité contenue dans l’ail au départ. Si on attend trop longtemps après la récolte, l’ail perd trop d’humidité, il devient alors caoutchouteux en bouche et les saveurs disparaissent."
Une fois cuit, l'épluchage est lui aussi très long, et aucune machine ne peut le faire. "Quand les têtes sortent du fermenteur, la peau reste collée, il faut l'enlever délicatement car les gousses sont tendres." explique Carole.
Pendant l'épluchage, Hervé mange de temps en temps une gousse noire. "La gousse d’ail noir a une structure très molle, assez humide, parfois un peu moins, ça ressemble alors à la texture de la pâte de fruits. On a une saveur de balsamique, de champignon de bois confit, de réglisse. C’est très agréable, ça n’a plus rien à voir avec le goût de l’ail blanc. Parce que en fait, dans l’appareil de cuisson se passe un phénomène appelé la réaction de Maillard, qui fait disparaître tous les composants soufrés de l’ail. Ils sont remplacés par une saveur légèrement sucrée, c’est pour cela que l’on appelle cela aussi de l’ail confit."
Un aliment que l’on utilise de l’entrée au dessert
Parmi les nouveaux adeptes de l'ail noir, la cheffe Delphine Keller, du restaurant "Les Parages" à Bennwihr. "Clairement j'ai eu un coup de foudre pour cet aliment, je suis vraiment tombée sous le charme. Je l'ai déjà cuisiné avec une purée pour accompagner un poisson, en émulsion dans en potage, avec du fromage aussi ça se marie très bien. Et aujourd'hui, pour ma dernière création, j'ai réalisé un caviar d'aubergine à l'ail noir, en accompagnement d'un bœuf cru mariné au café, servi en carpaccio."
Ses créations sont à retrouver sur la carte de la cheffe, qui parle de clients ravis de trouver ce produit raffiné, made in Alsace. Quant au couple de producteurs, les idées d'utilisation et mise en valeur ne manquent pas non plus. Dans leur boutique et sur leur site web, Hervé et Carole proposent le condiment sous différentes formes : gousses en bocaux, têtes entières, huile parfumée à l'ail noir ou encore associé à l'amande grillée. L'air noir se décline aussi bien en salé qu'en sucré.
Pour l'heure, il est encore davantage consommé par des personnes initiées. Mas il commence à être mieux connu du grand public et pourrait bientôt entrer dans toutes les cuisines, pour offrir sa délicatesse, aussi bien aux repas de fêtes qu'au quotidien.