Le conseil constitutionnel a rejeté un article de la loi de finances 2024 visant à instituer un fond de garantie pour une éventuelle évacuation dans le futur des 42.000 tonnes de déchets hautement toxiques entreposés au fond des anciennes mines de potasse de Wittelsheim (haut-Rhin). Les Sages ont estimé que ces mesures n’avaient pas leur place dans la loi de finances.
Enième rebondissement dans le dossier Stocamine, qui empoisonne depuis trente ans le débat public en Alsace. Le jeudi 28 décembre, le Conseil constitutionnel a retoqué un article de la loi de finances 2024 lié au site d’enfouissement de 42.000 tonnes de déchets hautement toxiques de Wittelsheim (Haut-Rhin).
Le gouvernement – décidé à prolonger pour une durée indéterminée leur stockage sous-terrain - y avait en effet inclus un article stipulant que "l’Etat s’assure de l’extraction des déchets quand des techniques de robotisation rigoureusement éprouvées [….] sont disponibles et dès lors que les résultats de la surveillance mettent en évidence un impact lié à la remontée de l’eau saumurée dans le stockage des déchets". En décodé, l’Etat se réserve le droit d’attendre de constater l’apparition de pollution dans les galeries situées sous la plus grande nappe phréatique d’Europe pour intervenir.
A l’origine du recours devant le Conseil constitutionnel, le député LFI du Bas-Rhin Emmanuel Fernandes se félicite de la décision des sages. "Un nouveau camouflet pour le gouvernement qui doit finir par accepter de déstocker Stocamine" juge-t-il par voie de réseaux sociaux (voir ci-dessous). Pour le parlementaire, inclure cette disposition dans la loi de finances était un "subterfuge" par lequel le gouvernement "faisait semblant que l'intérêt des générations futures et leur droit à vivre dans un environnement sain était pris en compte" et tentait "d'influencer la décision à venir du tribunal administratif sur la légalité de cet enfouissement définitif", a-t-il déclaré à l’AFP.
Fervente militante du destockage, la sénatrice LR du Haut-Rhin Sabine Drexler se réjouit également de cette décision des sages. "Cet article avait été retiré du projet de loi du gouvernement avant son examen par le Sénat, la commission des finances ayant estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif n’ayant rien à voir avec le sujet traité par la loi, dans la mesure où ses dispositions n’entraînait aucune dépense pour les années à venir, explique-t-elle. Mais une fois le texte arrivé à l’Assemblée nationale, le gouvernement a usé du 49.3 et décidé de réinscrire cet article dans le texte soumis au vote".
Lors de l’examen au Sénat, Sabine Drexler avait déposé deux amendements, l’un en vue de financer une étude exhaustive sur le financement d’un éventuel destockage, l’autre sur la création de fonds pour engager des travaux préalables de destockage et d’observation de l’ennoiement des déchets. Deux amendements qui ont disparu du texte finalement adopté le 21 décembre.
Je ne comprends pas cette obstination à vouloir absolument confiner et empêcher toute remontée de déchets
Sabine DrexlerSénatrice LR du Haut-Rhin
La sénatrice a demandé une entrevue au ministre de la Transition écologique Christophe Béchu avec l’espoir d’infléchir la volonté gouvernementale de laisser pour l’heure les déchets au fond. Une position réaffirmée fin septembre à travers un nouvel arrêté préfectoral autorisant la prolongation pour une durée illimitée de l'autorisation de stockage souterrain.
Un arrêté suspendu par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, arguant du droit des générations futures – une première en matière de décision judiciaire en France. Mais l’Etat s’est finalement pourvu en cassation contre cette décision qui empêche le démarrage des travaux de confinement.
La prochaine étape attendue dans ce dossier est la décision sur le fond de la justice concernant cette prolongation à durée indéterminée de l’enfouissement. Elle devrait intervenir au printemps 2024. Impatiemment attendue également, une visite du ministre en Alsace, promise aux élus locaux depuis l'automne dernier.