En raison des conditions de traitement parfois inhumaines qui auraient été réservées à plusieurs pensionnaires de trois Ehpad du Haut-Rhin, de nombreuses familles ont porté plainte contre la structure. Cette dernière a été placée sous administration provisoire par l'ARS.
Les Ehpad Les Fontaines des communes de Kembs, Lutterbach et Horbourg-Wihr, dans le Haut-Rhin, ont été placés sous administration provisoire par l'Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est. Une décision qui fait suite à plusieurs plaintes de familles, entre autres pour mise en danger de la vie d'autrui.
La première plainte remonte au 12 juin 2023. Elle a été déposée par Christiane Beck. Sa mère vit alors dans l'Ehpad de Kembs et reçoit un traitement déplorable. " Un matin, je suis venue voir ma mère. Il y avait des excréments sur les murs, sur le sol et sur son fauteuil", expliquait-elle à l'époque à France 3 Alsace. Sa mère est décédée dans le mois après l'agression d'un autre résident.
"S'il y avait eu du personnel, ma mère serait peut-être encore en vie à l'heure actuelle", expliquait Christiane Beck le 30 juillet devant l'Ehpad. Depuis, d'autres familles de résidents ont porté plainte et se sont mobilisées pour dénoncer les conditions de traitements dans l'établissement haut-rhinois. Faute de personnel suffisant, elles ont dû elles-mêmes travailler dans l'Ehpad.
L'administration provisoire, une mesure rare
L'établissement de Kembs fait partie d'un ensemble d'Ehpad racheté fin 2021 par le groupe Bridge. "Depuis le rachat, ça s'est beaucoup aggravé. Mentalement, on n'arrive plus à faire face. Et nos résidents en pâtissent, malheureusement", constatait une aide-soignante.
"Je leur reproche ce manque de personnel. Une infirmière ne peut pas s'occuper de 40 Alzheimer toute seule, même deux. C'est juste impossible. En fait, c'est inhumain. On ne fait pas ça", témoigne Christiane Beck les larmes aux yeux.
Alertée, l'Agence régionale de santé a mené des inspections avec la Collectivité européenne d'Alsace qui a constaté "des dysfonctionnements qui détériorent gravement la qualité de la prise en charge des résidents et les mettent ainsi en danger". Au point de placer les établissements sous administration provisoire pour en août 2023.
L'objectif prioritaire, c'est le rétablissement des conditions d'accueil, de prise en charge et de prise en soin des résidents.
Pierre LespinasseDélégué territorial de l'ARS dans le Haut-Rhin
Pierre Lespinasse, délégué territorial de l'ARS dans le Haut-Rhin, précise ce que signifie cette mesure. "Ce n'est pas une fin en soi. C'est une action difficile, un acte autoritaire. On ne prend ces décisions que dans un contexte très dégradé. L'objectif prioritaire, c'est le rétablissement des conditions d'accueil, de prise en charge et de prise en soin des résidents."
De nombreux professionnels nous rejoignent actuellement.
Diego CalabroAdministrateur provisoire des établissements
La mission a été confiée à Diego Calabro, le directeur général de la Fondation de la maison du diaconat de Mulhouse. Il explique s'être entouré d'une équipe d'experts dans les domaines de l'hygiène, de l'organisation ou encore du médicament pour rétablir la situation dans les trois établissements. "Nous avons bon espoir d'arriver à une solution de normalité", confie-t-il.
Pour ce faire, l'administrateur provisoire a utilisé son carnet d'adresses. "Nous avons mobilisé nos réseaux médicaux et paramédicaux alsaciens en faisant appel à des établissements de soin, aux agences d'intérim, à l'ordre des médecins. De nombreux professionnels nous rejoignent actuellement. Des CDI sont en train de se signer." Il s'agit essentiellement d'aides-soignants et d'infirmiers.
D'abord régler les manquements urgents
Le groupe Bridge n'est pas pour autant exclu du processus. "Nous allons travailler en bonne courtoisie avec eux", assure Diego Calabro. Pierre Lespinasse affirme de son côté que "le dialogue est constant" avec le groupe français.
Quelle peut-être la suite de cette décision ? L'administration provisoire est prononcée pour six mois et peut être renouvelée une fois pour la même durée. Pierre Lespinasse ne dit écarter aujourd'hui "aucune hypothèse". Il explique préférer se concentrer sur le court avec deux missions urgentes : retrouver du personnel et organiser les soins.