Depuis quelques années, les commerces de proximité reprennent du service dans les petites communes de Haute-Marne. Des échoppes multiservices pour relancer l’économie en milieu rural, comme à Rouvroy-sur-Marne
« C’est une baguette comme d’habitude ? » lance Audrey Scoditti, la gérante du nouveau multiservices de Rouvroy-sur-Marne, le seul commerce de proximité de la commune. Ouvert il y a 15 jours, l’établissement de 150 m2, divisé en 3 salles, propose plusieurs services aux habitants : bar, épicerie avec dépôt de pain, produits du terroir et livraison à domicile, salon de coiffure et de beauté,…
Une entreprise qui emploie déjà 9 personnes dont 2 apprenties.
La baguette rangée dans son sac, Cécilia en profite pour déguster un café et "taper la causette" avec Audrey. « C’est agréable de revenir chercher son pain à pied. Il y avait une vraie demande des habitants de notre commune qui n’avait plus de commerce depuis plusieurs années. Surtout pour les personnes sans voiture, qui ne peuvent pas se déplacer, indique cette Rouvroisienne. Cela me fait vraiment plaisir car le dernier commerce qui a fermé, c’était celui de ma grand-mère. »
C’est agréable de revenir chercher son pain à pied. Il y avait une vraie demande des habitants de notre commune qui n’avait plus de commerce depuis plusieurs années. Surtout pour les personnes sans voiture.
Cécilia, une habitante de Rouvroy-sur-Marne
En Haute-Marne, département qui perd environ 1 millier d’habitants par an, de nombreux commerces de proximité ont disparu depuis 40 ans, selon les études de l’Insee.
Dans le Grand Est, deux communes sur cinq ont perdu des services du quotidien
Le nombre de communes du Grand Est avec une épicerie ou une supérette a été divisé par 3,7. plus de deux communes sur cinq ont donc perdu des services du quotidien (boucherie, boulangerie, généraliste, coiffeur, librairie, épicerie-supérette, super-hypermarché, …) .
Mais depuis une dizaine d’années, la tendance tend à se stabiliser en Haute-Marne.
« L’artisanat se porte bien en Haute-Marne. Déjà en effectif. Il n’y en a jamais eu autant qu’aujourd’hui. Soit 3400 entreprises. Un chiffre jamais atteint. Une croissance débutée à la fin des années 80 et accélérée par le statut de micro-entreprise », constate Francis Raullet, responsable du service économique de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat du Grand Est en Haute-Marne..
L’artisanat se porte bien en Haute-Marne. Déjà en effectif. Il n’y en a jamais eu autant qu’aujourd’hui. Soit 3400 entreprises.
Francis Raullet, responsable du service économique de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat du Grand Est en Haute-Marne.
Parmi les secteurs d’activité en forme : le bâtiment, les métiers de bouche, les services… de petites entreprises qui ont bien résisté à la crise sanitaire.
« Pendant la crise sanitaire, les consommateurs étaient très sensibles aux produits locaux, aux services de proximité, analyse Francis Raullet. Aujourd’hui, on constate que pour les nouveaux commerces en artisanat classique, cette caractéristique est importante : privilégier les circuits courts, valoriser les produits locaux, le fait maison. »
Des entreprises qui bénéficient, entre autres, de l’attachement des Français comme l’a confirmé la 14e édition de la journée nationale des commerce de proximité, le 8 octobre.
Ces métiers ont créé des vocations en sortie de confinement avec le besoin des personnes de se réinventer. C’est le cas Audrey Scoditti, ancienne chauffeur de camion, sans emploi, qui a ainsi décidé de créer son commerce dans un local mis à disposition par la mairie de Rouvroy.
Un parcours du combattant
Et la jeune femme a dû se battre pour décrocher des aides, dont France Active. « Cela a été 9 mois d'émotions intenses mais je n'ai rien lâché, raconte Audrey. La crise m'a obligée à vivre autrement, à penser autrement, à consommer autrement.. Rien que le fait de consommer surplace. Quand on voit le prix du carburant et les difficultés pour se déplacer, avoir tout sur place c'est un atout pour la commune.»
Et l'étiquette "Made in Haute-Marne" est là. Andrey Scoditti range sur ses étagères les conserves et paquets de produits locaux : du fromage de Chevillon, de la charcuterie de Chaumont, du saucisson de Joinville, du pain de Froncles... « J'essaye de faire travailler tous les commerçants des alentours. Je pense qu'on peut se souder du coup. Ca peut fonctionner. J'ai fait un choix. »
Pour ouvrir mon commerce, cela a été 9 mois d'émotions intenses mais je n'ai rien lâché.
Audrey Scoditti, gérante du multiservice Le Concept à Rouvroy-sur-Marne
Avec ses produits différents, Audrey veut changer les mentalités. « Les premiers jours, les enfants de l’école venaient pour réclamer des sucreries habituelles. Je n’en ai pas alors je leurs ai fait goûter les bonbons et les sucreries fabriqués en Haute-Marne. Aujourd’hui, ils reviennent régulièrement en acheter pour le goûter. C’est aussi cela mon travail, redonner du goût. »
Donner des habitudes pour pérenniser l'activité
Ce renouveau des commerces de proximité dans les petites communes est soutenu par les élus. Mais ce n’est pas suffisant. Désormais, les réseaux sociaux sont un passage obligé pour attirer et conserver la clientèle.
L’envie de faire vivre le village, il faut qu’elle soit partagée par les habitants. Pas seulement durant les quinze premiers jours.
Cécilia, habitante de Rouvroy-sur-Marne
« L’envie de faire vivre le village, il faut qu’elle soit partagée par les habitants. Pas seulement durant les quinze premiers jours. Il faut que les habitudes deviennent pérennes et que l’on vienne prendre son café, son pain régulièrement. Que l'on vienne chez la coiffeuse. C’est un boulot de tous les jours et les réseaux sociaux sont essentiels pour cela, », conclue Cécilia.