Un agriculteur accuse le président du département de la Haute-Marne d'avoir exercé une pression pour qu'il ne se rende pas à une manifestation sur le thème de la santé. Une vidéo très partagée a été diffusée le dimanche 20 octobre 2024.
Une manifestation, deux protagonistes et versions de l'histoire. Depuis le dimanche 20 octobre 2024, une vidéo fait beaucoup parler.
Publiée par Florent Cressot sur son compte Facebook, un éleveur laitier de Cusey (Haute-Marne), on y voit ce dernier raconter une mésaventure. Il y implique le président (LR) du département, Nicolas Lacroix, en poste depuis 2017.
Contacté par France 3 Champagne-Ardenne, l'agriculteur renvoie vers sa vidéo, où il estime avoir déjà "tout dit". Il y évoque une manifestation dans la cité-préfecture le samedi 19 octobre, appelée par l'association Égalité Santé. Elle fait suite à la décision de reconstruire les deux hôpitaux de Chaumont et Langres (Haute-Marne), alors que les militant(e)s de l'association préféreraient voir émerger un nouvel hôpital à Rolampont (Haute-Marne), entre les deux communes (voir sa vidéo en intégralité ci-dessous).
Or, lors de cette manifestation rassemblant beaucoup de personnes des environs de Langres montées sur Chaumont, Florent Cressot avait l'intention de venir en tracteur. "Pour participer en tant que citoyen, pas en tant que représentant syndical." En effet, il dirige l'instance départementale laitière.
"J'ai reçu des pressions politiques. Monsieur Nicolas Lacroix a délibérément tenté de me dissuader de participer à cette manifestation avec mon outil de travail, mon tracteur avec une remorque pour une bonne visibilité de notre action. Il a appelé le président de la chambre d'agriculture pour le menacer de ne pas donner 50 000 euros à la chambre d'agriculture pour son budget, alors qu'on est à la veille des élections [de la chambre d'agriculture]."
Un "malaise" pour l'agriculteur
"Le président de la chambre d'agriculture s'est permis de m'appeler pour me dissuader de venir en tracteur, que je pouvais venir en civil, à pied, mais pas avec mon outil de travail. Je trouve ça très dérangeant. Alors que j'y étais en tant qu'habitant du monde rural, de nos campagnes."
"Si j'ai décidé de manifester avec mon tracteur, c'est pour montrer à l'État qu'il n'y a pas que dans le monde agricole que ça ne va pas. Aujourd'hui, l'offre de soins dans le sud haut-marnais est menacée. Donc ça me touche personnellement et il était important pour moi de m'associer à eux de toutes les manières que je pouvais. J'y suis donc allé en tracteur, et j'en suis fier."
"Ça a créé un malaise, et je pense qu'il a été créé par le président de notre conseil départemental, Nicolas Lacroix. Qui pense qu'il a la mainmise sur l'agricole, alors qu'il fait des promesses - comme d'habitude - mais qu'il ne les tient pas forcément. Je pense que j'aurai une discussion avec lui sur les conséquences de son geste. Il faut que ça cesse : l'argent ne fait pas le pouvoir. Je dénonce ça."
Un "malentendu" pour l'élu politique
Le président du département, récemment cité pour avoir dénoncé la situation financière difficile des départements en mettant en vente la préfecture sur LeBonCoin, fait part d'un autre son de cloche auprès de France 3 Champagne-Ardenne. Jusque là, il se considérait en bons termes avec Florent Cressot, avec qui il travaille régulièrement "depuis des années" (ils sont même amis sur Facebook). Et il compte faire en sorte que cela se poursuive ainsi.
"C'est très simple. Une manifestation était prévue à Chaumont dans le cadre du projet hôpital le samedi après-midi. J'ai entendu parler qu'un certain nombre de personnes viendraient, dont des tracteurs, devant la préfecture, puis la mairie, puis le conseil départemental. J'ai appris ça jeudi. J'avais une séance le lendemain. Des dossiers étaient prévus, dont agricoles. C'était conséquent. Contrairement à ce qui pu être écrit, ce n'était pas pour retirer 50 000 euros, mais prolonger une convention qui existe déjà de presque 200 000 euros, à laquelle on rajoute 50 000 euros."
"On n'a jamais autant accompagné le monde agricole. Sur cet aspect avec la convention avec la chambre d'agriculture, mais aussi notre présence au Salon de l'agriculture, notre plan contre l'approche du loup. Je rappelle aussi la construction d'un abattoir départemental au profit des éleveurs. On reste proche des agriculteurs alors que ce n'est plus une compétence du département. C'est important pour nous." (voir l'emplacement de l'abattoir sur la carte ci-dessous)
"Jeudi après-midi, ce que j'ai fait, c'est appeler le président de la chambre d'agriculture. Je lui ai dit que vendredi, on passait plusieurs dossiers sur le monde agricole, et que ça serait discourtois que dès le lendemain, des tracteurs viennent à Chaumont klaxonner devant le département, alors qu'on va augmenter notre partenariat. Que ça serait maladroit de venir dès le lendemain de notre réattachement au monde agricole; en tracteur pour des questions de santé car il ne faudrait pas tout mélanger. J'ai uniquement dit ça."
"Le président de la chambre a appelé monsieur Cressot. Il lui a dit de ne pas venir avec le tracteur. C'est tout. Il lui a dit très exactement qu'un boulanger de Langres n'allait pas venir manifester avec sa camionnette, donc qu'il ne fallait pas venir avec son tracteur. Cela s'est arrêté là. Je n'ai jamais menacé monsieur Cressot." Il regrette "la violence diffamatoire des propos" de ce dernier, rejetant tout "chantage. Il n'y a pas de polémique. Et il faut respecter ses partenaires." Il est "touché" mais ne compte pas pour autant porter plainte après "ce petit épisode, car on connaît les difficultés du monde agricole. C'est le quotidien des élus.".
Quand Florent Cressot évoque auprès de France 3 que "monsieur Lacroix confirme" ses accusations en ayant "repoussé le vote des 50 000 euros pour la chambre d'agriculture", le président du département explicite que certes, le vote de jeudi n'a "pas eu lieu car la convention n'est pas prête. J'avais annoncé qu'on allait voir comment accompagner les éleveurs avec la fièvre catarrhale.".
Nicolas Lacroix promet que la convention sera rééxaminée le lundi 18 novembre. "Elle passera, avec les 50 000 euros en plus et un volet supplémentaire pour la fièvre catarrhale." Et qu'il s'entretiendra avec l'agriculteur quand il en aura le temps.