De la neige, ils en ont chaque hiver. Mais de mémoire d'Auburien, plus autant depuis une quinzaine d'années : près d'un mètre, tombé en trois jours mi-janvier. Avec le redoux, elle s'est un peu tassée, mais les 400 habitants du village vivent encore dans un épais manteau blanc. Avec le sourire.
Aubure, perché à 930 m d'altitude, est le plus haut village d'Alsace. A ce titre, les habitants sont habitués à des hivers bien plus rigoureux et enneigés qu'en plaine : leur quotidien est rythmé par les trottoirs à dégager, les combinaisons à enfiler pour aller à l'école, en luge, les pneus neige à ne surtout pas oublier... Mais ce mois de janvier 2021 restera dans les annales comme le plus blanc depuis une quinzaine d'années. Leur vie en est donc un peu chamboulée. Mais surtout enchantée.
Sur le chemin de l'école
Dès le CE2, les petits Auburiens partent chaque matin pour Ribeauvillé. Départ du car 7h15... quand il arrive à grimper! Pas de transport scolaire les 14 et 15 janvier, au moment des fortes chutes de neige (et d'arbres), et quatre jours plus tard, il met dix bonnes minutes à manoeuvrer dans les rues du village, les tas de neige le long des routes compliquant la tâche de la conductrice... qui finit par réussir à contourner le rond-point pour acheminer les enfants.
Pour les plus jeunes, c'est plus simple, et bien plus amusant : le chemin de l'école se fait à luge!
Priorité : déneiger
Les axes secondaires ne sont pas déneigés par les services départementaux, charge donc à la commune de les prendre en charge. "Il y a environ 8 km de route sur la commune, donc en aller-retour, ça fait 16..." Et Jean-François Parmentier les connaît par coeur. Il est agent technique depuis 33 ans à Aubure, le seul de la commune. Il a été sur le pont six jours consécutifs en cette mi-janvier. "Le jeudi, j'ai démarré à 7h, et je suis rentré chez moi vers minuit. Et le lendemain, rebelote dès 7h! Mais ce n'est pas une corvée, je le fais plutôt avec plaisir. Et c'est ma mission d'aider les gens."
Mais à Aubure, le déneigement, c'est l'affaire de tous : une grande solidarité existe dans le village pour venir à bout des tas de neige accumulés. Il faut parfois aider les plus âgés, même si certains ont encore un bon coup de pelle! René Maire est l'une des mémoires du village : à 85 ans, il se réjouit de revoir un hiver "comme dans sa jeunesse". "C'est bon pour les sources et la nappe phréatique. Nous, on vit en altitude et on dépend de l'eau de source. Les sols ont besoin de cette neige."
L'épicerie : le refuge
Pendant trois jours, Aubure a été presque coupé du monde : les chutes de neige, et d'arbres, ont rendu les routes impraticables entre jeudi 14 janvier dans la soirée et samedi 16. Même l'épicière n'a pas pu monter. Christel Adoneth a repris le seul commerce de la commune début décembre. Elle habite la plaine et a donc été contrainte de laisser les portes closes pendant deux jours. Les clients sont ravis de la retrouver, le pain frais, le journal et tous les produits qu'elle propose. "C'est ma mission d'être là pour eux!"
Record de neige depuis 2006
Avec près d'un mètre tombé en deux jours, cet épisode neigeux est le plus important depuis quinze ans. Et du haut de leurs 930 m d'altitude, les Auburiens s'en réjouissent plutôt que d'en voir les inconvénients. "J'ai vécu ça quand j'étais petite, je suis contente que mes filles aient la chance de connaître un tel hiver au même âge", sourit cette maman de trois enfants. "Nous, on vient d'arriver il y a 4 mois, on est en train de construire, explique cette autre, qui emmène son fils à l'école, les pieds dans la neige. Et c'est pour ça qu'on est là : le calme, la nature, les paysages... Cette neige, c'est génial! Pour notre premier hiver, on est baptisé!"